lundi 24 décembre 2007 | By: Mickaelus

Ballade : "Du jour de Noël", par Clément Marot

XI

Du jour de Noël


Or est Noël venu son petit trac,
Sus donc aux champs, bergères de respec :
Prenons chacun panetière, et bissac,
Flûte, flageol, cornemuse, et rebec :
Ores n'est pas temps de clore le bec,
Chantons, sautons, et dansons ric à ric :
Puis allons voir l'enfant au pauvre nic,
Tant exalté d'Hélie, aussi d'Enoc,
Et adoré de maint grand roi, et duc :
S'on nous dit nac, il faudra dire noc :
Chantons Noël tant au soir, qu'au déjuc.

Colin, Georget, et toi Margot du Clac,
Ecoute un peu, et ne dors plus illec :
N'a pas longtemps sommeillant près d'un lac
Me fut avis, qu'en ce grand chemin sec
Un jeune enfant se combattait avec
Un grand serpent, et dangereux aspic :
Mais l'enfanteau en moins de dire pic,
D'une grand croix lui donna si grand choc,
Qu'il l'abattit, et lui cassa le suc.
Garde n'avait de dire en ce défroc :
Chantons Noël tant au soir, qu'au déjuc.

Quand je l'ouïs frapper et tic et tac,
Et lui donner si merveilleux échec,
L'ange me dit, d'un joyeux estomac :
"Chante Noël en français, ou en grec,
Et de chagrin ne donne plus un zec,
Car le serpent a été pris au bric" :
Lors m'éveillai, et comme fantastic
Tous mes troupeaux je laissai près un roc.
Si m'en allai plus fier qu'un archiduc
En Bethléem. Robin, Gautier, et Roch,
Chantons Noël tant au soir, qu'au déjuc.

Envoi.

Prince dévot, souverain catholiq,
Sa maison n'est de pierre, ne de bric.
Car tous les vents y soufflent à grand floc :
Et qu'ainsi soit, demandez à Saint Luc.
Sus donc avant, pendons souci au croc,
Chantons Noël tant au soir, qu'au déjuc.

Clément Marot, L'Adolescence clémentine (1532)

Chanson : "Du jour de Noël", par Clément Marot

Chanson XXV.
Du jour de Noël
.


Une pastourelle gentille
Et un berger en un verger,
L'autre hier jouant à la bille
S'entredisaient, pour abréger :
Roger
Berger,
Légère
Bergère,
C'est trop à la bille joué.
Chantons Noé, Noé, Noé.

Te souvient-il plus du Prophète,
Qui nous dit cas de si haut fait,
Que d'une Pucelle parfaite
Naîtrait un enfant tout parfait ?
L'effet
Est fait :
La belle
Pucelle
A eu un fils au Ciel voué.
Chantons Noé, Noé, Noé.

Clément Marot, L'Adolescence clémentine (1532)

samedi 22 décembre 2007 | By: Mickaelus

Commentaire du discours de Latran de Nicolas Sarkozy ou réflexion sur la république et la religion

C’est ce jeudi 20 décembre que nous avons eu droit à une nouvelle performance du premier acteur de France, j’ai nommé Nicolas Sarkozy, président caméléon qui sait s’adapter à toutes les rencontres, à toutes les personnes comme à toutes les situations. Au Palais du Latran, le président de la République, dite française, s’est donc souvenu qu’il était catholique et que les racines catholiques de la France étaient essentielles, tout cela en oubliant au passage, par exemple, sa promotion assidue de l’avortement comme valeur française il n’y a pas si longtemps, ni encore que sa vision syncrétiste de l’histoire est une escroquerie quand c’est la République et ses anti-valeurs qui ont le plus contribué à couper le peuple de France de ses racines catholiques. Cependant je n’en dis pas plus pour l’instant pour ne pas trop anticiper sur le commentaire partiel de quelques morceaux choisis du discours (qu’on peut trouver ici) auquel je vais me livrer ci-dessous en quelques points.

***

1. La France et son histoire

« En me rendant ce soir à Saint-Jean de Latran, en acceptant le titre de chanoine d’honneur de cette basilique, qui fut conféré pour la première fois à Henri IV et qui s’est transmis depuis lors à presque tous les chefs d’Etat français, j’assume pleinement le passé de la France et ce lien si particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise. »

Le verbe assumer employé par Nicolas Sarkozy me paraît absolument trop fort en comparaison de son attitude et de ses actes ; au mieux il aurait dû dire qu’il reconnaissait par sa présence le passé de la France. Car c’est bien au passé composé qu’il évoque cette union de la nation française et de l’Eglise qui n’est plus ici que commémorée, commémoration qui n’est plus que formelle. Pire, la vision syncrétiste de l’histoire, qui ferait des souverains français honorés de ce titre de chanoine une suite ininterrompue depuis Henri IV est une bravade mensongère, car c’est la république, incarnée par les chefs d’Etat républicains, qui a désuni la nation et l’Eglise, en 1789, en 1905 – nous y reviendrons. De fait, assumer vraiment la France et sa fondation devrait équivaloir à œuvrer pour la restauration de la monarchie légitime ; tout le reste n’est que vain verbiage.

