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lundi 28 mars 2016 | By: Mickaelus

Henri d'Orléans, comte de Paris : la mission d'un roi des Français

[Cette réflexion a tout d'abord été publiée sur le forum le 22 mars, à partir d'un sujet sur l'orléanisme initié par Ordre Naturel.]


[...] Le comte de Paris Henri d'Orléans a publié récemment sur son blog, le 12 mars, un texte qui s'intitule la Mission de notre Dynastie, et qui permet d'illustrer certains des points qui ont été judicieusement posés par notre ami Ordre naturel au tout début de ce sujet. Certains extraits ont ainsi attiré mon attention.


I. Le roi des Français

Henri d'Orléans a écrit : Le destin, je dirais plutôt la mission d’un Prince de France et à fortiori celle du Chef de la Maison Royale de France, est de devenir l’exemple exemplaire dans cette symbiose avec les peuples de France, afin de lui permettre, si un jour c’est son destin, d’assumer l’équilibre nécessaire entre le passé -la tradition- le présent et l’avenir -la modernité-. Un Prince de France ne peut choisir l’avant contre l’après, l’ancien au dépens du nouveau. Il n’opte jamais pour une France contre l’autre, il ne l’a jamais fait.

[...]

Tenir lieu de témoin et de médiateur au titre de la Royauté de l’Homme, celle de chacun. Difficile et merveilleuse exigence qui, au lieu de les rabaisser à des proportions néfastes, leur rappelle leur lien avec notre Créateur à tous! Bien des gens attendent du Chef de la Maison Royale de France une « action », un engagement sous entendu politique. Je me remémore les paroles d’André Malraux: « L’avenir sera Spirituel ou ne sera pas… » La politique politicienne ne peut donc être la voie Royale [...].

Il me semble qu'à travers ces principes et ces ambitions, le comte de Paris nous rappelle qu'il est l'héritier non pas des rois de France, mais bien plutôt, et uniquement, du roi des Français Louis-Philippe. En effet, contrairement au roi de France (et de Navarre) qui tient son titre de Dieu et de la loi de succession, le roi constitutionnel à la mode orléaniste tient son titre du consentement du peuple et de ses représentants, étant donné que la loi de succession constitutionnelle peut fort bien être abrogée par ledit peuple s'il est mécontent de sa dynastie. Le roi constitutionnel orléaniste n'est par conséquent pas roi de France mais roi de la Nation, ce qui fait qu'en effet, comme l'explique le comte de Paris, il ne veille pas sur ses peuples d'après une logique transcendante mais d'après une logique démocratique et arbitrale. Le roi des Français n'est pas là pour faire respecter les valeurs verticales de la civilisation France, mais pour arbitrer pragmatiquement les courants de pensée qu'il constate d'après une logique horizontale.

A partir de là, le comte de Paris a raison d'écrire que le roi n'a jamais choisi une France contre l'autre, à ceci près qu'il n'a jamais existé qu'une France promue par le pouvoir sous la monarchie traditionnelle, et que les rois de France ont abondamment pris parti pour les valeurs fondamentales dont ils étaient les garants à travers leur sacre, et parce qu'ils devaient transmettre à leur héritier un royaume intact, non pas seulement "arbitrer" des modes éphémères comme autant de clubs philosophiques ou de loges franc-maçonnes. La Chrétienté s'est ainsi édifiée par l'élan missionnaire, depuis le combat contre l'arianisme, contre le paganisme, via la conversion très virulente des Saxons par Charlemagne, par l'assurance du respect de l'orthodoxie, de la répression des Cathares par Louis IX à celle des Protestants par Louis XIV : le roi de France prend parti dès lors que l'intégrité de la civilisation France est en jeu. Il ne s'agit pas d'une posture politicienne mais d'une mission fondamentale.

Prenons, à cet égard, un dernier exemple historique en dehors de la sphère religieuse, qui concerne particulièrement la famille d'Orléans : quand on accuse Charles X d'entretenir une acception trop royaliste, j'ai presque envie d'écrire souverainiste (au sens où le souverain demeure prépondérant), de la Charte de 1814, c'est précisément le choix mais surtout le devoir opéré par ce dernier roi de France en exercice, d'être fidèle à son titre et à son sacre. Cette fidélité nécessite de prendre parti pour la tradition contre le libéralisme politique qui s'installait alors. Louis-Philippe, digne fils de son père, a fait un choix politique, et réellement politicien celui-là : l'usurpation et l'embrassade à bras-le-corps du libéralisme et du nationalisme.


II. Le relativisme religieux

Henri d'Orléans a écrit : La politique politicienne ne peut donc être la voie Royale, mais seule celle qui se fonde sur des valeurs éthiques, des valeurs d’espérance, celles que notre civilisation a toujours prônées depuis Platon et qui, à partir de Clovis sont devenues chrétiennes. L’éthique n’a rien de commun avec le religieux et dans notre modernité, il ne faut pas mélanger les croyances religieuses qui relèvent de chaque conscience avec l’éthique qui devrait concerner tout un chacun. C’est pourquoi la séparation de l’Etat d’avec l’Eglise, d’avec TOUTES les confessions est gravée dans la Loi de 1905. Elle est nécessaire et suffisante et rejoint l’injonction du Christ : »rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Lui… » En revanche la dérive laïque actuelle, qui devient une religion nihiliste obligatoire d’Etat, poursuivant les uns et favorisant les autres, est une terrible et grave erreur politique qui divise la France et qui ne l’unit plus, car elle encage tout un chacun dans un communautarisme obligé.

A partir du commentaire précédent, on ne doit pas être étonné que le comte de Paris revendique les valeurs, si l'on peut dire, et l'héritage du roi des Français ; cependant, il va encore plus loin. Non content, finalement, d'être fidèle à la Charte de 1830 de son aïeul qui a ôté à la religion catholique son statut de religion d’État, statut que la Charte de 1814 de Louis XVIII et de Charles X lui octroyait encore, il va jusqu'à embrasser la doctrine républicaine de la laïcité et jusqu'à cautionner la loi de 1905. Car après tout, comme il l'écrit, et cohérent avec son idée de la royauté comme présidence des opinions, la foi est l'affaire de chacun, et l'éthique doit pouvoir réunir tout un chacun. Voilà que nous en revenons à la philosophie des Lumières qui réapparaît sous la plume du comte de Paris sans dire son nom, car c'est bien là de la Vertu et de la Raison des philosophes dont il est question, valeurs tout humaines plaçant Dieu à l'écart et devant suppléer un catholicisme jugé par trop obscurantiste. On comprend qu'on ne mentionne aucunement quelque sacre dont on aurait grand peine à déterminer l'utilité dans un tel contexte. Certes, le comte de Paris dénonce implicitement la collusion de l’État actuel avec l'islam, en violation de la laïcité républicaine, et le laïcisme comme le communautarisme, sans paraître vouloir reconnaître que c'est la tradition dont il se réclame qui a été la matrice des dérives radicales et nihilistes contemporaines. Le rôle d'un roi de France n'est pas contemplatif, il est celui d'un roi catholique qui veille à la pérennité spirituelle de la civilisation France. Le roi des Français orléaniste, lui, comme les réactionnaires républicains d'aujourd'hui, a apparemment la nostalgie d'une France ancienne qui s'assumait, mais le principe dont il est issu, révolutionnaire et nationaliste, implique cette destruction même.


III. L'usurpation nationaliste

Henri d'Orléans a écrit : C’est ainsi que depuis Hugues Capet, tous les Rois de France furent Français de souche et aucun immigré Anglais ou Espagnol qui obtiendrait la double nationalité ne pourra régner sur la France et, à fortiori, s’il descend d’un dictateur espagnol ou des Bourbon par les femmes. Les Lois Fondamentales du Royaume, en outre, ont prévu, lorsque le Roi est trop jeune ou dans l’incapacité de régner, de désigner son plus proche parent comme Régent entouré d’un Conseil de Régence. Souvenez vous de Saint Louis partant aux croisades et confiant la Régence à sa Mère Blanche de Castille, ou encore Louis XV, Roi à six ans, qui eut son Grand Oncle Philippe d’Orléans, plus connu sous le nom de Régent. Les titres importent peu car la mission doit être effective.

Il eût été impensable que dans un article ayant pour sujet la mission dynastique des Orléans, soit d'un roi des Français, le comte de Paris n'évoquât pas Mgr. Louis de Bourbon, l'héritier lui, des rois de France, sur un mode indirect. Ainsi, on nous concède qu'avant la dynastie des Capétiens, des monarques ayant régné sur la Francie occidentale n'étaient pas de ce qu'il conviendrait d'appeler de pur sang français : il est certain que le parler vieil-allemand de Charlemagne ne transporterait pas les foules dans les provinces de nos jours. Toutefois, il faut surtout s'intéresser au terme de "français de souche" employé par Henri d'Orléans. Faudrait-il voir là une conception raciale, et alors très germanique et point du tout romaine paradoxalement, de la royauté ? Je ne saurais croire que le comte de Paris ignore à quel point le sang des successeurs de Hugues Capet a été mêlé, du fait du mariage de ses descendants avec de nombreuses princesses étrangères, dès lors je suppose que l'expression signifierait un lieu de naissance en France, ainsi qu'une éducation française. Toutefois, le raisonnement du comte de Paris dévoile son origine républicaine dès lors qu'il s'oublie à évoquer la double nationalité, en faisant un parallèle maladroit entre la prétention - selon lui - de Mgr. Louis de Bourbon à la couronne de France, et les prétentions anglaises étrangères de la Guerre de Cent ans. Car de quelle double nationalité peut-il donc s'agir de nos jours ? Serait-ce à dire qu'aujourd'hui, pour être successible, un prince capétien devrait brandir sa carte d'identité de la république française comme un honneur insigne ? Outre le fait que cela trahit la conception nationaliste de la France des Orléans, rien n'est plus faut car s'agissant d'une lignée royale, le droit du sol ne saurait primer le droit du sang, qui seul fonde le droit d'aînesse : est-on moins fils de son père parce qu'on est né ailleurs ? Est-on français désormais parce que l'on naît et réside dans la république, plutôt que par la noblesse du sang et la fidélité aux valeurs royales ? C'est là un raisonnement aussi bâtard que l'était la monarchie de Juillet. Je laisserai également à mes lecteurs, eu égard aux insinuations d'Henri d'Orléans sur Mgr. Louis de Bourbon, le soin de se demander s'il est plus infamant de descendre de Franco que d'être issu d'un régicide, Philippe-Égalité, et d'un usurpateur, Louis-Philippe. De même que quand on en est réduit à relayer la rumeur d'une ascendance Bourbon de notre prince par les femmes seulement, du fait d'une infidélité, c'est que l'on ne doit guère être sûr de son fait, et moins encore de son droit.


Bien triste est, en vérité, cette défense d'un royalisme révolutionnaire, alors que le texte fait quelques constats judicieux sur les dérives de la modernité, et bien plus dommage encore ce refus de reconnaissance du droit d'aînesse de Mgr. Louis de Bourbon, duc d'Anjou, quand la famille royale de France se devrait d'être unie pour relever le Trône et l'Autel, pour le bien et la gloire de notre pays.

samedi 13 juin 2015 | By: Mickaelus

Visite de Mgr. le duc d'Anjou Louis de Bourbon en Bretagne


A la fin du mois dernier, du 29 au 31 mai plus précisément, avec l'IMB et l'UCLF, l'héritier des rois de France Louis Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou, couramment désigné également sous son nom de règne, Louis XX, en compagnie de son épouse la princesse Marie-Marguerite, ont honoré la Bretagne d'une visite qui fut fort riche en paroles fortes dont je vous propose quelques extraits ci-dessous. Avant tout cependant, voici des liens vers les discours dans leur intégralité :

- Louis de Bourbon : visite officielle en Bretagne (forum du trône et de l'autel) ;
- Mgr. le duc d'Anjou et Madame la duchesse en Bretagne (site de l'Institut de la Maison de Bourbon) ;
- Visite de Louis XX en Bretagne (site Vive le Roy).



