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samedi 2 avril 2016 | By: Mickaelus

Louis de Bourbon, duc d'Anjou : Ostension de la Sainte Tunique du Christ

"La Sainte Tunique du Christ, confiée au IXème siècle par Charlemagne à sa fille Théodrade, demeure depuis douze siècles à Argenteuil et depuis cent cinquante ans dans la basilique construite spécialement pour la recevoir.
 
À l’occasion de ce 150ème anniversaire, du 50ème anniversaire du diocèse de Pontoise et de l’Année Sainte de la Miséricorde, S.Exc. Monseigneur Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise, a souhaité qu’une Ostention de la Sainte Tunique soit organisée du 25 mars au 10 avril. La Sainte Tunique sera présentée, dépliée dans un antique reliquaire, au cœur de la Basilique.
 
M. l’abbé Guy-Emmanuel Cariot, recteur de la Basilique Saint-Denys d’Argenteuil, a invité Mgr le duc d’Anjou à venir « à la suite de ses ancêtres, de Louis VII à Louis XIII, vénérer à son tour la Sainte Tunique ».

Une messe pour la France sera célébrée à 19h00 par S. Exc. Monseigneur Luc Ravel, évêque aux Armées.

La vénération de la Sainte Tunique aura lieu à l’issue de la messe, soit vers 20h15."


 

Secrétariat de Monseigneur le Duc d'Anjou


"J’ai souhaité, à l’occasion de cette ostension exceptionnelle, pouvoir vénérer à mon tour, la Sainte Tunique conservée dans la Basilique d’Argenteuil.

Depuis le recueil de cette insigne relique par Charlemagne qui l’a reçue de l’impératrice Irène de Constantinople, nombreux furent les rois de France, mes ancêtres, qui vinrent l’honorer. Les annales ont retenu notamment Louis VII dont le règne marque la première ostension dont on ait la trace ; saint Louis dont la dévotion était si grande qu’il acquit les reliques de la Passion et fit construire pour elles la Sainte-Chapelle ; François 1er sous le règne duquel eut lieu une grande procession réunissant la Couronne d’épines et la Sainte Tunique ; Henri III et Louis XIII vinrent aussi se recueillir, ainsi, qu’à la suite de Blanche de Castille, les reines Catherine et Marie de Médicis et Anne d’Autriche.

Au-delà de l’importance de la Sainte Tunique, relique permettant aux fidèles de renforcer leur foi en offrant à leur vénération un objet qui les relie directement au Christ, l’ostension suscite une communion comme peu d’événements en produisent.

Publique, elle permet à tout un peuple de s’associer dans une même prière. Il y a là un symbole très fort. Les ostensions permettaient à des dizaines de milliers, des centaines de milliers de Français, d’être réunis autour du souverain pour un acte commun.

Cette année ce seront entre deux cent cinquante mille et plus de un demi-million de personnes qui participeront à cette présentation solennelle. Quel symbole pour notre époque ! Un des événements majeurs de l’année sera religieux. Voilà qui remet bien des idées en place. Dans une société laïcisée dans laquelle d’aucuns voudraient n’attribuer à la religion qu’une dimension personnelle et individuelle, il est important de donner l’occasion d’exprimer leur foi et leurs convictions à de nombreux fidèles dans un esprit d’unité.

Plusieurs Évêques et Cardinaux, et il me plaît, tout particulièrement à cette occasion, de saluer Son Éminence le Cardinal Philippe Barbarin, Primat des Gaules, se succéderont durant ces deux semaines pour présider les cérémonies. La présence de tous renforce le caractère universel de l’ostension de 2016.

Il me paraissait important, à la fois comme chrétien et comme héritier des rois mes prédécesseurs, d’y participer dans le même élan de partage avec le plus grand nombre d’une foi commune dans laquelle la France puise son identité et sa grandeur.

La messe du 1er avril est célébrée par son Excellence Mgr Luc Ravel, Évêque aux Armées, aux intentions de la France. Dans ma position d’héritier de la dynastie qui a fait la France, j’ai tenu à m’y associer, souhaitant ainsi continuer à inscrire cette ostension de 2016 dans une tradition plus que millénaire.

Je remercie tout particulièrement Son Excellence Mgr Stanislas Lalanne, Évêque de Pontoise d’avoir pris l’initiative de permettre cette ostension exceptionnelle pour les cent cinquante ans de l’édification de la nouvelle basilique Saint-Denys, les cinquante ans de la création du diocèse du Val d’Oise et l’année de la Miséricorde. J’associe à mes remerciements l’ensemble des équipes paroissiales si dévouées. Enfin, j’adresse toutes mes félicitations au Père Cariot, recteur de la Basilique pour son rôle majeur dans l’organisation de ces cérémonies et la restauration exemplaire de la sainte relique.

Qu’en cette occasion, qui nous permet de toucher jusqu’au plus profond du mystère de notre foi catholique et de notre histoire de France, saint Louis et saint Denis intercèdent afin que la France poursuive sa mission, si essentielle pour toute l’humanité, de fille aînée de l’Église.

Louis, duc d’Anjou
1er avril 2016"




Pour en savoir un peu plus sur l'histoire de la Sainte Tunique du Christ et sur l'Ostension, je vous invite à vous rendre sur le site officiel, via ces rubriques notamment :

lundi 28 mars 2016 | By: Mickaelus

Henri d'Orléans, comte de Paris : la mission d'un roi des Français

[Cette réflexion a tout d'abord été publiée sur le forum le 22 mars, à partir d'un sujet sur l'orléanisme initié par Ordre Naturel.]


[...] Le comte de Paris Henri d'Orléans a publié récemment sur son blog, le 12 mars, un texte qui s'intitule la Mission de notre Dynastie, et qui permet d'illustrer certains des points qui ont été judicieusement posés par notre ami Ordre naturel au tout début de ce sujet. Certains extraits ont ainsi attiré mon attention.


I. Le roi des Français

Henri d'Orléans a écrit : Le destin, je dirais plutôt la mission d’un Prince de France et à fortiori celle du Chef de la Maison Royale de France, est de devenir l’exemple exemplaire dans cette symbiose avec les peuples de France, afin de lui permettre, si un jour c’est son destin, d’assumer l’équilibre nécessaire entre le passé -la tradition- le présent et l’avenir -la modernité-. Un Prince de France ne peut choisir l’avant contre l’après, l’ancien au dépens du nouveau. Il n’opte jamais pour une France contre l’autre, il ne l’a jamais fait.

[...]

Tenir lieu de témoin et de médiateur au titre de la Royauté de l’Homme, celle de chacun. Difficile et merveilleuse exigence qui, au lieu de les rabaisser à des proportions néfastes, leur rappelle leur lien avec notre Créateur à tous! Bien des gens attendent du Chef de la Maison Royale de France une « action », un engagement sous entendu politique. Je me remémore les paroles d’André Malraux: « L’avenir sera Spirituel ou ne sera pas… » La politique politicienne ne peut donc être la voie Royale [...].

Il me semble qu'à travers ces principes et ces ambitions, le comte de Paris nous rappelle qu'il est l'héritier non pas des rois de France, mais bien plutôt, et uniquement, du roi des Français Louis-Philippe. En effet, contrairement au roi de France (et de Navarre) qui tient son titre de Dieu et de la loi de succession, le roi constitutionnel à la mode orléaniste tient son titre du consentement du peuple et de ses représentants, étant donné que la loi de succession constitutionnelle peut fort bien être abrogée par ledit peuple s'il est mécontent de sa dynastie. Le roi constitutionnel orléaniste n'est par conséquent pas roi de France mais roi de la Nation, ce qui fait qu'en effet, comme l'explique le comte de Paris, il ne veille pas sur ses peuples d'après une logique transcendante mais d'après une logique démocratique et arbitrale. Le roi des Français n'est pas là pour faire respecter les valeurs verticales de la civilisation France, mais pour arbitrer pragmatiquement les courants de pensée qu'il constate d'après une logique horizontale.

A partir de là, le comte de Paris a raison d'écrire que le roi n'a jamais choisi une France contre l'autre, à ceci près qu'il n'a jamais existé qu'une France promue par le pouvoir sous la monarchie traditionnelle, et que les rois de France ont abondamment pris parti pour les valeurs fondamentales dont ils étaient les garants à travers leur sacre, et parce qu'ils devaient transmettre à leur héritier un royaume intact, non pas seulement "arbitrer" des modes éphémères comme autant de clubs philosophiques ou de loges franc-maçonnes. La Chrétienté s'est ainsi édifiée par l'élan missionnaire, depuis le combat contre l'arianisme, contre le paganisme, via la conversion très virulente des Saxons par Charlemagne, par l'assurance du respect de l'orthodoxie, de la répression des Cathares par Louis IX à celle des Protestants par Louis XIV : le roi de France prend parti dès lors que l'intégrité de la civilisation France est en jeu. Il ne s'agit pas d'une posture politicienne mais d'une mission fondamentale.

Prenons, à cet égard, un dernier exemple historique en dehors de la sphère religieuse, qui concerne particulièrement la famille d'Orléans : quand on accuse Charles X d'entretenir une acception trop royaliste, j'ai presque envie d'écrire souverainiste (au sens où le souverain demeure prépondérant), de la Charte de 1814, c'est précisément le choix mais surtout le devoir opéré par ce dernier roi de France en exercice, d'être fidèle à son titre et à son sacre. Cette fidélité nécessite de prendre parti pour la tradition contre le libéralisme politique qui s'installait alors. Louis-Philippe, digne fils de son père, a fait un choix politique, et réellement politicien celui-là : l'usurpation et l'embrassade à bras-le-corps du libéralisme et du nationalisme.


II. Le relativisme religieux

Henri d'Orléans a écrit : La politique politicienne ne peut donc être la voie Royale, mais seule celle qui se fonde sur des valeurs éthiques, des valeurs d’espérance, celles que notre civilisation a toujours prônées depuis Platon et qui, à partir de Clovis sont devenues chrétiennes. L’éthique n’a rien de commun avec le religieux et dans notre modernité, il ne faut pas mélanger les croyances religieuses qui relèvent de chaque conscience avec l’éthique qui devrait concerner tout un chacun. C’est pourquoi la séparation de l’Etat d’avec l’Eglise, d’avec TOUTES les confessions est gravée dans la Loi de 1905. Elle est nécessaire et suffisante et rejoint l’injonction du Christ : »rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Lui… » En revanche la dérive laïque actuelle, qui devient une religion nihiliste obligatoire d’Etat, poursuivant les uns et favorisant les autres, est une terrible et grave erreur politique qui divise la France et qui ne l’unit plus, car elle encage tout un chacun dans un communautarisme obligé.

A partir du commentaire précédent, on ne doit pas être étonné que le comte de Paris revendique les valeurs, si l'on peut dire, et l'héritage du roi des Français ; cependant, il va encore plus loin. Non content, finalement, d'être fidèle à la Charte de 1830 de son aïeul qui a ôté à la religion catholique son statut de religion d’État, statut que la Charte de 1814 de Louis XVIII et de Charles X lui octroyait encore, il va jusqu'à embrasser la doctrine républicaine de la laïcité et jusqu'à cautionner la loi de 1905. Car après tout, comme il l'écrit, et cohérent avec son idée de la royauté comme présidence des opinions, la foi est l'affaire de chacun, et l'éthique doit pouvoir réunir tout un chacun. Voilà que nous en revenons à la philosophie des Lumières qui réapparaît sous la plume du comte de Paris sans dire son nom, car c'est bien là de la Vertu et de la Raison des philosophes dont il est question, valeurs tout humaines plaçant Dieu à l'écart et devant suppléer un catholicisme jugé par trop obscurantiste. On comprend qu'on ne mentionne aucunement quelque sacre dont on aurait grand peine à déterminer l'utilité dans un tel contexte. Certes, le comte de Paris dénonce implicitement la collusion de l’État actuel avec l'islam, en violation de la laïcité républicaine, et le laïcisme comme le communautarisme, sans paraître vouloir reconnaître que c'est la tradition dont il se réclame qui a été la matrice des dérives radicales et nihilistes contemporaines. Le rôle d'un roi de France n'est pas contemplatif, il est celui d'un roi catholique qui veille à la pérennité spirituelle de la civilisation France. Le roi des Français orléaniste, lui, comme les réactionnaires républicains d'aujourd'hui, a apparemment la nostalgie d'une France ancienne qui s'assumait, mais le principe dont il est issu, révolutionnaire et nationaliste, implique cette destruction même.


III. L'usurpation nationaliste

Henri d'Orléans a écrit : C’est ainsi que depuis Hugues Capet, tous les Rois de France furent Français de souche et aucun immigré Anglais ou Espagnol qui obtiendrait la double nationalité ne pourra régner sur la France et, à fortiori, s’il descend d’un dictateur espagnol ou des Bourbon par les femmes. Les Lois Fondamentales du Royaume, en outre, ont prévu, lorsque le Roi est trop jeune ou dans l’incapacité de régner, de désigner son plus proche parent comme Régent entouré d’un Conseil de Régence. Souvenez vous de Saint Louis partant aux croisades et confiant la Régence à sa Mère Blanche de Castille, ou encore Louis XV, Roi à six ans, qui eut son Grand Oncle Philippe d’Orléans, plus connu sous le nom de Régent. Les titres importent peu car la mission doit être effective.