Au Télégramme qui fit paraître un entretien avec le duc le 30 mai, celui-ci rappela d'abord de quelle tradition il est le dépositaire, définissant la différence irréductible qui existe entre royalistes légitimistes et orléanistes, et même monarchistes bonapartistes :

"Il peut, en effet, y avoir confusion, puisque Henri d’Orléans, comte de Paris, est le descendant direct de Louis-Philippe d’Orléans devenu roi des Français lorsqu’il a usurpé, en 1830, le trône de son cousin Charles X, roi de France. Louis-Philippe a créé une nouvelle dynastie, comme Napoléon 1er en avait aussi créée une autre à l’ombre de la Révolution française. Pour moi, je descends de la branche aînée des Bourbons, celle des rois de France depuis Louis XIV. Avec mon cousin Henri d’Orléans, nous nous rencontrons régulièrement dans des cérémonies. Nous représentons deux traditions différentes. Je suis le seul héritier des rois qui ont régné sur notre pays, de Clovis à Charles X."

 L'héritage des rois de France, tout millénaire qu'il soit et tout désuet qu'il puisse paraître aux yeux de certains, est assumé comme des racines profondes et une force vivante pour le présent comme pour l'avenir, garantes de valeurs et de repères, sources d'unité nationale et pouvant encore s'incarner pour rendre à la France sa grandeur et son génie propres :

"Pour certains, [la monarchie française] c’est l’évocation de souvenirs; pour d’autres, l’étude et la recherche, et, pour beaucoup, c’est regarder vers les autres pays qui ont conservé leur monarchie avec ce que cela sous-entend d’unité et de partage. Le roi ou la reine appartient à chacun de ses sujets. Il y a un lien charnel. C’est ainsi que se forme une communauté. Les Français le ressentent et ils ont la nostalgie de cette grande famille."

"En politique, tout est possible et l’utopie n’existe pas. L’histoire de la royauté nous le montre. A tous les siècles, la question aurait pu se poser. J’aime bien évoquer ce qui s’est passé au XIVe siècle avec Charles VII. Sans doute, beaucoup pouvaient alors voir une utopie dans la mission de Jeanne d’Arc …Et le roi a finalement été sacré à Reims !"

"La crise économique, avec ses conséquences en matière d’emplois, de précarité, d’investissements, est durement ressentie. La crise morale ne l’est pas moins. Les attaques contre la vie, contre la famille inquiètent. Cette crise morale se double d’une autre, identitaire, et le communautarisme est mal ressenti dans un pays qui a toujours reconnu les diversités dès lors qu’il y avait un fond commun unitaire. En revanche, il y a et, ce qui est encourageant, surtout chez les jeunes, une grande espérance. Les jeunes ne baissent pas les bras. Ils ont envie de bâtir un monde meilleur et plus harmonieux. Ils ont souvent une conscience du bien commun que n’ont pas eue les deux générations précédentes plus tournées vers le bien-être personnel et un certain égoïsme."

"En effet, on assiste actuellement à la perte des valeurs. La vie humaine, par exemple, n’est plus un impératif. On tue pour quelques euros, on assassine par confort. Le droit des enfants n’est plus garanti. Ainsi, face à un pouvoir qui ne défend plus l’ordre naturel, comme héritier de la dynastie capétienne, je demeure le garant des valeurs morales."



Ces citations classées thématiquement, prononcées à Lorient, au Champ des martyrs de Brec’h, à sainte-Anne d'Auray, permettent d'apprécier la vision de Mgr. Louis de Bourbon sur la France, ses devoirs d'héritier de la monarchie française ainsi que sur le souvenir de Louis XIV, des chouans et vendéens et du comte de Chambord, Henri V.



La Bretagne

"Les Bretons, issus d’une terre qui a montré sa vigueur, sa ténacité, son courage dans bien des épreuves au cours de l’histoire, sont par nature des entrepreneurs et des responsables. Liés à la mer depuis toujours, le commerce international ne fait pas peur et vous savez vous ouvrir aux nouveaux marchés. Votre esprit d’innovation d’adaptation sont les meilleurs atouts pour préparer l’avenir et affronter l’actuelle crise ; pour recréer la confiance des marchés économiques et sortir d’une spirale négative."



Les Chouans dans la contre-révolution et les guerres de Vendée (1793-94)

"Nous voici réunis en un lieu qui marque le souvenir de bien des sacrifices survenus après beaucoup d’espoirs, mais aussi un lieu qui symbolise bien des regrets. Pourtant, le succès semblait à portée de mains ; la présence d’un Prince à proximité était un événement considérable et si attendu ; l’aide des anglais était susceptible de contribuer à la victoire de façon décisive. Le drapeau blanc pouvait, leur semblait-il, retrouver le chemin de Paris depuis la Bretagne fidèle !

L’histoire ne s’est pourtant pas déroulée ainsi et la terre a rougi du sang des victimes sacrifiées à leur conviction pour une société dans laquelle Dieu devait avoir la première place, à la défense de leurs prêtres et de leur foi, à leur sens de l’honneur et à la conception qu’ils avaient des libertés provinciales, jamais remises en cause depuis l’union de la Bretagne à la France.

Épisode tragique de la guerre menée par les Chouans qui avaient mis tous leurs espoirs dans le débarquement de Quiberon, première étape vers le retour de l’héritier des lys sur son trône. Cela aurait épargné bien des souffrances et des vicissitudes au peuple français et en particulier une guerre civile, prémisse de toutes celles que les dix-neuvième, vingtième et début de vingt et unième siècles devaient connaître [...]

Je me permets de paraphraser l’illustre Chateaubriand pour dire que le sang de vos aïeux teinte pour l’éternité la bannière de France. Il faut leur rendre hommage. Le souvenir du sacrifice de ces milliers de victimes demeure présent et leur mort, il y a deux cent vingt ans, n’a pas été vaine. Le fait même que, plus de deux siècles après, cet épisode tragique soit encore si présent dans les mémoires, atteste de son poids pour notre époque pourtant si chargée en génocides de toutes sortes."

"Les jeunes y puiseront ce qui manque souvent le plus, la gratuité de l’action humaine ; savoir donner de son temps ; risquer sa vie pour des exigences qui dépassent l’individu et ses égoïsmes. Voilà ce que nous apprend ce « Champ des martyrs ». La religion catholique nous enseigne que le sang des martyrs est le terreau dans lequel s’ensemence l’avenir. Ceux qui maintiennent leur souvenir année après année avec dévouement et persévérance doivent aussi être remerciés.

En restant fidèles au sacrifice des anciens, nous sommes aussi les artisans de l’avenir ! Les morts qui reposent ici sont les sentinelles qui protègent notre société."

"Ainsi, sur cette terre bretonne qui a su donner lorsqu’il le fallait, son sang pour défendre ses prêtres, son roi et ses libertés provinciale, j’apprécie le travail effectué par toutes les associations qui entretiennent ce souvenir. Elles continuent à être fidèles aux principes qu’incarne la royauté. […] Ces dernières maintiennent le souvenir de ces épisodes si douloureux souvent occultés alors que toute une province paya un lourd impôt du sang pour être fidèle à Dieu et à son Roi."



Louis XIV

"La Compagnie des Indes, le développement des routes d’Orient, voulues par le Roi, font preuve d’une extraordinaire vision d’avenir. Dans un État qui était en train de stabiliser définitivement ses frontières, porter ses regards outre-mer, était faire preuve d’un sens politique d’une rare acuité.
Le roi a voulu engager son pays vers de nouveaux horizons. Précurseur, il a souhaité que l’économie trouve de nouvelles voies.

La grandeur des politiques se perçoit aux fruits qu’elles portent sur le moment et dans la durée. En ce sens Louis XIV est un grand monarque car, en bien des domaines, son œuvre est pérenne."

"Oui, les grandes politiques se jugent à leurs fruits, et les grands souverains à la pérennité de leurs actions.
Je suis heureux de pouvoir le rappeler en évoquant ici, Louis XIV mon grand-père. Cette année du tricentenaire de la mort du monarque préfigure l’anniversaire de la ville de Lorient l’an prochain, qui sera, Monsieur le Maire, j’en suis sûr, un grand succès."

"Vous comprendrez donc qu’à l’occasion de ce déplacement en Bretagne pour honorer le roi Louis XIV dont on commémore cette année le tricentenaire de la mort, nous avons souhaité, la Princesse Marie-Marguerite, et moi-même venir nous recueillir devant ce monument. Au-delà de l’hommage à rendre au Grand Roi qui fut aussi un grand chef de guerre, il y a aussi des devoirs à rendre à tous ceux sans lesquels les pages de gloire n’auraient pas été écrites.

Or, sans doute n’est-ce pas un hasard que ce soit Louis XIV qui m’amène en Morbihan. Son souvenir y est très présent d’abord par toutes les prières d’intercession adressées pour sa naissance à Sainte-Anne-d’Auray par sa mère et ensuite, par son œuvre à Port-Louis ou à Lorient, deux villes marquées par une vie militaire toujours active. Nous l’avons constaté ayant été reçus par la Marine nationale. Nous avons pu y voir à l’œuvre les Fusiliers Marins et Commandos, héritiers contemporains de la Marine royale. La tradition perdure à travers cette unité d’élite!

Mais le roi de gloire a aussi été un souverain charitable et reconnaissant. Avec la fondation des Invalides, Louis XIV a montré qu’il avait le souci de ceux qui avaient combattu dans ses armées pour assurer à notre pays, paix et prospérité. Il a voulu le plus beau monument, la meilleure des institutions pour qu’une fois vieux ou blessés, ceux qui ont servi, ne soient pas oubliés. Son œuvre est toujours là comme un témoignage du soin qu’il prenait de l’âme et du corps de ceux qui avaient combattu à ses côtés.

Ainsi, à Sainte-Anne-d’Auray, je ne peux m’empêcher de penser que ce monument s’inscrit dans l’esprit de ce que souhaitait le Roi Soleil et que le tri-centenaire est l’occasion de rappeler. Rien n’est trop beau pour les soldats, pour les victimes des guerres. Pour leur signifier notre respect.

Les honorer fait partie de notre devoir. Je le ressens doublement, comme héritier d’une longue tradition dans laquelle la guerre a tenu une place importante, et plus directement encore, comme Lieutenant de Vaisseau de réserve.

Ce monument à toutes les guerres est unique en France. Il honore tous ceux qui ont combattu au cours des siècles, des Champs Catalauniques aux actuels théâtres d’opérations extérieures, en passant, bien évidemment, par le combat des Trente ou la bataille d’Auray et les deux derniers conflits mondiaux dont on célèbre le centenaire et les soixante-dix ans. La présence des bannières et drapeaux, ici présents, l’atteste. La symbolique des statues rappelle tous les corps des armées contemporaines mais derrière se lisent aussi ceux des troupes anciennes, les hussards, les lanciers, les mousquetaires, les dragons et les chevaliers comme Bayard et Bertrand Du Guesclin dont les statues sont à quelques mètres…

Les gerbes que nous déposons, les chants et cantiques qui montent comme autant de prières, sont les signes de cette reconnaissance à tous les soldats, de toutes les guerres, de toutes les époques, qui ont donné leur sang pour que vive la France !"



Le comte de Chambord, Henri V

"Sa mémoire est importante aussi pour notre époque. Les qualités de l’homme et les idées qu’il ne cessa de défendre peuvent nous aider, aussi et toujours, à préparer l’avenir. Le Comte de Chambord n’était pas un homme du passé. Ses écrits montrent combien il avait le sens des événements et comme il voyait les problèmes de son temps. Il a su ainsi encourager ceux qui se préoccupaient des questions sociales dans un monde en pleine mutation institutionnel et économique. N’est-ce pas là un appel pour nous-mêmes. Notre génération est confrontée également à des transformations de grande ampleur. La mondialisation des échanges modifie les rapports de force, comme au XIXe siècle la centralisation remettait en cause les libertés locales. À l’exemple du Comte de Chambord, il nous appartient, à tous, de voir comment nous pouvons réfléchir et agir en fonction des nouveaux enjeux. Ne pas rester figés sur la nostalgie d’un monde passé mais créer le monde de demain sur les principes de la tradition.

Tel est bien, en effet le message du Comte de Chambord. Être ouvert à son temps, ce n’est pas en accepter benoîtement les dérives et les propositions contre nature. Au contraire il s’agit de prolonger la mission de progrès qui a toujours été celle de la royauté française. Il y a cent cinquante ans l’héritier de la Couronne était confronté à la société industrielle et à ses dérives. Ce sont ces dernières qu’il refusa et notamment les conditions faites aux ouvriers, mais pas les progrès économiques. Ce qu’il rejetait c’était une économie perdant ses repères et la naissance des premiers désordres qui se traduisaient par des atteintes à la dignité de l’homme.