Il eût été impensable que dans un article ayant pour sujet la mission dynastique des Orléans, soit d'un roi des Français, le comte de Paris n'évoquât pas Mgr. Louis de Bourbon, l'héritier lui, des rois de France, sur un mode indirect. Ainsi, on nous concède qu'avant la dynastie des Capétiens, des monarques ayant régné sur la Francie occidentale n'étaient pas de ce qu'il conviendrait d'appeler de pur sang français : il est certain que le parler vieil-allemand de Charlemagne ne transporterait pas les foules dans les provinces de nos jours. Toutefois, il faut surtout s'intéresser au terme de "français de souche" employé par Henri d'Orléans. Faudrait-il voir là une conception raciale, et alors très germanique et point du tout romaine paradoxalement, de la royauté ? Je ne saurais croire que le comte de Paris ignore à quel point le sang des successeurs de Hugues Capet a été mêlé, du fait du mariage de ses descendants avec de nombreuses princesses étrangères, dès lors je suppose que l'expression signifierait un lieu de naissance en France, ainsi qu'une éducation française. Toutefois, le raisonnement du comte de Paris dévoile son origine républicaine dès lors qu'il s'oublie à évoquer la double nationalité, en faisant un parallèle maladroit entre la prétention - selon lui - de Mgr. Louis de Bourbon à la couronne de France, et les prétentions anglaises étrangères de la Guerre de Cent ans. Car de quelle double nationalité peut-il donc s'agir de nos jours ? Serait-ce à dire qu'aujourd'hui, pour être successible, un prince capétien devrait brandir sa carte d'identité de la république française comme un honneur insigne ? Outre le fait que cela trahit la conception nationaliste de la France des Orléans, rien n'est plus faut car s'agissant d'une lignée royale, le droit du sol ne saurait primer le droit du sang, qui seul fonde le droit d'aînesse : est-on moins fils de son père parce qu'on est né ailleurs ? Est-on français désormais parce que l'on naît et réside dans la république, plutôt que par la noblesse du sang et la fidélité aux valeurs royales ? C'est là un raisonnement aussi bâtard que l'était la monarchie de Juillet. Je laisserai également à mes lecteurs, eu égard aux insinuations d'Henri d'Orléans sur Mgr. Louis de Bourbon, le soin de se demander s'il est plus infamant de descendre de Franco que d'être issu d'un régicide, Philippe-Égalité, et d'un usurpateur, Louis-Philippe. De même que quand on en est réduit à relayer la rumeur d'une ascendance Bourbon de notre prince par les femmes seulement, du fait d'une infidélité, c'est que l'on ne doit guère être sûr de son fait, et moins encore de son droit.


Bien triste est, en vérité, cette défense d'un royalisme révolutionnaire, alors que le texte fait quelques constats judicieux sur les dérives de la modernité, et bien plus dommage encore ce refus de reconnaissance du droit d'aînesse de Mgr. Louis de Bourbon, duc d'Anjou, quand la famille royale de France se devrait d'être unie pour relever le Trône et l'Autel, pour le bien et la gloire de notre pays.

samedi 5 décembre 2015 | By: Mickaelus

Louis de Bourbon, duc d'Anjou : les attentats du 13 novembre et Louis XIV

 Secrétariat de Monseigneur le Duc d'Anjou



 Discours prononcé lors de la réception
du lundi 23 novembre
organisée pour commémorer le tricentenaire de la mort
du Roi Louis XIV (1715 - 2015)


Chers Amis,


Alors qu’il y a quelques mois, nous apprenions qu’allait se tenir à Versailles la passionnante exposition Louis XIV et que nous organisions une soirée en hommage au grand roi, autour de la conférence qui nous a tant intéressés, personne n’imaginait que la France serait frappée par un acte d’une barbarie infinie.

La France frappée, et en particulier Paris, sa capitale. Paris, que le Comte de Chambord en 1870 alors que les ennemis étaient en son cœur qualifiait, de « la ville de Clovis, de Clotilde et de Geneviève, (...) la ville de Charlemagne et de Saint Louis, de Philippe Auguste et d’Henri IV, (...) la ville des sciences, des arts et de la civilisation ». L’ennemi, une nouvelle fois, est là !

Frappée au plus profond d’elle-même car, répétant un geste que les révolutionnaires connaissent bien, les assassins ont pris les jeunes pour cibles. Faire mourir des enfants, c’est aussi pour une part, tuer les parents. Alors, ne supportons plus le déni, donnons leurs sens aux événements et aux mots, parlons en vérité : ceux qui ont commis ces massacres sauvages sont des assassins et des barbares sans foi ni loi.

Ma compassion et mes prières vont à toutes les victimes et à leurs familles meurtries et j’adresse mes encouragements et félicitations aux forces de l’ordre et aux autorités judiciaires dont l’action dangereuse s’est révélée efficace ainsi qu’aux médecins et infirmières qui ont secouru et soigné, confrontés à des blessures de guerre bien inhabituelles pour eux.

Mais comme héritier des rois, comme héritier d’une tradition, ayant élevé au rang des principes intangibles de la politique, l’état de droit garanti par les lois fondamentales, je ne peux, comme vous tous, que ressentir au plus profond de moi la tragédie que représentent de tels actes perpétrés sur notre sol, perpétrés contre la France et les Français.

Évoquer cette tragédie en cette journée, où nous tenions à honorer le roi Louis XIV à l’occasion du tricentenaire de sa mort, apparaît alors comme un vrai symbole, tant elle en est l’antithèse. En effet, qu’a voulu le roi, si ce n’est tendre vers le meilleur régime ? Le moins mauvais, en tout cas, sachant ce que sont les individus. Gouvernement d’équilibre entre Dieu et les hommes. Entre les égoïsmes de chacun et le bien commun pour tous. Entre tradition et progrès.

S’il fut un grand souverain, celui dont le professeur Jean Christian Petitfils nous a si bien parlé ce soir, c’est qu’il a découvert tôt dans sa vie, lorsqu’il a décidé de gouverner personnellement, ces principes qu’il s’est appliqué ensuite à mettre en œuvre. Pouvoir d’équilibre et de maîtrise du monde naturel comme des hommes ; du monde spirituel comme des institutions. Pouvoir pour ordonner la société comme un jardin à la française, c’est-à-dire lui donner du sens, mais aussi pour permettre aux Lettres et aux Arts d’acquérir leur plein épanouissement. Sa mort fut à l’image de sa vie comme Madame Saule l’a si bien évoqué dans la remarquable exposition qu’elle a montée à Versailles et qu’elle m’a fait visiter cet après-midi. Sa mort résume sa vie et la magnifie. L’astre a alors rejoint les cieux !

Mais celui que les hommes avaient peut-être jugé un peu vite, trop occupé de sa propre grandeur, ne la poursuivait pas pour lui-même mais pour la France dont il a fait un exemple donné au monde et un modèle de civilisation.

Or, n’est-ce pas le message que l’on attend actuellement ? Notre société a besoin de sens et de modèles auxquels se référer. Ne faut-il pas, une nouvelle fois, rappeler la phrase si prophétique de saint Jean-Paul II, « France qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? » La France tient-elle toujours sa place ? Au fond d’elle-même peut-elle toujours dire qu’elle est un modèle à donner aux autres nations quand elle renie la vie, quand elle ne sait plus éduquer ses enfants, quand elle abandonne ses vieillards, quand elle baisse la garde alors que depuis près de 15 ans la menace était visible, quand elle oublie l’essentiel de son histoire et méprise la réalité au profit de l’idéologie ? Pour pouvoir être un modèle auquel le monde peut et veut adhérer, encore faut-il être exemplaire.

La France vient de montrer qu’elle était capable de l’être dans le malheur et lorsqu’elle est attaquée, en retrouvant une certaine union ainsi que réalisme et lucidité. Elle doit continuer à le montrer à l’avenir. Reprendre sa place de veilleur et de sentinelle dont la vocation est de protéger et de promouvoir ses idéaux puisés aux sources chrétiennes et ses valeurs nées de l’héritage gréco-romain et polies par quinze siècles d’histoire. « Ne l’oubliez pas, c’est du retour à ses traditions de Foi et d’honneur, que la grande nation, un moment affaiblie, recouvrera sa puissance et sa gloire », écrivait le Comte de Chambord toujours si pertinent dans ses jugements. C’est cette France que le monde attend et espère surtout quand les barbares sont à ses portes, prêts à répandre la mort, le désespoir, la ruine et la désolation.

Chacun à leur manière, Madame Saule et Monsieur Petitfils, à qui je tiens à redire tous mes remerciements, l’ont grandement montré. La première par l’exposition qu’elle offre à Versailles et qui j’en suis persuadé recevra de très nombreux visiteurs ; le second par ses talents d’historien et tous ses travaux dont la conférence de ce soir nous a donné un aperçu trop bref mais si convaincant.

La dynastie capétienne depuis les premiers temps, a toujours accompagné la France dans ses moments de gloires comme dans ceux d’épreuves : à Bouvines et à Rocroi, comme à Crécy et Malplaquet. Chaque fois, elle a apporté son message d’espoir. Incarnée dans une famille, elle sait, plus que tout autre, qu’il y a toujours une génération pour prendre la relève. Louis XIV laissant la France aux mains d’un enfant de 5 ans le savait. Son héritier incarnait la jeunesse du monde. La jeunesse de la France sans cesse renouvelée, celle qui porte notre avenir.

Par l’intercession de Saint Louis, protégeons notre pays et transmettons notre héritage à nos enfants.

Merci de m’avoir écouté.


Louis de Bourbon, duc d’Anjou


Source : Institut de la Maison de Bourbon (lien direct vers la version pdf)


dimanche 10 janvier 2010 | By: Mickaelus

Roland, de retour de Roncevaux

Alexandre Dumas nous rapporte dans cette courte nouvelle une autre tradition sur la mort de Roland, bien loin de Roncevaux.

"Le pèlerinage du Rolandseck ou des ruines de Roland est une nécessité pour les âmes tendres qui habitent non seulement les deux rives du Rhin, depuis Schaffouse jusqu'à Rotterdam ; mais encore à cinquante lieues dans l'intérieur des terres. S'il faut en croire la tradition, ce fut là que Roland, remontant le Rhin pour répondre à l'appel de son oncle, prêt à partir pour combattre les Sarrasins d'Espagne, fut reçu par le vieux comte Raymond. Celui-ci, apprenant le nom de l'illustre paladin qu'il avait l'honneur de recevoir chez lui, voulut qu'il fût servi à table par sa fille, la belle Hildegonde. Peu importait à Roland par qui il serait servi pourvu que le dîner fût copieux et que le vin fût bon. Il tendit donc son verre : alors une porte s'ouvrit, et une belle jeune fille entra, un hanap à la main, et s'avança vers le chevalier. Mais, à moitié chemin, les regards d'Hildegonde et de Roland se rencontrèrent, et, chose étrange ! tous deux commencèrent à trembler de telle façon que moitié du vin tomba sur les dalles, tant par la faute du convive que par celle de l'échanson.

Roland devait partir le lendemain ; mais le vieux comte Raymond insista pour qu'il passât huit jours au château. Roland sentait bien que son devoir était à Ingelheim ; mais Hildegonde leva sur lui ses beaux yeux, et il resta.

Au bout de ces huit jours, les deux amants ne s'étaient point parlé de leur amour, et cependant, le soir du huitième jour, Roland prit la main d'Hildegonde et la conduisit dans la chapelle. Arrivés devant l'autel, ils s'agenouillèrent tous deux d'un même mouvement. Roland dit : "Je n'aurai jamais d'autre femme qu'Hildegonde." Hildegonde ajouta : "Mon Dieu ! recevez le serment que je fais d'être à vous si je ne suis à lui."

Roland partit. Une année s'écoula. Roland fit des merveilles, et le bruit de ses prouesses retentit des Pyrénées aux bords du Rhin ; puis tout à coup on entendit vaguement parler d'une grande défaite, et le nom de Roncevaux fut prononcé.

Un soir, un chevalier vint demander l'hospitalité au château du comte Raymond ; il arrivait d'Espagne où il avait suivi l'empereur. Hildegonde se hasarda à prononcer le nom de Roland, et alors le chevalier raconta comment, dans la gorge de Roncevaux, entouré de Sarrasins, et se voyant seul contre cent, il avait sonné de son cor pour appeler l'empereur à son secours, et cela avec une telle force, que, quoiqu'il fût à plus d'une lieue et demie, l'empereur avait voulu retourner ; mais Ganelon l'en avait empêché, et le bruit du cor s'en était allé mourant, car c'était le dernier effort du héros. Alors il l'avait vu, pour que sa bonne épée Durandal ne tombât point entre les mains des infidèles, essayer de la briser sur les roches ; mais, habituée à fondre l'acier, Durandal avait fendu le granit, et il avait fallu que Roland enfonçât la lame dans une gerçure, et la brisât en appuyant dessus. Puis, couvert de blessures, il était tombé à côté des tronçons de son épée, en murmurant le nom d'une femme qui s'appelait Hildegonde.

La fille du comte Raymond ne versa pas une larme et ne jeta pas un cri ; seulement, elle se leva pâle comme une morte, et, s'approchant du comte :

- Mon père, lui dit-elle, vous savez ce que Roland m'avait promis, et ce que, de mon côté, j'avais promis à Roland. Demain, avec votre permission, j'entrerai au couvent de Nonenwerth.

Le père regarda la fille en secouant tristement la tête, car il se disait en lui-même : Roland était-il donc tout ? et moi, n'étais-je donc rien ? Puis, se rappelant qu'il était chrétien avant d'être père :

- La volonté de Dieu soit faite en tout chose ! répondit-il.

Et le lendemain Hildegonde entra dans le couvent. Puis, comme elle avait hâte de prendre le voile, car il lui semblait que plus elle serait séparée de la terre, plus elle serait rapprochée de Roland, elle obtint de l'évêque diocésain, qui était son oncle, que le temps des épreuves fût réduit à trois mois pour elle ; et, au bout de ces trois mois, elle prononça ses vœux.

Huit jours ne s'étaient pas écoulés qu'un chevalier demande l'hospitalité au château du comte Raymond. Le comte descend au-devant de lui ; le chevalier s'arrête et le regarde avec étonnement car, depuis trois mois qu'il s'était séparé de sa fille, le comte avait vieilli de plus de dix ans. Alors le chevalier lève la visière de son casque.