De nos jours nous sommes confrontés à une grave crise éthique. Notre société acceptera-t-elle des débordements contre nature qui remettent en cause les fondements de la vie ? La famille est attaquée et peine à maintenir son rôle d’éducatrice et de protectrice de la vie. De la naissance à la mort, l’homme est actuellement confronté à des multiples assauts.

Redonner du sens à la vie. Être des porteurs d’espoir. Ré-enchanter la société, tel est notre devoir. Il s’impose à l’égard de notre pays et à tous les Français. N’ayons pas peur ! Ne soyons pas découragés,
C’est tout un symbole que de pouvoir le rappeler ici, à Sainte-Anne d’Auray. Nous sommes ici dans un lieu de pèlerinage parmi les plus importants de France. Un lieu qui a été honoré de la visite du saint Pape Jean-Paul II, en 1996. Ce Pape fut celui d’un combat qui paraissait bien improbable, la chute du communisme. Le Comte de Chambord fut aussi l’homme des combats qui paraissent impossibles. Il n’est pas remonté sur le trône de ses ancêtres mais il a conservé intact le principe de la royauté sans l’affadir, ni le compromettre.
Il nous appartient de continuer son œuvre de fidélité et d’espoir, et de lui rendre l’hommage qui lui revient.
Devant ce monument, souvenons-nous que nous sommes les veilleurs de la mémoire, en charge de transmettre des valeurs dans lesquelles nos enfants puiseront pour continuer à écrire l’histoire de France."



Royauté & avenir - Tradition & modernité

"[...] Comme dans tous nos déplacements, nous avons aussi voulu y associer une approche des aspects les plus modernes de votre région [ndlr : la Bretagne] notamment en matière de Défense et d’économie. La royauté, en effet, n’a pas à être une nostalgie mais, au contraire, doit aider à préparer l’avenir. C’est ainsi que nous sommes dignes de l’héritage reçu."

"Tradition et modernité. Il me semble que depuis que je suis devenu chef de la Maison Capétienne, héritier des rois de France, c’est le message que je veux faire passer. Les traditions sont peu de choses lorsqu’elles ne sont que conservatisme. Elles sont beaucoup lorsqu’elles permettent d’ouvrir sur le présent et le progrès. Elles sont peu lorsqu’elles ne sont que regrets du passé. Elles sont beaucoup, en étant espoir et encouragement à la jeunesse et à l’innovation."

"Nous sommes des héritiers mais nous ne devons pas cacher notre trésor. Nous devons au contraire le faire fructifier. Tel est notre devoir. Nous avons un héritage à transmettre. Nous devons faire vivre et croître ce que nous avons reçu, par respect pour ceux qui nous ont précédés et pour préparer l’avenir de nos enfants."

"Le souvenir du passé doit nous aider à affronter les malheurs des temps présents. Nous ne devons pas avoir peur de nous engager pour nos familles et nos enfants. En étant les gardiens de la tradition, nous sommes les précurseurs du monde meilleur que nous souhaitons à nos héritiers.

Notre société est aussi confrontée à de nombreuses tourmentes. Certes elles ne mettent pas nos vies en danger comme ce fut le cas il y a deux siècles, mais en attaquant les fondements de la famille, de l’éducation et de la vie, elles sont tout aussi dramatiques pour l’avenir. Mais gardons l’espérance ! « N’ayons pas peur », comme le répétait le saint Pape Jean-Paul II qui est venu en pèlerin lui aussi à Sainte-Anne-d’Auray il y a presque vingt ans."
jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

1832 - Combat de La Pénissière



Victores reversi sunt.
« Ils retournèrent vainqueurs. »
(Judith, XV, 8.)


Dix-huit cent trente avait, pour un sol étranger,
Vu partir Charles dix, le conquérant d'Alger.
Philippe ramassait, dans l'émeute sanglante,
Une pourpre de roi, de honte ruisselante ;
Il s'en vêtit pourtant et regarda partout...
L'héroïque Vendée était toujours debout,
Demandant, à grands cris, au nouveau roi des halles
De cacher sa couronne et sa pourpre royales ;
Lui n'était pas le roi, le roi c'était Henri,
L'enfant miraculeux du bon duc de Berry.
Philippe refusa... Sans retard, sans alarmes,
Les Vendéens alors prirent leurs vieilles armes.
Ce peuple de géants ne croyait pas devoir
Laisser l'usurpateur au suprême pouvoir ;
Pour eux, ne pas défendre un prince légitime
Eût été trahison et déshonneur et crime.
Les Rouges et les Blancs étaient encore aux mains.
Entre les grands exploits, les combats surhumains,
Livrés par les héros de la blanche bannière,
Il en est un qui jette une vive lumière,
Et montre à l'univers ce peuple audacieux,
Digne de son passé, digne de ses aïeux.
Voici le fait. Un soir, une jeune phalange,
Redisant d'Henri cinq l'honneur et la louange,
Regagnait, en riant, le camp des Vendéens.
Un orage éclata... Ces valeureux chrétiens,
Sans souci du danger, choisirent pour leur gîte
Un antique manoir, demeure décrépite,
Qui n'offrait pour abri que des murs écroulés,
Et qui portait encore la trace des boulets.
Georges, le commandant des troupes philippistes,
Apprend d'un traître vil où sont les royalistes.
Il tressaille de joie, et jure en cet instant
De prendre et de tuer jusqu'au dernier brigand.
Ses soldats, transportés, comme lui, par la rage,
N'attendent qu'un signal pour courir au carnage.
Les Vendéens, instruits qu'on va venir vers eux,
N'en sont point inquiets, n'en sont pas moins joyeux.
Ils sont tous préparés pour le moment suprême,
Et d'ailleurs, quand on meurt pour un prince qu'on aime,
Quand, guidé par l'honneur, on défend un drapeau,
Et qu'on verse pour lui le sang du cœur... c'est beau !
Aussi des Vendéens le bouillonnant courage
Souhaite vivement que la lutte s'engage.
La nuit passe... mais rien... « L'ennemi n'est pas là »,
Disent-ils... Tout à coup, le vieux château trembla ;
L'ennemi s'approchait... sa marche qui résonne
Détermine sa force et ne trompe personne.
Qu'importe ? « Vive Henri ! » s'écrièrent les Blancs.
« Mort ! hurla l'ennemi. Détruisons les Chouans ! »
Les Rouges arrivaient... En un clin d'œil, leur foule
Autour du vieux castel se porte et se déroule.
D'un grand cercle de fer les Blancs sont entourés,
Et des coups sont déjà par les Rouges tirés.
Le Blanc riposte aussi par les larges fenêtres,
Visant toujours au front, comme ont fait les ancêtres.
Les Vendéens ont dit : « Nous ne savons mentir :
Nous sommes décidés de vaincre ou de mourir. »
Georges ne comptait pas sur longue résistance ;
Il commande à sa troupe, et sa troupe s'élance
A l'assaut ; mais les Blancs, frémissants de fureur,
Arrêtent l'ennemi quand il se croit vainqueur ;
Son attaque est sans fruit, ses efforts inutiles ;
Les Blancs combattent bien et les Blancs sont habiles.
Les Rouges, par trois fois, en jetant de grands cris,
Foncent sur le manoir, mais par trois fois meurtris,
Ils reculent, disant : « Ces Chouans redoutables
Ne sont pas des humains, ce sont plutôt des diables.
Quoi ! des brigands pourraient, dans ces murs écroulés,
Arrêter notre ardeur !! Nous serions ébranlés !!! »
Et, ne pouvant alors contenir de leurs âmes
La haine et la fureur, ils entourent de flammes
Le vieux castel détruit et se font assassins.
Ce crime ne fait pas trembler les Vendéens.
Le feu devient bientôt un immense incendie ;
La flamme en longs sillons se plie et se replie,
Les poutres, les planchers, croulent avec fracas,
Les murs sont entr'ouverts... Les Blancs ne cèdent pas.
Mais chassés par le feu, la fumée au visage,
Pour se défendre encore, ils montent d'un étage.
Par la porte brisée et les murs renversés,
Les Rouges au dedans entrent à flots pressés.
« Rendez-vous, disent-ils, ô troupe fanatique ! »
Quarante-cinq fusils donnèrent la réplique ;
Juste autant d'ennemis, frappés droit en plein cœur,
Glacent leurs compagnons d'épouvante et d'horreur.
Ils reculent d'un pas... mais la flamme sans cesse
Des soldats vendéens augmente la détresse.
Les Blancs n'ont pas mangé depuis la veille au soir :
Consumés par la soif, brûlés dans ce manoir,
Entourés d'ennemis, sans aucune espérance
D'échapper au danger par leur noble vaillance,
Trente-quatre héros poussent alors ce cri :
« Pour notre roi, mourons ! oui, mourons pour Henri ! »
Et franchissant un mur qui sous leurs pas s'écroule,
Des soldats ennemis ils pénètrent la foule.
Échevelés, noircis, par le sang excités,
Vrais démons furieux, frappant de tous côtés,
Écrasant sous leurs pieds les hommes qu'ils renversent,
Ils marchent en avant, abattent et transpercent
Les Rouges, sur le sol de surprise rivés.
On ne les poursuit pas... les héros sont sauvés !
Tout n'était pas fini. Dans le manoir en flammes,
Aux Rouges résistaient onze héroïques âmes.
Ces guerriers généreux avaient su, mais trop tard,
Le projet de sortie et l'instant du départ.
Eux seuls ils sont restés... Sans perdre confiance,
Ils osent, malgré tout, poursuivre leur défense.
Un réduit, dans un mur, les abrite du feu ;
C'est peu, mais suffisant, pour espérer en Dieu.
Partout l'ennemi fouille à coups de hallebardes ;
Les Blancs sont découverts et montent aux mansardes ;
L'ennemi grimpe aussi, mais vains sont ses efforts,
Tous ses soldats montés bientôt descendent morts ;
Le chef des assiégeants, Georges, ne peut comprendre
Que les Brigands encor ne veuillent pas se rendre.
Il active la flamme, en faisant aux soldats
Jeter dans le brasier des fagots à pleins bras.
Un feu plus dévorant dévore les entrailles
De la vieille maison et lèche ses murailles ;
La flamme brille au loin, dans la profonde nuit.
Soudain, sur les vieux murs, la toiture avec bruit
S'effondre tout entière... « Oui, vive Henri de France ! »
Le dernier cri des Blancs... Puis... partout le silence...
Les Rouges, convaincus que, sous ces noirs débris,
Tous les Brigands sont morts, élèvent de grands cris
Et d'immenses clameurs de triomphe et de gloire.
Cet horrible forfait, pour eux, c'est la victoire.
Mais les onze héros, des flammes préservés
Par un angle du mur, à leur tour sont sauvés...
Le beffroi de Clisson sonnait la dixième heure,
Et, depuis le matin, dans la vieille demeure,
Pour Henri cinq, leur roi, quarante-cinq Chouans,
Quarante-cinq chrétiens, presque tous paysans,
Avaient fait reculer quinze cents philippistes.

Voilà comment luttaient les soldats royalistes...


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)

vendredi 4 septembre 2009 | By: Mickaelus

Le combat de la Pénissière, d'après divers historiens (1832)

Le soulèvement que tenta de provoquer en Vendée la duchesse de Berry en 1832, peu de temps après l'accession au trône de l'usurpateur Louis-Philippe, s'il ne fut pas un succès, engendra cependant quelques hauts faits qui furent autant d'hommages et d'échos à la guerre des géants de 1793. Ce combat de la Pénissière, située à La Bernardière, mérite de rester dans les mémoires des légitimistes, qui doivent entretenir le souvenir des derniers héros à s'être battus pour la France royale et catholique.


"Nous, maire de la commune de la Bernardière, canton de Montaigu, département de la Vendée, certifions à qui de droit qu'il s'est donné un combat entre les Libéraux et les Royalistes à la Pénissière la Cour, commune de la Bernardière, le 6 juin 1832. Le parti libéral a remporté la victoire sur les royalistes après un combat de 6 heures. Les royalistes n'étaient qu'au nombre de 50 à 56, mais bien tous dévoués à leur cause, au lieu que les Libéraux étaient au nombre de 7 à 800 hommes. Les royalistes étaient renfermés dans le château, leur dernière ressource.

Les libéraux ont remporté la victoire sur eux après avoir mis le feu au château et avoir brûlé les deux métairies dépendantes.

Fait par nous, Maire de la Benardière, le 7 juin 1832, le lendemain de la bataille.

(Document inédit.) CAILLÉ, maire de la Bernardière."