- Mon père, dit-il, j'ai tenu ma parole. Hildegonde m'a-t-elle gardé la sienne ?

Le vieillard jeta un cri de douleur. Ce chevalier, c'était Roland. Les blessures qu'il avait reçues étaient profondes ; mais elles n'étaient point mortelles. Après une longue convalescence, il s'était mis en route pour rejoindre sa fiancée.

La vieillard s'appuya sur l'épaule de Roland ; puis, rappelant son courage, il le conduisit, sans répondre une seule parole, à la chapelle, et là, lui faisant signe de s'agenouiller et s'agenouillant près de lui :

- Prions, lui dit-il.

- Elle est morte ? murmura Roland.

- Elle est morte pour toi et pour le monde ! N'avait-elle pas promis de n'être qu'à toi ou à Dieu ? Elle a tenu son serment.

Le lendemain matin, Roland sortit à pied, laissant son cheval et ses armes au château du vieux comte ; il s'enfonça dans la montagne, et vers le soir il arriva au sommet d'un des pics qui dominent le fleuve ; il vit à ses pieds, à l'extrémité de son île verdoyante, le couvent de Nonenwerth. En ce moment, les nonnes chantaient le salut, et au milieu de toutes ces saintes voix qui montaient au ciel, il y eut une voix qui vint droit à son cœur.

Roland passa la nuit étendu sur le rocher ; le lendemain, au point du jour, les nonnes chantèrent matines, et il entendit de nouveau cette voix qui faisait vibrer toutes les fibres de son âme. Alors il résolut de se bâtir un ermitage au sommet de cette montagne, afin de ne point s'éloigner du moins de celle qu'il aimait. Il se mit à l'œuvre.

Vers les onze heures, les nonnes sortirent et se répandirent dans leur île ; mais une d'elles s'éloigna de ses compagnes et vint s'asseoir sous un saule au bord de l'eau. Elle était voilée ; elle portait le même costume que les autres religieuses, et cependant Roland n'avait point douté un instant que ce ne fût Hildegonde.

Pendant deux ans, soir et matin, Roland entendit au milieu des voix religieuses cette voix qui lui était si chère ; pendant deux ans, tous les jours, à la même heure, la même religieuse solitaire vint s'asseoir à la même place, quoique chaque jour elle y vînt plus lentement. Enfin, un soir, la voix manqua. Le lendemain au matin la voix manqua encore. Onze heures vinrent, et Roland attendit inutilement. Les religieuses se répandirent, comme de coutume, dans le jardin, mais aucune d'elles ne vint s'asseoir sous le saule au bord de l'eau. Vers les quatre heures, quatre religieuses creusèrent, en se relayant, une fosse au pied du saule ; quand la fosse fut creusée, Roland entendit de nouveau les chants auxquels la plus douce et le plus belle voix manquait toujours, et la communauté tout entière sortit, escortant le cercueil dans le quel était couchée une vierge au front couronné de fleurs et au visage pâle et découvert.

C'était la première fois depuis deux ans qu'Hildegonde levait son voile.

Trois jours après, un pâtre qui avait perdu sa chèvre grimpa jusqu'au sommet de la montagne, et trouva Roland assis, le dos appuyé contre la muraille de son ermitage, et la tête inclinée sur la poitrine. Il était mort."


Alexandre Dumas, Roland, de retour de Roncevaux, dans Contes pour les grands et les petits et autres histoires
mercredi 22 octobre 2008 | By: Mickaelus

Tableaux de Charlemagne (742-814), roi des Francs, roi des Lombards et empereur d'Occident

Louis Félix Amiel, Charlemagne,
Empereur d'Occident (742-814)

Charles Ier le Grand ou Charlemagne

Albrecht Dürer, Charlemagne

Jean Alaux dit le Romain, Charlemagne,
Empereur d'Occident (742-814)

Charlemagne et Louis le Pieux, Grandes Chroniques de France (XIV-XVe s.)

Charlemagne et le pape Adrien Ier

Charlemagne entre les papes Gélase Ier et Grégoire Ier

Couronnements

Claude Jacquand dit Claudius Jacquand, Charlemagne couronné
roi d'Italie à Milan. 774

Raphaël, Le couronnement de Charlemagne

Carlo Martello, Charlemagne couronné par Léon III

Le 25 décembre de l'an 800, à Saint-Pierre de Rome, Charlemagne est couronné empereur par le pape Léon III. Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460

Événements divers

Paul Delaroche, Charlemagne traverse les Alpes. 773

Eugène Roger, Charlemagne traverse les Alpes. 773

Hippolyte Lecomte, Charlemagne
passe les Alpes

Ary Scheffer, Charlemagne présente ses premiers
capitulaires à l'assemblée des Francs. 779

Jules Laure, d'après Victor Schnetz, Alcuin présenté à
Charlemagne. 780

Victor Schnetz, Charlemagne, entouré de ses principaux officiers,
reçoit Alcuin qui lui présente des manuscrits, ouvrages de ses moines

Gillot Saint-Evre, Charlemagne établissant
Alcuin au Louvre, 780

Ary Scheffer, Charlemagne reçoit à Paderborn la soumission
de Witikind. 785

Julius Köckert (Koeckert), Hârûn ar-Rachid reçoit une
délégation de Charlemagne

Jacob I Jordaens, Hommage du calife Haroun Al Raschid
à Charlemagne

mercredi 27 février 2008 | By: Mickaelus

Hauts faits et mort de Turpin, archevêque-guerrier de Reims

A une triste époque où la France renie toujours plus sa vocation de fille aînée de l’Eglise, en ce temps de déclin où l’Eglise de France, contaminée par l’idéologie révolutionnaire et les Lumières, se perd dans le relativisme et le dialogue religieux propre à la république, il est bon de se ressourcer dans l’histoire de France mais aussi à l’aide de modèles littéraires, qui captent la force et la puissance évocatrice de la légende comme d’une tradition mythifiée. Tel est l’archevêque-guerrier Turpin de La Chanson de Roland, l’un des douze Pairs de Charlemagne, qui est, avec le bouillant et preux Roland et le sage et vaillant Olivier, l’un des personnages principaux de la première partie de la chanson de geste. Il est celui qui absout les péchés, celui qui harangue et réconforte l’ost de Roland, celui qui sait apaiser les querelles ; mais parce qu’il est sage il est aussi un brave chevalier qui sait quels devoirs lui imposent sa foi. Il préfigure ainsi les ordres des Templiers et des Hospitaliers qui acquerront tant de gloire pendant les Croisades, mais représente tout aussi bien un type historique que l’on peut trouver, par exemple, en Philippe de Dreux, évêque de Beauvais, voire Adhémar de Monteil, évêque du Puy, célèbre meneur de la Première Croisade.

Adhémar de Monteil (Adhémar du Puy) chargeant les Sarrazins en brandissant la Sainte Lance d'Antioche. Enluminure médiévale. (source)

***

Avant la bataille contre les Sarrasins qui attaquent en traîtres l’arrière-garde de Charlemagne sur le conseil du perfide Ganelon, Turpin sermonne les troupes franques :

« Arrive d’en face l’archevêque Turpin.
Il pique des deux, gravit un coteau,
S’adresse aux Francs et les a sermonnés :
« Seigneurs barons, Charles nous a laissés ici ;
pour notre roi notre devoir est de bien mourir.
La chrétienté, aidez à la soutenir !
Il y aura bataille, vous en êtes bien certains,
car de vos yeux vous voyez les Sarrasins.
Confessez-vous, demandez pardon à Dieu !
Je vous absous pour sauver vos âmes.
Si vous mourez, vous serez de saints martyrs,
et vous aurez un siège en haut du Paradis. »
Les Francs descendent de cheval, ils se sont prosternés ;
au nom de Dieu l’archevêque les bénit.
Pour pénitence, il leur ordonne de bien frapper.
Ils se relèvent, ils se remettent debout,
quittes de péchés et bien absous ;
au nom de Dieu, l’archevêque les a bénis. »

***

Pendant le combat, l’archevêque Turpin, de concert avec les onze autres Pairs de France, fait montre d’une grande vaillance et répond par le fer aux insolences des Sarrasins :

« Un roi est là, du nom de Corsablis
de Barbarie, un pays lointain,
et il appela à lui les autres Sarrasins :
« Nous pouvons bien poursuivre ce combat,
car des Français, il y en a bien peu.
Nous devons bien mépriser ceux qui sont là :
quoi que fasse Charles, aucun n’en réchappera.
Voici le jour qu’il leur faudra mourir. »
Bien l’entendit l’archevêque Turpin ;
personne au monde ne peut lui inspirer plus de haine.
Il pique des deux, de ses éperons d’or pur,
de toutes ses forces il est allé le frapper :
lui brise l’écu, lui défait le haubert,
et lui transperce le corps de son grand épieu,
l’enfonce à fond, le fait tout chanceler,
sur le chemin il l’abat mort de toute la longueur de sa lance.
Il baisse les yeux, voit le truand étendu ;
il n’a de cesse, se dit-il, qu’il n’ait le dernier mot :
« Ah ! vil païen, vous en avez menti !
Mon seigneur Charles est notre protecteur toujours,
et nos Français n’ont pas envie de fuir.
Vos compagnons, nous les arrêterons net, tous,
et quant à vous, il vous faudra subir une deuxième mort.
Frappez, Français ; qu’aucun de vous ne manque à son devoir !
Dieu ! par pitié, à nous le premier coup ! »
Il crie « Montjoie ! » pour se maintenir sur ses positions. »

***

L’archevêque, représentant de Dieu et du bien, tue de façon symbolique un magicien associé au paganisme et à l’enfer :

« Et l’archevêque leur tua Siglorel,
le magicien qui avait été, on le sait, en enfer ;
par sortilège Jupiter l’y conduisit.
Et Turpin dit : « Celui-là nous portait préjudice. »
Roland répond : « Il est vaincu, le truand.
Olivier, frère, ce sont là les coups qui me plaisent ! »

***

« De tout leur cœur les Français frappent, et avec vigueur,
et les païens sont morts en foule, par milliers :
sur les cent mille, il n’en est pas deux qui survivent.
L’archevêque dit : « Nos hommes sont bien preux ;
nul roi au monde qui n’en ait plus, et de meilleurs.
Il est écrit dans la Geste des Francs
que notre empereur eut de vaillants vassaux. »

***

Quand le roi des Sarrasins Marsile s’avance vers les Francs affaiblis, pris de stupeur par ses vingt corps de troupes fraîches, c’est Turpin qui redonne du cœur aux preux de Charlemagne :

« Quand les Français voient qu’il y a tant de païens –
de toutes parts les champs en sont couverts –
à maintes reprises ils réclament Roland et Olivier,
et les douze Pairs, pour qu’ils les protègent.
Et l’archevêque leur dit ce qu’il lui en semble :
« Seigneurs barons, renoncez à toute idée indigne !
Au nom de Dieu, je vous prie de ne pas prendre la fuite,
que nul guerrier n’en chante à notre déshonneur.
Il vaut bien mieux que nous mourions en combattant.
Nous en sommes sûrs, sous peu nous irons à notre fin ;
ce jour passé, nous ne resterons pas plus longtemps en vie.
Il est une chose, pourtant, dont je vous assure :
le Paradis vous est tout grand ouvert ;
là vous aurez vos places parmi les Innocents. »
Et à ces mots les Francs se réjouissent tant
Qu’il n’en est pas qui ne crie « Montjoie ! »

***

Turpin s’empresse d’appliquer les bonnes paroles qu’il vient d’adresser aux Francs ; c’est ainsi qu’il venge le comte Anseïs qui vient de tomber sous les coups de Malquïant, fils du roi Malcud, un Africain :

« Turpin l’archevêque chevauche à travers le champ ;
Jamais tel clerc tonsuré ne chanta la messe
qui de ses mains eût fait tant de prouesses.
« Que Dieu te comble de maux ! » dit-il au païen.
« J’ai le regret au cœur de celui que tu as tué. »
Son bon destrier, il l’a fait s’élancer,
frappe Malquïant sur l’écu de Tolède ;
sur l’herbe verte il l’abat mort. »

***

« Quand Marsile voit le massacre de ses gens,
il fait sonner ses cors et ses trompettes,
puis il chevauche avec la grande armée qu’il a levée.
Au premier rang chevauche un Sarrasin, Abisme,
le pire félon de toute sa compagnie :
de mœurs honteuses, il est chargé de grands crimes,
il ne croit pas en Dieu, le fils de Sainte Marie ;
la poix fondue n’est pas plus noire que lui ;
il aime bien mieux le meurtre et la trahison
qu’il ne ferait de tout l’or de Galice ;
jamais personne ne le vit se divertir ni rire.
Il est hardi, plein de témérité :
c’est pour cela qu’il est l’ami du roi félon Marsile ;
c’est lui qui porte son dragon, auquel se rallient ses troupes.
Jamais l’archevêque ne l’aimera :
dès qu’il le voit, il désire le frapper.
A voix très basse, Turpin se dit :
« Ce Sarrasin me paraît bien hérétique ;
plutôt mourir que de ne pas aller le tuer !
Je n’ai jamais pu aimer ni couard ni couardise. »
C’est l’archevêque qui engage le combat :
il monte le cheval qu’il avait pris à Grossaille –
c’était un roi qu’il tua au Danemark –.
Son destrier est rapide et vif :
sabots concaves, jambes plates,
cuisse assez courte, croupe bien large,
flancs allongés, échine bien haute,
queue toute blanche, crinière jaune,
petites oreilles, tête toute fauve ;
il n’y a bête qui coure aussi vite que lui.
Il pique des deux, et avec quelle vaillance !
il n’a de cesse qu’il n’attaque Abisme,
va le frapper sur l’écu prodigieux ;
il est couvert de gemmes, d’améthystes et de topazes,
et de diamants et d’escarboucles qui flamboient ;
à Val-Metas un diable lui en avait fait cadeau,
et puis l’émir Galafre le lui avait transmis.
Turpin le frappe, il ne l’épargne pas ;
après ce coup, l’écu ne vaut pas, je crois, un denier :
de part en part il lui transperce le corps,
et l’abat mort dans un terrain dégarni.
Les Français disent : « Quelle belle vaillance !
Chez l’archevêque, la crosse procure bien le salut ! »
Le comte Roland d’adresse à Olivier :
« Compagnon, sire, convenez-en,
l’archevêque est très bon chevalier,
ni sur la terre ni sous le ciel, il n’en est de meilleur :
il sait bien frapper de la lance et de l’épieu. »
Le comte répond : « Allons donc à son aide ! »
Et à ces mots, les Francs ont repris le combat. »