"Le château de la Pénissière, qui désormais tiendra sa place dans l'histoire, comme tant de pauvres villages qu'un combat célèbre a tirés de leur obscurité, n'était plus depuis longtemps qu'un vieux manoir tout démantelé, presqu'une ruine. Il était si bien déchu de ses honneurs de castel féodal qu'on l'avait transformé en une paisible ferme. A peine le découvrait-on au milieu des haies et des arbres touffus qui couvrent les bords de la Sèvre-Nantaise et de la Maine. Ses murailles, lézardées par le temps, s'affaissaient à demi sous le poids de sa couverture"

(Théodore MURET.)


"Quarante-deux royalistes du corps d'Auguste de la Rochejaquelein venaient le 5 juin chercher un abri contre l'orage dans cette masure à un seul étage, percée de quinze ouvertures de forme irrégulière et entourée par une prairie entrecoupée de haies vives, et que l'abondance des pluies avait transformée en lac.

Parmi eux en comptait cinq officiers de la garde royale ou de la ligne, des paysans, des jeune gens de toute condition, des séminaristes et quelques vieillards. Leurs noms ne doivent pas, ne peuvent pas être oubliées dans l'histoire de la Vendée militaire. Les quatre frères Eugène, Emmanuel, Victor et Egisthe de Girardin, Lévêque, Auclerc, Jamin, les trois frères Fouré, Aubry, Leclerc, Raffegeau, Motreuil, Joulin, père et fils, Mony, Augé, Juret, les deux Aubert, Bondu, Guinefolle, Thomasy, de Chevreuse, Bouleau, Jary, Touche, Monnier, Blandin, Ripoche, Gazeau, Martin, les deux François, et Guichard, composaient cette héroïque phalange. - DENIAU (Guerre de la Vendée), ajoute les trois noms suivants : Beauchamp, Lecomte et Rousselot et dit que onze d'entre eux étaient des anciens élèves de Beaupreau.

Le nom des six derniers combattants s'est perdu même dans la mémoire de leurs compagnons de la Pénissière. La gloire passe si vite ! C'étaient des gens du pays, des laboureurs que le hasard avait le matin même conduits à ce manoir, et qui ne faisaient encore partie d'aucun corps d'armée."

(CRÉTINEAU-JOLY.)


"Ils étaient là cinquante-trois, cinquante-trois braves, les uns chefs, les autres soldats ; ou plutôt, non, tous étaient chefs et soldats à la fois, tous étaient frères et camarades. Comme dans la première guerre de la Vendée, où Lescure et Larochejaquelein avaient pour égaux de simples paysans dont ils serraient fraternellement la main, il n'était parmi les défenseurs de la Pénissière qu'une seule distinction, celle que chacun s'efforcerait de mériter par son courage ; car dans toutes les guerres entreprises pour la cause royale, ce fut parmi les soutiens de cette cause qui, selon les révolutionnaires, étaient la cause de la noblesse et des privilèges, que l'égalité semblait avoir fixé son séjour.

Oh ! c'était un beau spectacle que celui de ces cinquante-trois hommes déterminés à mourir ! Il y avait là de pauvres paysans qu'un attachement héréditaire à leur foi politique et religieuse avait seul arrachés du sein de leurs travaux, lorsqu'il s'était agi de se rallier à la vieille bannière que la Vendée arrosa tant de fois de son sang. Il y avait des officiers et des soldats de la garde royale, de cette élite fidèle qui, au moment du départ de Rambouillet, brisait ses armes de désespoir, car on lui interdisait ce combat demandé avec tant d'ardeur. Près d'eux, on voyait aussi des jeunes gens qui, dans notre siècle égoïste et froid, avaient renoncé à tous les plaisirs que donne l'opulence, pour courir aux armes et braver la mort ; et là, tous confondus, ils n'avaient qu'une seule pensée : combattre jusqu'à leur dernier soupir."

(Théodore MURET.)


"Malgré son nom de château, la Pénissière, située dans la commune de la Bernardière, n'était qu'une simple gentilhommière fort irrégulièrement bâtie, se composant de quelques grandes chambres et de beaucoup de petites, avec deux escaliers, l'un assez large, placé en face de la porte d'entrée et conduisant du premier étage aux greniers.

C'est là que le mardi 5 juin, vers quatre heures du soir, quarante-deux légitimistes sous les armes vinrent chercher un abri contre une pluie torrentielle. Leur intention était de prendre part au soulèvement et de se porter le lendemain sur Cugand pour y désarmer la garde nationale. Ils passèrent tranquillement la nuit du 5 au 6 juin dans le château, mais leur présence y avait été signalée au 29e de ligne, cantonné dans le voisinage, à Clisson, et ils s'apprêtaient à sortir du manoir, quand le cri : Aux armes ! retentit. C'étaient les rouges qui approchaient avec une supériorité numérique si considérable que les Vendéens durent se former à la défensive ; mais cette défense est restée légendaire…

Vers onze heures du matin, le combat ou, pour mieux dire, le siège commence.

Voilà les soldats de Louis-Philippe qui se développent autour des murs et des clôtures, occupent la chapelle, la grange, les maisons de ferme, et de tous ces points engagent une fusillade à laquelle les assiégés répondent vigoureusement. Un effectif de quarante-deux hommes, avec trois clairons de voltigeurs pour musique, une douzaine d'espingoles, des carabines avec leurs baïonnettes, des pistolets, des poignards, quelques sabres ; comme munitions quarante cartouches par homme et deux gargousses contenant dix livres de poudre, voilà les ressources des Vendéens pour lutter pendant neuf heures de suite contre plusieurs centaines de combattants. Ils ont placé à chacun des étages un clairon dont la fanfare retentira pendant tout le combat. Leurs plus habiles tireurs, embusqués derrière les quinze fenêtres, déchargent à chaque seconde sur les assiégeants les espingoles que leurs camarades rechargent avec une extrême promptitude, et que de main en main on se passe, pour ne pas laisser se ralentir le feu. Chaque espingole porte au moins vingt-cinq balles ; les Vendéens en tirent neuf ou dix à la fois ; on dirait une batterie chargée à mitraille. "Rendez-vous, brigands !" s'écrient les soldats de Louis-Philippe. "Vive Henri V !" répondent les assiégés. Deux fois les assiégeants sont arrivés jusqu'à vingt pas du château, deux fois ils ont été repoussés. Les Vendéens ont décarrélé le plancher des chambres hautes, et, le mettant à jour à coups de hache dans différents endroits, ont pratiqué quelques meurtrières et consolidé les barricades avec des meubles et des madriers. Mais voici un nouvel ennemi : l'incendie. Les assiégeants sont parvenus à percer le mur d'une grange faisant face à un pignon du château, pignon qui ne présente aucune ouverture, et que les assiégés avaient négligé de créneler ; ils ont donc pu s'en approcher, en se glissant le long de la ferme qui se trouve dans la cour. Une fois arrivés au mur, ils y ont appliqué une échelle, et, montant jusqu'au toit, ils ont jeté dans l'intérieur du grenier des matières enflammées et se sont retirés ensuite. Une colonne de fumée s'échappe du toit, au travers duquel la flamme se fait jour. Les clairons vendéens ne cessent pas de sonner.

On entend dans le lointain le bruit du tambour. Sont-ce des chouans qui arrivent pour secourir les assiégés ? Non, c'est un renfort considérable que reçoivent les assiégeants ; c'est le commandant Georges, du 29e de ligne, qui leur amène des troupes fraîches.

La fusillade devient de plus en plus nourrie. Les boiseries des fenêtres volent en éclats sous la grêle des balles qui frappent les murs. La fumée tourbillonne dans les chambres. Des craquements sourds annoncent que la toiture va s'effondrer. Il pleut ; les assiégés espéraient que la pluie éteindrait les flammes dans le grenier. Mais après l'incendie d'en haut, voici l'incendie d'en bas. Les assiégeants, prenant des fagots et de la paille au bout de leurs baïonnettes, sont parvenus à les jeter dans le château par une fenêtre du rez-de-chaussée. Cernés de toutes parts, ayant le feu sous leurs pieds et au-dessus de leurs têtes, les Vendéens comprennent que la prolongation de la résistance ne sera pas possible. Mais se rendront-ils ? Non. Pendant que leurs clairons sonnent toujours, ils se décident à faire une trouée. Avant d'exécuter cette résolution héroïque, un d'eux s'écrie : "Amis, après avoir combattu en braves, mourons en Vendéens ! A genoux !" Et tous, agenouillés, ils récitent le Miserere au milieu des flammes Miserere mei, Deus, secundum magnam misericordiam tuam.

La grêle des balles redouble. L'incendie augmente de seconde en seconde ses ravages. Et secundum multiudinem miserationum tuarum dele iniquitatem meam.

Les solives craquent. La fumée, s'engouffrant par les fenêtres, est tellement épaisse qu'on se voit à peine. Amplius lava me ab iniquitate meâ, et à peccato meo munda me. Et ainsi de suite jusqu'à la fin du dernier verset.

Les hommes qui viennent de prier se relèvent. "Une trouée !" s'écrient-ils. Chefs en tête, ils descendent l'escalier, se serrant la main les uns les autres en signe d'adieu, car ils croient aller à la mort. Ils traversent une chambre complètement incendiée : puis, enfonçant la porte qui donne sur le jardin, ils s'élancent au pas de course, en bon ordre, clairons en tête. Dans cette sortie, cinq d'entre eux succombent : Mony, Gazeau, Leclerc, Jarry et Emmanuel de Girardin. Les autres traversent la prairie, franchissant, sous le feu des soldats et en ripostant, un torrent où ils ont de l'eau jusqu'à la ceinture, baignés de sueur et sortant d'une fournaise.

Enfin, après un quart d'heure de marche, ils cessent de se trouver sous le feu des soldats, qui négligent de les poursuivre, et, à la nuit, ils arrivent dans une ferme, où des soins leur sont prodigués par des paysans et un curé du voisinage. En pénétrant dans cette ferme, ils prient quelques jeunes villageois de se rendre sans armes au château de la Pénissière, afin de recueillir les blessés qu'ils trouveraient, et ceux des combattants qui se seraient égarés dans la retraite.

Le lendemain matin, les villageois, attendus avec impatience, arrivent vers les huit heures à la ferme. Ils y amènent avec eux les braves qui étaient restés au château et que leurs compagnons avaient crus perdus. Ces hommes, sauvés comme par miracle, sont au nombre de huit. Pendant que des solives en flammes craquaient de toutes parts, ils s'étaient retirés dans une espèce d'enfoncement formé par un retrait de mur, décidés à s'y défendre jusqu'à la dernière extrémité. Au même moment, le plancher était tombé avec un bruit affreux. Puis la fusillade avait cessé, les soldats de Louis-Philippe croyant que les derniers défenseurs du château venaient d'être écrasés dans les décombres.

Cette erreur les sauva. Ils se tinrent immobiles tandis que les assiégeants s'éloignaient avec répugnance d'un foyer qui dévorait à la fois amis et ennemis, vivants et morts. Et alors, à l'aide des ténèbres, les huit Vendéens se sont laissés glisser le long des murs. Ils sont sortis ainsi de la fournaise rouge et fumante où il ne restait plus que quelques cadavres éclairés par les dernières lueurs de l'incendie, et ils sont parvenus à rejoindre leurs camarades. On s'embrasse, mais on pleure, car il faut se séparer et l'on ne sait pas si l'on se reverra jamais, et les commissions militaires, les prisons vont réclamer les défenseurs du château de la Pénissière, les héros du suprême combat de la légitimité. "Adieu, disent-ils, adieu, et à des temps meilleurs !" Et pour la dernière fois ils jettent leur cri de guerre, le vieux cri des Vendéens : "Vive le roi !"

(IMBERT DE SAINT-AMAND. - La duchesse de Berry en Vendée)


"C'était le 5 juin 1832, quarante-cinq royalistes de la division d'Auguste de la Rochejaquelein, dont l'histoire doit buriner les noms, se trouvèrent attardés par un orage dans le manoir de la Pénissière, près Clisson. Leur présence y fut bientôt signalée au commandant Georges, qui occupait Clisson, et qui se disposa sur-le-champ à les entourer avec deux compagnies de grenadiers et une compagnie du 29e. Les quarante-cinq royalistes, avertis du danger qui les menace, n'en tiennent pas compte ; se fiant sur les secours des communes voisines qui sont prêtes à se soulever, et cédant du reste au besoin de repos qui les presse, ils prennent la résolution d'attendre de pied ferme l'attaque dont ils sont menacés.