***

L’archevêque Turpin, qui est un exemple de bravoure et sait haranguer l’ost des Francs, est aussi le sage qui sait apaiser les tensions et prendre les bonnes décisions. Ainsi lorsque Roland et Olivier se querellent parce que le premier a refusé de sonner du cor avant la bataille pour appeler Charlemagne et son avant-garde au secours :

« L’archevêque les entend se quereller ;
il pique des deux, des éperons d’or pur,
vient jusqu’à eux, se met à les reprendre :
« Vous, sire Roland, et vous, sire Olivier,
au nom de Dieu, je vous en supplie, ne vous querellez pas !
Sonner du cor ne nous serait plus utile,
mais cependant mieux vaut encore sonner :
revienne le roi, il pourra nous venger.
Il ne faut pas que ceux d’Espagne repartent joyeux.
Nos Français descendront ici de cheval,
nous trouveront morts et taillés en morceaux,
nous mettront en bière sur des bêtes de somme,
nous pleureront avec douleur et pitié,
près des églises ils nous enterreront en terre bénie ;
ni loups, ni porcs, ni chiens ne nous dévoreront. »
Roland répond : « Sire, vous dites fort bien. »

***

Une fois que Roland a sonné du cor et que l’armée de Charlemagne s’est mise en branle, le combat reprend de plus belle, ce qui est l’occasion pour l’archevêque-guerrier Turpin de louer la vaillance guerrière et de marquer quelque dédain pour ses frères cloîtrés :

« Comme le cerf court devant les chiens,
devant Roland les païens s’enfuient.
L’archevêque dit : « Voilà qui est très bien !
Voilà comment doit montrer sa valeur
un chevalier armé et monté sur un bon destrier :
dans la bataille il doit être fort et farouche,
ou autrement il ne vaut pas quatre deniers ;
il doit se faire moine, plutôt, dans quelque monastère
où toute sa vie il priera pour nos péchés. »

***

L’arrière-garde franque se trouve de plus en plus en difficulté, croulant sous le nombre de Sarrasins qui l’assaillent en traîtres. Des douze glorieux Pairs de France ne restent que Roland, Turpin et Gautier de l’Hum, alors que le fidèle Olivier vient d’être occis et de rendre son âme à Dieu :

« Le Comte Roland était un noble guerrier,
Gautier de l’Hum un excellent chevalier,
et l’archevêque preux et éprouvé :
à aucun prix l’un ne voudrait abandonner l’autre.
Ils vont frapper les païens au plus fort de la mêlée.
Mille Sarrasins descendent à pied,
quarante milliers restent à cheval.
Ils n’osent, je pense, les approcher,
et ils leur jettent lances et épieux,
piques, dards, traits, flèches et javelots.
Aux premiers chocs, ils ont tué Gautier,
percé l’écu de Turpin de Reims,
brisé son heaume, ils l’ont blessé à la tête,
lui ont rompu et déchiré le haubert,
et l’ont blessé de quatre épieux dans le corps ;
ils tuent sous lui son destrier.
Quel grand chagrin quand l’archevêque tombe !
Turpin de Reims, quand il se sent abattu,
atteint au corps de quatre épieux,
en vrai vaillant il se redresse tout de suite,
regarde Roland, court vers lui,
et lui dit : « Je ne suis pas vaincu !
Un bon vassal, tant qu’il reste en vie, ne se rendra jamais. »
Il tire Almace, son épée d’acier bruni,
il frappe mille coups et plus au plus fort de la mêlée.
Il n’épargna personne, Charles le dit par la suite :
autour de lui il a trouvé quatre cents morts,
les uns blessés, les autres transpercés,
d’autres encore qui avaient la tête tranchée.
En sont témoins la Geste et celui qui fut au champ de bataille,
le noble saint Gilles, pour qui Dieu fait des miracles,
et qui en fit la charte au monastère de Laon ;
qui ignore cela n’est pas bien informé. »

***

Roland et Turpin, les derniers des Pairs encore vivants, bien que blessés à morts, mettent en déroute les Sarrasins qui redoutent de surcroît l’arrivée prochain de l’ost de Charlemagne ; Roland recueille les dépouilles des seigneurs ses compagnons sur le champ de bataille et Turpin les bénit, lui-même angoissé par sa mort qui approche. Roland s’évanouit de douleur à cette vue, et Turpin, accomplissant un dernier acte de charité, veut aller lui quérir de l’eau non loin. Trop faible, il chancelle et Roland le voit s’en aller :

« […] sur l’herbe verte, par-delà ses compagnons,
c’est là qu’il voit le vaillant baron,
notre archevêque, que Dieu envoya en son nom.
Il lève les yeux, confesse ses péchés,
joint ses deux mains, les tend vers le ciel,
et il prie Dieu de lui accorder le Paradis.
Turpin est mort, le guerrier de Charles.
Par ses grands coups et par ses beaux sermons,
il fut toujours champion contre les païens.
Dieu lui accorde sa sainte bénédiction !
Le comte Roland voit l’archevêque à terre ;
les entrailles sortent de son corps,
et sous son front la cervelle suinte ;
au beau milieu de sa poitrine,
il a croisé ses belles mains blanches.
Selon le rite, il commence à faire sa grande plainte :
« Noble seigneur, chevalier de haut lignage,
au Roi de gloire je te recommande aujourd’hui :
jamais personne ne fera plus volontiers son service.
Il n’y eut pas, depuis les apôtres, un pareil homme de Dieu
pour maintenir la foi et y attirer les hommes.
Que votre âme vive sans souffrances dans la plénitude,
et que la porte du Paradis lui soit ouverte ! »

mardi 13 novembre 2007 | By: Mickaelus

La mort de Roland à Roncevaux

Achille Etna Monchallon, Paysage. Mort de Roland en 778


168

Roland sent bien que sa mort est proche :
sa cervelle sort par ses oreilles.
Il prie d'abord pour ses pairs, que Dieu les appelle à lui,
et pour lui-même ensuite à l'ange Gabriel.
Pour éviter tout reproche, il prit l'olifant,
et Durendal son épée dans l'autre main.
Plus loin encore qu'une portée d'arbalète,
il se dirige vers l'Espagne, dans un guéret.
En haut d'un tertre, sous deux beaux arbres,
il y avait quatre blocs taillés dans le marbre.
Sur l'herbe verte, il est tombé à la renverse ;
il s'est pâmé, car sa mort est proche.