La nuit se passe sans aucune apparition de la troupe ; le 6, au matin, ils se préparaient à se remettre en route pour joindre leur corps d'armée, lorsque tout à coup un cri se fit entendre : "Aux armes !" et en même temps plusieurs coups tirés sur leur sentinelle leur annoncent la présence des soldats de Georges et des gardes nationaux qui arrivent à travers le bocage.

Sans perdre de temps, ils sont à leur poste de combat ; ils barricadent les portes et les croisées du manoir, et font des ouvertures dans ses murs. L'action s'engage. "Mort aux chouans !" crie-t-on d'un côté. "Vive Henri V !" répond-on de l'autre. Les soldats, qu'on a surexcités avec de l'eau-de-vie, se précipitent avec furie contre les blancs en poussant de nouveaux cris et des hurlements, et font une décharge générale de leurs fusils, mais ils sont repoussés avec perte.

La Pénissière est une antique maison à un seul étage, percée de quinze ouvertures de grandeur inégale et irrégulière ; une chapelle ruinée en est séparée par un petit chemin. Il était difficile d'y forcer des hommes énergiques et courageux qui s'étaient juré de s'y défendre jusqu'à la mort. Les Philippistes, déconcertés par une résistance à laquelle ils ne s'attendaient pas, se retirent, mais excités par des gendarmes qui arrivent pour les soutenir, ils reviennent sur le manoir et s'emparent de la chapelle, des maisons des fermiers et des granges et se postant derrière les murs du jardin et de la cour, au-dessus desquels ils pratiquent des créneaux : la fusillade qui recommence, donne l'éveil aux cantonnements voisins des bleus, bientôt plusieurs compagnies avec des gardes nationaux arrivent au secours des soldats de Georges. Ils se reportent en avant pour forcer les royalistes. Les soldats sont de nouveau repoussés. Ils retournent une troisième fois à l'assaut. Leurs efforts sont encore impuissants ; chaque espingole des royalistes leur lance vingt-cinq balles à la fois, et à chaque seconde une espingole part. Les adroits tireurs sont blottis derrière les fenêtres, pendant que leurs camarades leur passent rapidement les armes chargées. Le gros des soldats ripostent de loin et criblent les fenêtres. La lutte devient acharnée. Les Philippistes arborent le drapeau noir et font entendre des cris de mort, mais les pertes sont de leur côté ; dix-neuf charrettes sont pleines de leurs morts et de leurs blessés, et aucun assiégé n'a encore succombé. Les soldats entrent en fureur. "Ce ne sont pas des hommes que nous avons à combattre, disent-ils, ce sont des diables." Les gardes nationaux, au lieu de soutenir les soldats, se tiennent prudemment à distance, l'arme au pied.

Cependant le commandant Georges veut en finir, il appelle de nouvelles forces à son secours, bientôt neuf cents troupiers enveloppent la Pénissière, des compagnies de voltigeurs sont disséminées dans la campagne pour repousser toute attaque du dehors. Les assiégés ne s'en effraient pas, ils s'excitent à se battre de plus en plus avec courage et crient constamment : vive Henri V ! Le clairon Monnier sonne la charge pour engager leurs amis qu'ils supposent en armes dans le voisinage, à venir les dégager.

Irrité d'une résistance à laquelle il ne s'attendait pas, et voulant débusquer les assiégés à tout prix, le commandant Georges ordonne de mettre le feu à plusieurs corps de servitudes, afin que les flammes se communiquent au principal corps du logis ; des sapeurs armés de leurs haches s'avancent en même temps avec une rare intrépidité pour défoncer les portes de ce bâtiment ; des grenadiers, favorisés par un pignon qui n'a pas d'ouvertures, et sous la protection du feu continuel des autres soldats, se glissent jusqu'aux croisées les plus basses, pendant que les tambours battent la charge. Sous leurs efforts combinés, les portes et les croisées du rez-de-chaussée menacent d'être forcées. Le commandant des blancs, Eugène de Girardin, craignant alors une lutte trop inégale si les volontaires sont obligés de lutter corps à corps avec les assaillants, fait monter tous ses hommes au premier étage et barricade fortement la porte qui y donne accès. Malgré leur rage, sapeurs et grenadiers ne peuvent enfoncer la porte principale. Les décharges meurtrières des assiégés les forcent, après des pertes fort sensibles, à se reporter de nouveau en arrière. Cependant, avant de se retirer, ils ont pu mettre le feu à une des fenêtres basses et à la porte qu'ils n'ont pu briser. Les flammes produisant des effets destructeurs et le cordon des assiégeants ne cessant de tirailler sur le manoir, la position des assiégés devient critique. On les somme de se rendre. Ils répondent par des cris encore plus enthousiastes de vive Henri V ! et continuent leur fusillade ; elle durait depuis cinq heures ; le feu donnait de plus en plus à la troupe des chances de succès ; voulant profiter de ses ravages, elle tente une nouvelle charge et se précipite du côté du jardin et de celui de la cour d'entrée. Elle est encore reçue à coup d'espingoles et de carabines qui tuent et qui blessent un grand nombre d'hommes. Cependant, malgré les feux continuels des assiégés, une compagnie de grenadiers parvient à enfoncer la porte d'une salle basse, donnant sur le jardin ; en même temps une compagnie du centre entrait dans ce même appartement par la croisée que les sapeurs venaient de briser. Cet appartement communiquait au grand escalier que les soldats se proposaient d'enlever, et cet escalier, une fois en leur possession, ils pouvaient pénétrer jusqu'aux chambres occupées par les royalistes. Déjà ils tentaient d'enfoncer la porte de communication lorsque des décharges, parties des meurtrières pratiquées au plafond, nettoient en un instant l'appartement occupé et le jonchent de morts et de blessés. D'autres décharges faites au dehors achèvent de réduire à un fort petit nombre la colonne envahissante. Les soldats de Georges sont de nouveau forcés de reculer et d'abandonner leurs blessés au milieu des flammes. Mais, enhardis par le progrès effrayant que faisaient ces flammes, ils retournent encore à la charge jusqu'à deux fois, mais toujours sans succès.

Ils avaient perdu déjà cent cinquante hommes, et les royalistes n'avaient que six blessés dont un seul hors de combat. Cependant la position de ces derniers n'était plus tenable, des brasiers ardents les entouraient et la fumée de l'incendie et de la poudre les suffoquait. Leur mort leur paraissait certaine. N'ayant pas pris de nourriture depuis vingt-quatre heures, et n'ayant ni vivre pour réparer leurs forces, ni eau pour étancher leur soif ardente, ils succombaient d'épuisement. C'était un spectacle digne des temps antiques. Il fallait prendre un parti. Eugène de Girardin, quoique blessé à la tête, aurait voulu prolonger la lutte jusqu'à la nuit afin de s'évader avec moins de danger; mais il n'y avait plus moyen de différer. L'escalier par lequel ils devaient descendre brûlait déjà, il ordonne de se jeter au milieu de l'ennemi du côté du jardin. "Mourons, crie-t-il à ses volontaires, mourons pour Henri V." Les trente-quatre hommes qui l'entourent répètent avec amour ce cri de désespoir, et traversant deux appartements envahis par les flammes, ils se disposent à s'échapper par une porte sur laquelle l'ennemi faisait constamment converger ses feux. En colonne serrée, ils traversent rapidement le jardin, escaladent par une brèche son mur d'enceinte où sont embusqués des soldats qu'ils culbutent et se trouvent dans un pré entourés par deux cents soldats ; marchant toujours en avant et espérant de nouveaux prodiges de valeur, ils voient tomber sous leurs coups un officier et trente soldats [extrait du rapport fait à la duchesse de Berry par Eugène de Girardin], les balles semblent les respecter [dans le temps on m'a affirmé qu'une balle s'était aplatie sur le scapulaire de l'un de ces braves]. Dans cette sortie, cinq royalistes seulement succombent, Mony, Gazeau, Leclerc, Jarry et Emmanuel de Girardin.

Ce dernier est tué à côté de son frère Eugène. Se sentant atteint dans le dos, il se retourne vers celui qui l'a frappé : "Tu m'achèveras au moins," lui dit-il en plein visage. Eugène de Girardin put s'échapper avec ses autres camarades ; un ruisseau qu'il traverse met fin à la poursuite des bleus [Un des fuyards se vit mettre en joue à dix pas seulement par un voltigeur ; il se retourna vers lui et, payant d'audace, il l'ajuste avec son fusil chargé. Le voltigeur, épouvanté, se sauva à toutes jambes].

Mais tout n'était pas fini ; huit des assiégés qui se trouvaient à une extrémité du manoir et qui n'avaient pas eu connaissance de la sortie de leurs compagnons d'armes, continuaient toujours à faire feu contre les assiégeants et à les repousser. Cette résistance fait croire au commandant Georges que la sortie des trente-quatre Vendéens n'est qu'une ruse de guerre pour le détourner d'un assaut général, il néglige d'envoyer à leur poursuite, c'est ce qui sauva Eugène de Girardin et ses camarades, et leur permit de se retirer à Treize-Septiers.

Cependant, le manoir étant ouvert, les fantassins de Georges y pénètrent, mais pour y subir de nouvelles pertes.

Les huit royalistes qui y sont restés leur opposent toujours la résistance la plus héroïque. Il faut laisser Lévêque, leur chef, en raconter lui-même toutes les péripéties.

"Trois soldats, dit-il, passèrent à côté de nous pour entrer dans la grande chambre sans se douter que nous fussions dans un enfoncement ; mais un quatrième, plus défiant, veut s'assurer s'il n'y a personne de caché dans le petit réduit qui nous abrite. Il tâte avec sa baïonnette et me la passe le long des reins ; aussitôt il lâche son coup. Nous fonçons sur les quatre soldats, ils tombent morts. Nous montons aussitôt l'escalier qui conduit aux mansardes ; c'est alors qu'en jetant les yeux par une ouverture, nous aperçûmes un officier occupé à faire porter les blessés à l'ambulance établie dans le chemin derrière la fuie aux pigeons, et à faire enlever les morts : un de nous l'ajuste, il tombe. A cette vue, des cris de : "Mort aux brigands !" se font entendre avec encore plus de rage. Ce bruit retentit dans les escaliers que les fantassins remplissent. Ils font sur eux une décharge presque à bout portant, et se précipitent ensuite en avant la baïonnette croisée ; mais deux coups d'espingoles chargées jusqu'à la gueule suffisent pour balayer l'escalier.

Après cette décharge, il ne nous restait que douze cartouches pour nous huit. Une seconde fois, les grenadiers se précipitent sur nous. Les malheureux soldats qui gravissent l'escalier périssent encore. Les cris des mourants et des combattants faisaient frémir."

Motreuil, dans ce moment de fureur, montra un sang-froid extraordinaire. Un soldat ayant gravi l'escalier rencontre ce séminariste et s'apprête à le tuer en proférant d'horribles blasphèmes. Motreuil le terrasse, le désarme et lui dit : "Je pourrais et devrais peut-être t'ôter la vie, mais, en le faisant, je t'enverrais en enfer : éloigne-toi et épargne-moi un remords [Souvenirs de l'abbé Boutillier, condisciple de Motreuil]."

Le capitaine qui commandait la troupe, continue Levêque, ne voyant pas revenir ses soldats, défendit de monter dans cet endroit dangereux. L'incendie n'allant pas assez vite à son gré, il ordonne de mettre le feu à vingt endroits différents. La dernière partie, un bâtiment où nous nous étions retirés, devient la proie des flammes ; elles nous cernent de toutes parts et nous font éprouver les plus cruelles souffrances.

Nous n'avions plus de cartouches, deux espingoles venaient de crever entre nos mains, le feu cessa forcément". Il était neuf heures du soir : ces intrépides volontaires s'étaient battus depuis onze heures du matin. Le silence qui succède aux détonations, l'incendie qui paraît avoir tout consumé fait croire à Georges que tous les blancs sont ensevelis sous les débris du vieux manoir [Les royalistes eurent en tout cinq tués et dix blessés]. Il s'éloigne après avoir perdu près de deux cents hommes.

Vers dix heures du soir, au moyen de leurs mouchoirs qu'ils lient ensemble, les huit royalistes s'échappent du milieu des ruines ; un cabinet pratiqué dans l'épaisseur d'une muraille les avait providentiellement préservés des flammes.

Ce fait d'armes a toujours été cité comme le plus beau de ces derniers temps ; quarante-cinq jeunes gens, dont la plupart étaient des paysans et des séminaristes, avaient tenu en échec et décimé douze ou quinze cents hommes aguerris et bien disciplinés. C'était comme un souvenir de la guerre des géants faite par leurs pères, et qui montrait de quoi eût été encore capable la Vendée s'il y avait eu plus d'entente parmi les chefs et si ses élans n'avaient pas été comprimés.

Le lendemain, les rouges vinrent inspecter les ruines qui devaient couvrir, pensaient-ils, un grand nombre des ennemis qu'ils avaient eu à combattre. Ils furent stupéfaits de n'y rencontrer aucun cadavre."

(DENIAU. - Histoire de la Vendée, T. VI.)


"Telle fut cette journée sanglante et glorieuse, bien digne de clore cette grande épopée qui commence en 1793 et se termine en 1832. Ce fut, à proprement parler, la dernière bataille livrée pour la défense de la royauté légitime. La duchesse de Berry pleura, en l'entendant raconter. La Vendée militaire sembla être descendue dans la tombe avec Emmanuel de Girardin et ses valeureux compagnons.

Ils dorment, les braves, enveloppés dans les plis du drapeau blanc fleurdelisé ! ils dorment jusqu'au jour où se lèvera le chantre prédestiné qui doit les faire revivre !

En attendant, le temps accumule sur leurs noms son rayonnement et son prestige. Leur mémoire grandit, et c'est justice. L'histoire a immortalisé les Coclès et les Léonidas. Quand on s'interroge, on ne voit pas bien ce que les Chouans de la Pénissière pourraient envier à ces héros."

(Alcide LEROUX, Vendée militaire.)


"Aujourd'hui le vieux château de la Pénissière subsiste encore ; son squelette noirci par la poudre et l'incendie ; ses murs d'enceinte, dont le crénelage irrégulier retrace parfaitement l'admirable résistance des héros assiégés, semblent des murs de cimetière au milieu duquel se trouve une sépulture de famille abandonnée. Rien de plus merveilleux, et pourtant rien de plus exact que le récit de cet immortel fait d'armes. Dans le champ qui fait partie de l'enclos, on voit çà et là quelques tombes, dont la seule marque de distinction est une croix de bois, renouvelée par la piété des habitants. On ne peut se faire une idée de l'impression produite par ces lieux si féconds en souvenirs.

Je ne veux pas oublier de dire qu'en apprenant le combat de la Pénissière, les paysans des environs s'empressèrent de prendre les armes. MM. de N… et de C… se mirent à leur tête et se portèrent en toute hâte au secours des braves assiégés ; mais au moment où ils allaient arriver près d'eux, on leur annonça que les troupes venaient de se retirer, croyant avoir englouti les Vendéens dans une fournaise ardente."

(JOHANET. La Vendée à trois époques.)

L'auteur écrivait en 1840. Le château a été démoli depuis.

F.

D'après la Chronique paroissiale de La Bernardière. On consultera avec profit les chroniques qui concernent d'autres communes du nord-est de la Vendée, et dont certaines peuvent se télécharger à cette adresse.

lundi 16 février 2009 | By: Mickaelus

Henri V, sa vie et ses principaux écrits, par un partisan du droit national (1874)



"Enfant du peuple, je soutiens la cause populaire. Dans les temps pénibles que nous traversons, tout homme qui peut tenir une plume doit en faire un flambeau et une épée : un flambeau, pour éclairer ses frères égarés par de fausses doctrines ; une épée, pour châtier au besoin les meneurs et les intrigants qui sont la cause de nos malheurs.

Mon esprit est entièrement indépendant. Si j'entreprends de défendre la cause de la Légitimité, c'est par conviction et non par intérêt. Comme Français dévoué, avant tout, à mon pays, je veux faire connaître un homme honnête, capable de ramener la prospérité dans notre patrie bien-aimée.

Les anciens disaient : « Malheur aux vaincus » ; c'était antilogique et contre la raison. Aujourd'hui on doit dire : « Honneur aux vaincus » ; surtout, lorsque les vaincus représentent le Droit, la Justice et l'Honnêteté.

Notre pays traverse une crise pénible. Il s'agit pour nous de savoir si la France deviendra encore la première nation du monde, ou si nous descendrons au rang de puissance insignifiante. Français ! nos ennemis nous contemplent. L'Allemand avide est-la qui épie nos moindres actions, il convoite nos milliards. L'Italien cherche le moment favorable pour se ruer sur nous. L'Europe assiste avec joie à toutes nos fautes.

Soyons unis, que des préjugés ne nous séparent plus. Sachons que c'est le peuple surtout qui, par les impôts, paye les fautes du pays.

Appelons a la tête de la Nation CELUI qui veut Tout par la France et pour la France, et dont la gloire du passé nous garantit le bonheur dans l'avenir.

Peuple ! ne te laisse plus conduire par des intrigants, connais les hommes qui sont dignes d'être au Pouvoir.


Le 13 février 1820, un grand crime fut commis. La France fut dans le deuil. La Révolution parut troublée à la vue de ce forfait, et le mot de crime isolé fut soudain hasardé. Que cette question reste pour nous où la justice humaine l'a laissée. Si le crime de Louvel fut isolé, si aucun homme ne lui désigna la victime, c'est un mystère.

Lorsque cet infâme assassinait le Duc de Berry, il croyait anéantir cette race qui a fait la France si forte, si puissante et si heureuse. Mais Louvel avait compté sans la Providence. La race aînée des Bourbons ne devait pas encore s'éteindre. Avant de rendre le dernier soupir dans la loge de l'Opéra, le Duc de Berry avait dit à la Duchesse : « Madame, ménagez-vous pour l'enfant que vous portez dans votre sein».

La Providence ne pouvait permettre que la couronne de France fût ceinte, par droit légitime, par le fils de Philippe-Egalité, qui avait voté la mort de Louis XVI.

Le 29 septembre 1820, naissait Henri-Charles-Ferdinand-Marie-Dieudonné d'Artois, duc de Bordeaux, comte de Chambord, chef actuel de la branche aînée des Bourbons.

Le corps diplomatique, félicitant Louis XVIII, par l'organe du Nonce du Pape, faisait entendre ces paroles prophétiques : « Sire, cet enfant de douleurs, de souvenirs et de regrets, est aussi l'Enfant de l'Europe, il est le principe, le garant de la paix et du repos qui doivent suivre tant d'agitations. »

Les libéraux et les partisans de la branche cadette virent leurs plans déjoués par la naissance de cet enfant.

On ne peut rien lire de plus odieux que ce qui se rapporte aux propos et à la conduite de Louis-Philippe et de Madame Adélaïde, au sujet de la naissance du Duc de Bordeaux. L'apostrophe insultante de Madame Athalin à la Duchesse de Berry, celle non moins injurieuse et non moins dégradante de Louis-Philippe en présence de Madame de Gontaut, l'ignoble soupçon manifesté au maréchal Suchet par le fils de Philippe-Égalité, les articles infâmes publiés dans le Morning-Chronicle, tout cela porte un triste cachet.

Si j'avais été roi de France, les d'Orléans, à cette époque, auraient senti l'implacable vigueur de mon bras. Il n'en serait plus question depuis longtemps, et bien des malheurs auraient été épargnés à notre pays. Une souscription nationale donna à Henri V, en 1821, le château de Chambord.

Il est un fait incontestable, c'est que lorsque la Providence a des vues particulières sur un homme, elle l'éprouve par le malheur. Nul homme ne peut savoir ce qu'il est et ce dont il est capable, s'il n'a pas été en butte à l'infortune.

Arrive 1830, date néfaste dans les annales de notre pays. Pour épargner le sang français et quand il pouvait écraser dix fois la rébellion, Charles X et son fils abdiquent en faveur du duc de Bordeaux, sous la lieutenance générale de Louis-Philippe. Chacun sait le cas que Louis-Philippe a fait de cette double abdication et comment il a fait conduire sur une terre étrangère, par l'amiral d'Urville, ces trois générations de rois légitimes, avec ordre de couler le vaisseau si l'on faisait une tentative pour revenir sur les côtes de France.

En même temps, le 31 juillet 1830, Louis-Philippe, avec un cynisme hypocrite, écrivait la lettre suivante à Charles X, en s'appelant fidèle sujet :

Palais-Royal.

M. de *** dira à Votre Majesté comment l'on m'a amené ici par force. J'ignore jusqu'à qu'à quel point ces gens pourront user de violence à mon égard ; mais si dans cet affreux désordre, il arrivait que l'on m' imposât un titre auquel je n'ai jamais aspiré, que Votre Majesté soit bien persuadée que je n'envierai toute espèce de pouvoir que temporairement et dans le seul intérêt de notre Maison.

J'en prends ici l'engagement formel envers Votre Majesté. Ma famille partage mes sentiments à cet égard.

Quelle indignité ! Et puis l'on osera affirmer qu'en 1830 le trône était vacant.

Qu'on lise le Moniteur du 6 août 1830, et on verra comment le lieutenant général, nommé pour soutenir les droits d'un orphelin, s'est chargé lui-même de faire cette vacance en lançant les bandes insurgées sur Rambouillet, afin de forcer la famille royale à quitter le territoire français.

On ose parler de volonté nationale ; de grâce, n'excitons pas le rire. Où avaient-ils puisé leurs mandats constituants ces 219 députés qui formèrent le gouvernement de 1830 ? Ces 219 traîtres avaient prêté serment à leur roi, à la charte et au pays. Il n'y a point eu de nation consultée ; il n'y a point eu de volonté nationale exprimée, il n'y a eu qu'une faction s'imposant au pays par surprise, par ruse et par crime.

Quand on écrit l'histoire, on ne peut l'écrire qu'à la condition d'être dans la vérité.

Obligé de prendre le chemin de l'exil, comme nous venons de le raconter, le comte de Chambord habita successivement Lulworth et Holy-Rood, en Ecosse, Prague et Goritz. C'est dans cette dernière ville que le comte de Chambord eut la douleur de perdre Charles X, le 6 novembre 1836.

De là il visita Venise, Trieste, Mantoue et les provinces de l'Empire d'Autriche.

En 1840, il se trouvait à Vérone, pour assister aux grandes manœuvres de l'armée autrichienne.

Le 28 juillet, pendant une promenade à cheval aux environs de Kirchberg, il eut, à la suite d'une chute malheureuse, la cuisse gauche fracturée. Par suite de cet accident, le comte de Chambord est resté boîteux.

Après plusieurs autres excursions dans la Saxe, la Prusse et la Grande-Bretagne, il fixa sa résidence, en 1843, à Belgrave-Square, à Londres.

Ce fut là que commencèrent les débuts politiques d'Henri V.

Belgrave-Square devint le but d'un pélerinage qui eut un immense retentissement. Les légitimistes qui faisaient partie de la chambre des députés, un grand nombre de notabilités royalistes, et trois ou quatre mille fidèles, porteurs d'adresses, se rendirent à Londres, ayant à leur tête MM. de Chateaubriand et Berryer.

Le comte de Chambord les reçut en roi. A leurs retour, les députés légitimistes furent flétris par la chambre des députés, et on qualifia leur pélerinage de « coupable manifestation ». Ils donnèrent leur démission et furent réélus à une grande majorité par leurs électeurs.

Au moment de retourner en France, Chateaubriand reçut du prince cette magnifique lettre :

Londres, le 4 décembre 1843.

Monsieur le vicomte de Chateaubriand, au moment où je vais avoir le chagrin de me séparer de vous, je veux vous parler encore de toute ma reconnaissance pour la visite que vous êtes venu me faire sur la terre étrangère, et vous dire tout le plaisir que j'ai éprouvé à vous recevoir et à vous entretenir des grands intérêts de l'avenir.

En me trouvant avec vous en parfaite conformité d'opinion et de sentiments, je suis heureux de voir que la ligne de conduite que j'ai adoptée dans l'exil et la position que j'ai prise, sont en tous points conformes aux conseils que j'ai voulu demander à votre longue expérience et à vos lumières.

Je marcherai donc avec encore plus de confiance et de fermeté dans la voie que je me suis tracée.

Plus heureux que moi,vous allez revoir notre chère patrie. Dites à la France tout ce qu'il y à dans mon cœur d'amour pour elle. J'aime à prendre pour mon interprète cette voix si chère à la France, et qui a si glorieusement défendu, dans tous les temps, les principes monarchiques et les libertés nationales.