169

Hauts sont les monts et très hauts les arbres.
Il y avait quatre blocs de marbre brillants.
Sur l'herbe verte, le comte Roland se pâme.
Un Sarrasin ne cesse de l'observer ;
couché par terre entre les autres, il faisait le mort,
avait couvert de sang son corps et son visage ;
il se redresse et arrive en courant.
Il était beau et fort et très courageux,
dans son orgueil, il fait une folie qui lui sera fatale :
il porte la main sur Roland et sur ses armes.
Alors il dit : "Le neveu de Charles est vaincu !
J'emporterai cette épée en Arabie."
Comme il la tirait, le comte reprit quelque peu ses sens.

170

Quand Roland sent qu'on lui enlève son épée,
il ouvre les yeux, et lui a dit :
"Toi, sauf erreur, tu n'es pas des nôtres !"
De l'olifant, qu'il ne voulait pas lâcher un instant,
il l'a frappé sur le heaume aux gemmes serties dans l'or ;
il brise l'acier, le crâne et les os,
et de la tête lui a fait sortir les deux yeux,
puis à ses pieds il l'a reversé mort.
Alors il dit : "Vil païen, comment as-tu osé
porter la main sur moi, à tort ou à raison ?
Nul n'entendra parler de toi qui ne te prenne pour un fou.
Mon olifant en est fendu par le bout,
et le cristal et l'or en sont tombés."

171

Quand Roland sent qu'il a perdu la vue,
il se redresse, rassemble ses forces tant qu'il peut ;
tout son visage a perdu sa couleur.
Droit devant lui il a vu une pierre :
plein de chagrin et de dépit, il y frappe dix coups ;
l'acier grince fort, mais ne se brise ni ne s'ébrèche.
"Eh !" dit le comte, "sainte Marie, aide-moi !
Eh ! Durendal, quel dommage pour vous si bonne !
Puisque je meurs, je ne me charge plus de vous.
Que de victoires j'ai remportées sur les champs de bataille,
que de grandes terres j'ai conquises avec vous,
qui maintenant sont à Charles, à la barbe chenue !
Qu'il ne soit pas couard, celui qui vous possédera !
C'est un vaillant qui vous a longtemps tenue.
En France la sainte, jamais il n'y en aura de tel."

172

Roland frappa sur le bloc de sardoine :
l'acier grince fort, mais ne se rompt ni ne s'ébrèche.
Quand Roland voit qu'il ne peut la briser,
tout bas, pour lui, il commence à faire sa plainte :
"Eh ! Durendal, comme tu es claire et brillante !
Comme tu flamboies et resplendis au soleil !
Charles se trouvait aux vallons de Maurienne
quand, par son ange, Dieu lui manda du ciel
qu'il te donnât à un comte qui soit capitaine ;
alors le grand, le noble roi, me la ceignit.
Je lui conquis l'Anjou, la Bretagne avec elle,
et lui conquis le Poitou et le Maine,
je lui conquis Normandie la franche,
et lui conquis la Provence et l'Aquitaine,
la Lombardie et toute la Romagne ;
je lui conquis la Bavière et toute la Flandre,
la Bulgarie et toute la Pologne,
Constantinople, dont il reçut l'hommage ;
en Saxe aussi il commande à son gré ;
je lui conquis l'Ecosse et l'Irlande,
et l'Angleterre, qu'il possédait en domaine personnel ;
et avec elle je lui ai conquis tant de pays et de terres
qui maintenant sont à Charles à la barbe blanche.
De cette épée je m'afflige et je m'attriste :
j'aime mieux mourir que la savoir aux mains des païens ;
Dieu, notre père ! épargne cette honte à la France !"

173

Roland frappa sur une pierre dure,
en fait tomber plus que je ne sais vous dire.
L'épée grince fort, mais ne se casse ni ne se brise,
haut vers le ciel elle a rebondi.
Quand le comte voit qu'il ne la brisera pas,
avec tendresse il fait sa plainte tout bas, pour lui :
"Eh ! Durendal, comme tu es belle, et si sainte !
Dans ton pommeau à or, il y a bien des reliques :
de saint Basile du sang, une dent de saint Pierre,
et des cheveux de monseigneur saint Denis,
et du vêtement de sainte Marie ;
il n'est pas juste que des païens te possèdent ;
par des chrétiens tu dois être servie.
Qu'il ne soit pas couard, celui qui te possédera !
J'aurai par toi conquis de grandes terres
qui maintenant sont à Charles à la barbe fleurie ;
l'empereur en est célébré et puissant."

174

Quand Roland sent que la mort s'empare de lui,
que de la tête elle lui descend au coeur,
il est allé en courant sous un pin ;
sur l'herbe verte il s'est couché face contre terre,
sous lui il met son épée et l'olifant.
Il se tourna, la tête face à l'ennemi païen ;
il l'a fait parce qu'il veut à tout prix
que le roi Charles et tous les siens disent
du noble comte qu'il est mort en conquérant.
Il bat sa coulpe à petits coups répétés,
pour ses péchés il présenta à Dieu son gant.

175

Roland sent bien que son temps est fini.
Face à l'Espagne, il est sur un sommet à pic,
il s'est frappé la poitrine d'une main :
"Mea culpa, mon Dieu, devant ta puissance rédemptrice,
pour mes péchés, les grands et les petits,
que j'ai commis depuis l'heure où je naquis
jusqu'à ce jour où me voici frappé à mort !"
Il a tendu vers Dieu son gant droit :
du ciel les anges descendent jusqu'à lui.

176

Le comte Roland était étendu sous un pin ;
face à l'Espagne il a tourné son visage.
De bien des choses il se prit à se souvenir :
de tant de terres qu'il avait conquises, le vaillant,
de France la douce, des hommes de son lignage,
de Charlemagne, son seigneur, qui l'avait élevé ;
il ne peut faire qu'il ne pleure ni ne soupire.
Il ne veut pas, pourtant, s'oublier lui-même,
il bat sa coulpe, demande pardon à Dieu :
"Père véritable, qui restes toujours fidèle,
qui de la mort ressuscitas saint Lazare,
et qui des lions sauvas Daniel,
préserve mon âme de tous les périls
que, dans ma vie, m'ont valus mes péchés !"
Il présenta à Dieu son gant droit,
et de sa main saint Gabriel l'a reçu.
Il a laissé pencher sa tête sur son bras,
et, les mains jointes, il est allé à sa fin.
Dieu envoya son ange Chérubin,
et saint Michel du Péril de la Mer,
et, avec eux, y vint saint Gabriel ;
au Paradis ils emportent l'âme du comte."

La Chanson de Roland, traduction de Ian Short (résumé)
[collection Lettres gothiques]


Gaston Bussière, La mort de Roland

Grandes Chroniques de France