HENRI.

Ce langage fit tressaillir d'admiration la France royaliste. Le 3 juin, le fils aîné de Charles X termina sa vie. Le comte de Chambord adressa aux cours d'Europe la notification qui suit :

Devenu, par la mort de M. le comte de Marnes, chef de la Maison de Bourbon, je regarde comme un devoir de protester contre le changement qui a été introduit dans l'ordre de légitime succession à la couronne, et je déclare que je ne renoncerai jamais aux droits que, d'après les anciennes lois françaises, je tiens de ma naissance. Ces droits sont liés à de grands devoirs, qu'avec la grâce de Dieu, je saurai remplir. Toutefois je ne veux les exercer que lorsque, dans ma conviction, la Providence m'appellera à être véritablement utile à la France.

Jusqu'à cette époque, mon intention est de ne prendre, dans l'exil où je suis forcé de vivre, que le nom de comte de Chambord ; c'est celui que j'ai adopté en sortant de France, je désire le conserver dans mes relations avec les Cours.

Le 16 novembre 1846, le comte de Chambord épousait, à Graëtz, Marie-Thérèse-Béatrix-Gaëtane, sœur du duc de Modène et archidnchesse d'Autriche, princesse douée d'éminentes vertus.

Ce mariage donna occasion au comte de Chambord de répandre d'abondantes largesses. Rien de plus touchant que la lettre qu'il envoya à M. de Pastoret, avec vingt mille francs pour les pauvres de Paris.

Frohsdorff, le 28 octobre, 1846.

Monsieur le Marquis de Pastoret, je désire qu'à l'occasion de mon mariage, les pauvres aient part à la joie que m'inspire cette nouvelle preuve de la protection du ciel sur ma famille et sur moi ; et il me paraît que ceux de Paris ont un droit particulier à mon intérêt, car je n'oublie pas que c'est dans cette ville que je suis né et que j'ai passé les premières années de ma vie. Je m'empresse, en conséquence, de vous annoncer que je mets à vôtre disposition une somme de vingt mille francs que je vous charge de distribuer.

Dans la répartition de ce secours, vous n'aurez égard à aucune autre considération qu'à celle des besoins et de la position plus ou moins malheureuse de chacun.... Je n'ai qu'un seul regret : c'est de ne pouvoir pas donner davantage... Je suis sûr que mes amis sentiront comme moi la nécessité de s'imposer de nouveaux sacrifices et de rendre leurs aumônes plus abondantes que jamais. Ils ne peuvent rien faire qui me soit plus agréable...

HENRI.

Ne reconnait-on pas à ce langage le véritable ami du peuple. Quel bonheur ne serait-ce pas si nous pouvions avoir comme chef un homme si compatissant et si dévoué aux malheureux !

Le temps marchait. Le jour vint où la France laissa éclater son dédain pour la dynastie de rencontre qui la gouvernait, et cette dynastie fut ensevelie dans la « Révolution du mépris ».

Espérons que ceux que la foudre a frappés de la sorte ne ressusciteront plus. D'ailleurs, le républicain ne peut aimer un orléaniste, le légitimiste l'a en horreur, et le peuple, des deux côtés, n'en veut pas.

Rouge ou blanc, il n'y a pas de milieu. Notre pays ne se relèvera jamais par des expédients et des demi-mesures.

Les journées de février 1848, en le renversant, châtièrent Louis-Philippe, l'homme qui avait écrit solennellement ces paroles :

Jamais je ne porterai de couronne, tant que le droit de ma naissance et l'ordre de succession ne m'y appelleront pas ; jamais je ne me souillerai en m'appropriant ce qui appartient à un autre. (Lettre du 6 juillet 1808.)

Le comte de Chambord apprit à Venise, où il était alors auprès de sa mère, le coup de foudre de février 1848.

La malveillance lui prêta une déclaration absurde. Il la déclara apocryphe dans la lettre suivante :

Frohsdorff, le 1er juin 1848.

Je viens, monsieur, de lire la prétendue lettre adressée par moi au Président de l'Assemblée Nationale, imprimée et publiée à Paris le 18 mai dernier. Je sais aussi qu'il a été répandu plusieurs autres lettres qui tendraient à faire croire que j'ai renoncé au doux espoir de revoir ma chère patrie. Aucune de ces lettres n'est de moi.

Ce qu'il y a de vrai, c'est mon amour pour la France, c'est le sentiment profond que j'ai de ses droits, de ses intérêts, de ses besoins dans les temps actuels ; c'est la disposition où je suis de me dévouer tout entier, de me sacrifier à elle, si la Providence me juge digne de cette noble et sainte mission.

Français avant tout, je n'ai jamais souffert, je ne souffrirai jamais que mon nom soit prononcé lorsqu'il ne pourrait être qu'une cause de division et de trouble. Mais si les espérances du pays sont encore une fois trompées, si la France, lasse enfin de ces expériences qui n'aboutissent qu'à la tenir perpétuellement suspendue sur un abîme, tourne vers moi ses regards et prononce elle-même mon nom comme un gage de sécurité et de salut, comme la garantie véritable des droits et de la liberté de tous, qu'elle se souvienne alors que mon cœur, que ma vie, que tout est à elle, et qu'elle peut toujours compter sur moi.

HENRI

Le comte de Chambord fut clans la désolation, en apprenant le récit des luttes fratricides des journées de Juin et « la mort de tant d'hommes honorables et distingués dans la garde nationale et dans l'armée. »

La République de 1848, placée entre l'anarchie des violents et les influences monarchistes, ne devait pas tarder à disparaître.

Le comte de Chambord put croire un moment à son avénement.

Le parti légitimiste était alors divisé en deux camps : les partisans de la Rue de Poitiers et ceux du Droit national. On accusait ces derniers d'indiscipline et d'être enclins à la précipitation. Disons d'abord que le seul vrai légitimiste est le partisan du Droit national. Homme populaire, homme de libertés et de progrès, homme d'action et de cœur, le partisan du Droit national peut seul faire vibrer la fibre populaire et arriver au succès. Le partisan de la Rue de Poitiers est un arriéré, ouvrier insensé de la fusion et des compromis absurdes.

Depuis quand un droit fusionne-t-il avec le non droit, la vérité avec le mensonge, le volé avec le voleur?

Fusion signifie alliage, assimilation, cela est moralement, logiquement, politiquement impossible à réaliser.

La faction d'Orléans ne peut être qu'aux pieds du chef de la famille des Bourbons, sollicitant le pardon.

Les d'Orléans ne seront jamais par le droit l'égal de leur Maître.

Les arriérés de la Rue de Poitiers, barriolés d'orléanisme, perdirent la cause de la Royauté par leur indécision stupide, et le Prince Napoléon, qui était déjà président de la République, fit le coup d'Etat du 2 décembre.

Il ne restait plus au comte de Chambord, victime de l'incurie de ses faux amis, en présence de l'usurpation, qu'à protester, c'est ce qu'il lit par le mémorable document qui suit :

Frohsdorff, 25 décembre 1852.

Français ! En présence des épreuves de ma patrie, je me suis volontairement condamné à l'inaction et au silence. Je ne me pardonnerais pas d'avoir pu un seul moment aggraver ses embarras et ses périls. Séparé de la France, elle m'est chère et sacrée autant et plus encore que si je ne l'avais jamais quittée. J'ignore s'il me sera donné de servir un jour mon pays ; mais je suis bien sûr qu'il n'aura pas à me reprocher la moindre atteinte à sa prospérité et à son repos. C'est son honneur comme le mien, c'est le soin de son avenir, c'est mon devoir envers lui, qui me décident à élever aujourd'hui la voix.

Français ! Vous voulez la monarchie, vous avez reconnu qu'elle seule peut vous rendre, avec un gouvernement régulier et stable, cette sécurité de tous les droits, cette garantie de tous les intérêts, cet accord permanent d'une autorité forte et d'une sage liberté, qui fondent et assurent le bonheur des nations. Ne vous livrez pas à des illusions qui, tôt ou tard, vous seraient funestes. Le nouvel empire qu'on vous propose ne saurait être cette monarchie tempérée et durable dont vous attendez tous ces biens. — On se trompe et on vous trompe, quand on vous les promet en son nom. La monarchie véritable, la monarchie traditionnelle, appuyée sur le droit héréditaire et consacrée par le temps, peut seule nous remettre en possession de ces précieux avantages et vous en faire jouir à jamais.

Le génie et la gloire de Napoléon n'ont pu suffire à fonder rien de stable ; son nom et son souvenir y suffiraient bien moins encore. On ne rétablit pas la sécurité en ébranlant le principe sur lequel repose le trône, et on ne consolide pas tous les droits en méconnaissant celui qui est parmi nous la base nécessaire de l'ordre monarchique. La monarchie en France, c'est la maison royale de France indissolublement unie à la nation. Mes pères et les vôtres ont traversé les siècles, travaillant de concert, selon les mœurs et les besoins du temps, au développement de notre belle patrie. Pendant quatorze cents ans, seuls entre tous les peuples de l'Europe, les Français ont toujours eu à leur tête des princes de leur nation et de leur sang. L'histoire de mes ancêtres est l'histoire de la grandeur progressive de la France, et c'est encore la monarchie qui l'a dotée de cette conquête d'Alger, si riche d'avenir, si riche déjà par les hautes renommées militaires qu'elle a créées et dont la gloire s'ajoute à toutes vos gloires.

Quels que soient sur vous et sur moi les desseins de Dieu, resté chef de l'antique race de nos rois, héritier de cette longue suite de monarques, qui, durant tant de siècles, ont incessamment accru et fait respecter la puissance et la fortune de la France, je me dois à moi-même, je dois à ma famille et à ma patrie, de protester encor contre des combinaisons mensongères et pleines de dangers.

Je maintiens donc mon droit, qui est le plus sûr garant des vôtres, et prenant Dieu à témoin, je déclare à la France et au monde que, fidèle aux lois du royaume et aux traditions de mes aïeux, je conserverai jusqu'à mon dernier soupir le dépôt de la monarchie héréditaire dont la Providence m'a confié la garde, et qui est l'unique port de salut où, après tant d'orages, cette France, objet de mon amour, pourra retrouver enfin le repos et le bonheur.

HENRI.

Quelle sublimité de langage ! quelle saine appréciation du passé ! quelle vue de l'avenir! On reste confondu en relisant avec attention les écrits du prince.

A partir du jour où Napoléon s'empara du trône par le coup d'État du 2 décembre, la vie du comte de Chambord jusqu'à nos jours, se résume en trois mots, observer, faire le bien et attendre.

Pendant ces dix-huit ans de scandales, de prodigalités, de stupidités, dont le résultat final a été la fatale guerre de 1870 et les désastres qu'elle a amenés, le comte de Chambord voyagea pour s'instruire, et signala, dans diverses lettres à ses amis politiques, les points noirs qui ne devaient pas tarder à se transformer en orages effrayants pour notre chère patrie.

Tout le monde connaît les dix-huit ans d'Empire. Les plaies profondes qu'il a faites à la France sont encore trop douloureuses et trop vives pour qu'il nous soit possible de les oublier et permis de les renouveler. Eloignons-nous des cadavres.

L'Empire, digne corollaire de la Révolution de 1830, nous a conduits au 4 septembre et à cette insurrection sans exemple dans les annales d'aucun peuple.

Toutes les désolations de la patrie ont retenti dans le coeur d'Henri de France, comme le montrent sa protestation contre le bombardement de Paris par Guillaume le Sanguinaire et sa lettre à un député sur les désastres et l'incendie de la même ville.

La loi de proscription qui fermait à Henri de France les portes de la patrie étant rapportée, l'héritier de nos fois est venu visiter cette terre que ses ancêtres avaient faite si grande, si glorieuse et qu'il trouve humiliée et amoindrie. Il a fait un appel au peuple français et a parlé un langage que nous n'étions plus habitués à entendre. Il est bon que le peuple relise ce document et profite de cet enseignement salutaire pour trouver un remède aux malheurs du pays.

Chambord, 5 juillet 1871.

Français,

« Je suis au milieu de vous. Vous m'avez ouvert les portes de la France, et je n'ai pu me refuser le bonheur de revoir ma patrie. Mais je ne veux pas donner, par ma présence prolongée, de nouveaux prétextes à l'Agitation des esprits si troublés en ce moment. Je quitte donc ce Chambord que vous m'avez donné, et dont j'ai porté le nom avec fierté, depuis quarante ans, sur les chemins de l'exil.

En m'éloignant, je tiens à vous le dire, je ne me sépare pas de vous, la France sait que je lui appartiens.

Je ne puis oublier que le droit monarchique est le patrimoine de la nation, ni décliner les devoirs qu'il m'impose envers elle. Ces devoirs je les remplirai, croyez en ma parole d'honnête homme et de roi.

Dieu aidant, nous fonderons ensemble et quand vous le voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels du pays.

Nous donnerons pour garantie à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel honnêtement pratiqué et le contrôle des deux Chambres, et nous reprendrons, en lui restituant son caractère véritable, le mouvement national de la fin du dernier siècle. Une minorité révoltée contre les vœux du pays a fait le point de départ d'une période de démoralisation par le mensonge et de désorganisation par la violence. Ses criminels attentats ont imposé la Révolution à une nation qui ne demandait que des réformes, et l'ont dès lors poussée vers l'abîme, où hier elle eût péri, sans l'héroïque effort de notre armée. — Ce sont les classes laborieuses, ces ouvriers des champs et des villes, dont le sort a fait l'objet de mes plus vives préoccupations et de mes plus chères études, qui ont le plus souffert de ce désordre social.

Mais la France, cruellement désabusée par des désastres sans exemple, comprendra qu'on ne revient pas à la vérité en changeant d'erreur, qu'on n'échappe pas par des expédients à des nécessités éternelles.

Elle m'appellera, et je viendrai à elle tout entier, avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau. A l'occasion de ce drapeau, on a parlé de conditions que je ne dois pas subir.

Français !

Je suis prêt à tout, pour aider mon pays à se relever de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde, le seul sacrifice que je ne puisse lui faire, c'est celui de mon honneur.

Je suis et je veux être de mon temps ; je rends un sincère hommage à toutes ses grandeurs et quelle que fut la couleur du drapeau sous lequel marchaient nos soldats, j'ai admiré leur héroïsme et rendu grâces à Dieu de tout ce que leur bravoure ajoutait au trésor des gloires de la France. Entre vous et moi, il ne doit subsister ni malentendu, ni arrière-pensée. Non, je ne laisserai pas, parce que l'ignorance ou la crédulité auront parlé de privilège, d'absolutisme et d'intolérance, que sais-je encore ? de dîme, de droits féodaux, fantômes que la plus audacieuse mauvaise foi essaie de ressusciter à vos yeux. Je ne laisserai pas arracher de mes mains l'étendard d'Henri IV, de François Ier et de Jeanne d'Arc. C'est avec lui que s'est faite l'unité nationale, c'est avec lui que vos pères, conduits par les miens, ont conquis cette Alsace et cette Lorraine dont la fidélité sera la consolation de nos malheurs.

Il a vaincu la Barbarie sur cette terre d'Afrique, témoin des premiers faits d'armes des princes de ma famille, c'est lui qui vaincra la Barbarie nouvelle dont le monde est menacé.

Je le confierai sans crainte à la vaillance de notre armée ; il n'a jamais suivi, elle le sait, que le chemin de l'honneur.

Je l'ai reçu comme un dépôt sacré du vieux Roi, mon aïeul, mourant en exil ; il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente ; il a flotté sur mon berceau, je veux qu'il ombrage ma tombe.

Dans les plis glorieux de cet étendard sans tache, je vous apporterai l'ordre et la liberté.

Français,

Henri V ne peut abandonner le drapeau blanc d'Henri IV.

HENRI.

Il y a dans ce manifeste une sublimité inconnue de nos jours. La Révolution a voulu insinuer qu'Henri V songeait à abdiquer. Le prince a écrit alors sa déclaration du 22 janvier 1872, où il dit :

Je n'abdiquerai jamais, je ne laisserai pas porter atteinte, après l'avoir conservé intact pendant quarante ans, au principe monarchique, le patrimoine de la France, dernier espoir de ses grandeurs et de ses libertés... Rien n'ébranlera ma résolution, rien ne lassera ma patience ; et personne, sous aucun prétexte, n'obtiendra de moi que je consente à devenir le roi légitime de la Révolution.

Les ennemis du pays ont agité, aux yeux des populations, le spectre de la dîme, des droits féodaux, du règne des nobles et des curés. Le prince rassure encore le peuple dans sa lettre du 19 septembre 1873 à M. Rodez.

En être réduit, dit-il, en 1873, à évoquer le fantôme de la dîme, des droits féodaux, de l'intolérance religieuse, de la persécution contre nos frères égarés ; que vous dirais-je encore, de la guerre follement entreprise dans des conditions impossibles, du gouvernement des prêtres, de la prééminence des classes privilégiées ! vous avouerez qu'on ne peut pas répondre sérieusement à des choses si peu sérieuses. A quels mensonges la mauvaise foi n'a-t-elle pas recours lorsqu'il s'agit d'exploiter la crédulité publique !... Appliquez-vous surtout à faire appel au dévouement de tous les honnêtes gens, sur le terrain de la reconstitution sociale. Vous savez que je ne suis point un parti : j'ai besoin du concours de tous et tous ont besoin de moi.

La France, pour la troisième fois, fait la triste épreuve de la République, gouvernement qui ne convient ni à nos mœurs, ni à notre prospérité, ni à notre gloire.

Un moment nous avons cru que le terme de nos malheurs allait arriver.

Le comte de Chambord, ne voulant rien obtenir par la surprise et ne laisser dans son HONNÊTETÉ subsister aucun malentendu, a écrit à M. Chesnelong la lettre suivante, qui lui a valu l'estime et l'admiration de ses ennemis eux-mêmes :

Salzbourg, 27 octobre1873.

J'ai conservé, Monsieur, de votre visite à Salzbourg, un si bon souvenir, j'ai conçu pour votre noble caractère une si profonde estime, que je n'hésite pas à m'adresser loyalement à vous, comme vous êtes venu loyalement à moi. Vous m'avez entretenu, durant de longues heures, des destinées de notre chère et aimée patrie, et je sais que, au retour, vous avez prononcé, au milieu de vos collègues, des paroles qui vous vaudront mon éternelle reconnaissance.

Je vous remercie d'avoir si bien compris les angoisses de mon âme, de n'avoir rien caché de l'inébranlable fermeté de mes résolutions. Aussi je ne me suis point ému quand l'opinion publique, emportée par un courant que je déplore, a prétendu que je consentais enfin à devenir le roi légitime de la Révolution. J'avais pour garant le témoignage d'un homme de coeur, et j'étais résolu à garder le silence, tant qu'on ne me forcerait pas à faire appel à votre loyauté, mais puisque, malgré vos efforts, les malentendus s'accumulent, cherchant à rendre obscure ma politique à ciel ouvert, je dois toute la vérité à ce pays dont je puis être méconnu, mais qui rend hommage à ma sincérité, parce qu'il sait que je ne l'ai jamais trompé et que je ne le tromperai jamais.

On me demande aujourd'hui le sacrifice de mon honneur ? Que puis-je répondre ? Sinon que je ne rétracte rien et ne retranche rien de mes précédentes déclarations. Les prétentions de la veille, me donnent la mesure des exigences du lendemain et je ne puis consentir à inaugurer un règne réparateur et fort par un acte de faiblesse.

Il est de mode d'opposer à la fermeté d'Henri V l'habileté d'Henri IV. « Le violent amour que je porte à mes sujets, disait-il, me rend tout possible et honorable. » Je prétends sur ce point ne lui céder en rien, mais je voudrais bien savoir quelle leçon se fut attirée l'imprudent assez osé pour lui persuader de renier l'étendard d'Arqués et d'Ivry !

Vous appartenez, Monsieur, à la province qui l'a vu naître, vous serez comme moi d'avis qu'il eut promptement désarmé l'interlocuteur en lui disant avec sa verve béarnaise : « Mon ami, prenez mon drapeau blanc, il vous conduira toujours au chemin de l'honneur et de la victoire. »

On m'accuse de ne pas tenir en assez haute estime la valeur de nos soldats, et cela au moment où je n'aspire qu'à leur confier tout ce que j'ai de plus cher. On oublie donc que l'honneur est le patrimoine commun de la maison de Bourbon et de l'armée française et que, sur ce terrain-là, on ne peut manquer de s'entendre.

Non, je ne méconnais aucune des gloires de ma patrie, et Dieu seul, au fond de mon exil, a vu couler mes larmes de reconnaissance toutes les fois que, dans la bonne ou dans la mauvaise fortune, les enfants de la France se sont montrés dignes d'elle. Mais nous avons ensemble une grande oeuvre à accomplir. Je suis prêt, tout prêt à l'entreprendre quand on le voudra, dès demain, dès ce soir, dès ce moment. C'est pourquoi je veux rester ce que je suis. Amoindri aujourd'hui, je serais impuissant demain.

Il ne s'agit de rien moins que de constituer sur ces bases naturelles la société profondément troublée, d'assurer avec énergie le règne de la loi, de faire renaître la prospérité au dedans, de contracter au dehors des alliances durables, surtout de ne pas craindre d'employer la force au service de l'ordre et de la justice.

On parle de condition ? M'en a-t-il posé ce jeune prince dont j'ai ressenti avec tant de bonheur la loyale étreinte, et qui, n'écoutant que son patriotisme, venait spontanément à moi, m'apportant au nom de tous les siens, des assurances de paix et de réconciliation ?

On veut des garanties ?... En a-t-on demandé à ce Bayard des temps modernes, dans cette nuit mémorable du 24 mai, où l'on imposait à sa modestie la glorieuse mission de calmer son pays par une de ses paroles d'honnête homme et de soldat qui rassurent les bons et font trembler les méchants ? Je n'ai pas, c'est vrai, porté, comme lui l'épée de la France sur vingt champs de bataille, mais j'ai conservé intact pendant quarante-trois ans, le dépôt sacré de nos traditions et de nos libertés. J'ai donc le droit de compter sur la même sécurité. Ma personne n'est rien, mon principe est tout.

La France verra la fin de ses épreuves quand elle le voudra. Je suis le pilote nécessaire, le seul capable de conduire le navire au port, parce que j'ai mission et autorité pour cela.

Vous pouvez beaucoup, Monsieur, pour dissiper les malentendus, arrêter les défaillances au moment de la lutte. Vos consolantes paroles en quittant Salzbourg sont sans cesse présentes à ma pensée. La France ne peut pas périr, car Dieu aime encor ses Francs, et, lorsque Dieu à résolu de sauver un peuple, il veille à ce que le sceptre de la justice ne soit remis qu'en des mains assez fermes pour le porter.

HENRI.

Il ne nous est pas permis de scruter les défaillances qui se sont produites après cette lettre. Le sujet est encore trop brûlant. Au moment de toucher au port, la barque qui portait le bonheur de la France a été rejetée au loin.

Où allons nous ? Le commerce languit, l'industrie se meurt, le peuple souffre, la misère harcèle l'ouvrier des villes et des campagnes, la France perd chaque jour de son influence et de sa grandeur, et cela pourquoi ?.....

Pour nous, partisans sincères d'Henri V, soyons fiers de notre chef. Son honnêteté nous honore, et sa loyauté nous grandit.

Courage donc, pas de tristesse, pas de défaillance, surtout pas d'alliance avec l'Orléanisme et le Bonapartisme, les deux arbres issus de la Révolution, et causes de tous nos malheurs. Toutes les
combinaisons des habiles seront frappées de stérilité. Il faut quand même que l'heure de Dieu arrive pour le bien de la France.

Croyez-le bien, nous a-t-il dit, je serai appelé, non seulement parce que je suis le droit, mais parce que je suis l'ordre, parce que je suis le fondé de pouvoir nécessaire pour remettre en sa place ce qui n'y est pas, et gouverner avec la justice et les lois, dans le but de réparer les maux du passé et de préparer enfin un avenir.

Je ne suis point un parti et je ne veux pas revenir pour régner par un parti. Je n'ai ni injure à venger, ni ennemis à écarter, ni fortune à refaire, sauf celle de la France, et je puis choisir partout les ouvriers qui voudront loyalement s'associer à ce grand ouvrage.

Hommes d'ordre, ouvriers laborieux des villes et des campagnes, soyons des hommes d'énergie, de propagande et de coeur, et de meilleurs jours viendront pour notre chère France.

Hâtons, par nos efforts, le jour heureux de la venue de notre Roi, car ce jour sera un immense bonheur pour tous."

Henri V, sa vie et ses principaux écrits, par un partisan du droit national (1874)


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