« C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l‘Eglise. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l’Europe. A de multiples reprises ensuite, tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l’occasion de manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Eglise et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref des premiers Etats pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus ancienne représentation diplomatique. »

Il est bien beau de discourir sur la gloire d’antan et de ne pas évoquer une seule fois les méfaits et blasphèmes actuels – on comprend comme notre époque ne soutient guère la comparaison et comme cela est honteux ! Rappeler que la France en tant que civilisation est fondée à partir de ce baptême de Clovis, préfiguration des sacres royaux à venir, me fait immanquablement venir à l’esprit que c’est la Révolution et la république qui se sont acharnées contre la civilisation française en l’une de ses composantes essentielles, l’Eglise catholique, et contre l’union du trône et de l’autel. Et ce n’est certainement pas la « laïcité positive » (comme ce terme rappelle hideusement celui de « discrimination positive » !), à laquelle je reviendrai, qui y changerait quoi que ce soit.


2. La laïcité

« Tout autant que le baptême de Clovis, la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays. Je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. Je sais que l’interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé. »

C’est, après la première partie du discours, le moment à partir duquel la cohérence commence à se perdre complètement dans un angélisme républicain qui tente de refaire l’histoire au prix de sophismes douteux. Ainsi, placer sur le même plan le baptême de Clovis et la mise en œuvre – basse besogne s’il en fut ! – de la laïcité relève, encore une fois, d’une vision syncrétiste de l’histoire de France complètement erronée : le baptême de Clovis concerne l’histoire de France, la laïcité celle de la Révolution et de la République. Confondre les deux, c’est insulter la mémoire de la France, et faire preuve de schizophrénie à l’endroit de la seconde, car la république ne s’est pas construite dans la continuité du royaume de France, mais contre lui. De plus, il n’est aucunement mentionné dans ce paragraphe pourquoi la laïcité s’est introduite en France ; on a l’impression en lisant ces lignes qu’il s’agirait d’une idée toute belle et universelle qui se serait glissée tout naturellement chez nous. Que les souffrances des catholiques et preux français soient évoquées, c’est sans doute une bonne chose. Mais que les motivations de ces souffrances soient esquivées pour ne pas avoir à endosser ses responsabilités républicaines, c’est une hypocrisie perfide : le vendéen que je suis n’oublie pas !

« Pour autant, il n’est plus contesté par personne que le régime français de la laïcité est aujourd’hui une liberté : liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de pratiquer une religion et liberté d’en changer, liberté de ne pas être heurté dans sa conscience par des pratiques ostentatoires, liberté pour les parents de faire donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs convictions, liberté de ne pas être discriminé par l’administration en fonction de sa croyance. »

Au risque de décevoir M. le président, je me vois au regret de déclarer que je suis au moins un de ces preux Français de jadis qui remettent en cause la laïcité. Evidemment, si l’on considère les partis politiques, aucun, puisque la démagogie du suffrage universel joue à plein, n’oserait toucher à cette forfaiture révolutionnaire, pas même le MPF de Philippe de Villiers qu’on aurait pu croire un parti catholique réactionnaire, mais qui a au contraire plébiscité la laïcité pendant les dernières présidentielles pour faire barrage à l’islam au lieu de promouvoir l’identité catholique de la France – combat négatif symptomatique de l’impossible combat français et républicain à la fois – tandis que le FN dénonçait l’intégrisme du même Villiers à ce sujet par la voix de Marine Le Pen. Mais en dehors de ces partis du désespoir républicain et de la débâcle défensive, il reste des hommes libres comme les royalistes légitimistes qui osent encore se souvenir de l’union du trône et de l’autel, et d’une époque où l’on disait, sous Louis XIV : cujus regio, ejus religio, soit à chaque Etat sa religion, religion déterminée par celle du roi. En France, cela renvoie évidemment au catholicisme, et s’oppose évidemment aux principes de tolérance religieuse apportés ou plutôt radicalisés par la Révolution. Il est donc important de distinguer France et république, encore une fois.

Toutefois, au-delà de ce petit rappel bienvenu, il convient de critiquer le contenu philosophique et encore une fois faussement angélique de ce paragraphe, qui voudrait nous faire accroire que la laïcité serait un espace de neutralité où la vie citoyenne pourrait s’épanouir. J’ai coutume de dire que si tout se vaut, plus rien ne vaut, et cela s’applique tout particulièrement lorsqu’on tente de nous imposer le dogme révolutionnaire selon lequel que chacun soit son propre étalon moral et religieux puisse entraîner la cohérence nationale et la paix civile. L’histoire nous enseigne pourtant que les anarchistes et frondeurs protestants ont été les premiers à introduire le désordre civil en France, précisément en instaurant une division politique et donc civilisationnelle dans le royaume, et que c’est à Louis XIV que revint l’honneur de les convertir ou de les chasser pour tenter de corriger ce désordre. La leçon à en tirer est qu’une communauté religieuse devrait rester ultra-majoritaire dans le pays au risque d’entraîner des bouleversements politiques, et non pas l’inverse, soit nier le fondement de la France et considérer comme égales toutes les religions au regard de l’identité nationale, ce qui conduit au relativisme le plus chaotique, comme on commence à le sentir au sujet de l’islam aujourd’hui, présent à cause des valeurs républicaines sur notre territoire. Cela vaut pour la cohérence ; il me reste à dire deux mots de la liberté. Oser prétendre que la composition religieuse d’un Etat, à travers ses sujets ou ses citoyens, n’a pas d’influence sur leur pratique religieuse, est un mensonge. On ne sera pas catholique de la même manière sous une république laïque que sous une monarchie catholique ; on ne peut vivre aujourd’hui sa foi catholique dans une république qui promeut l’avortement, la débauche et le veau d’or – la performance économique comme seul dogme politique – et la diversité religieuse, comme on la pouvait vivre sous une monarchie qui définissait clairement des repères catholiques pour la nation. Toute politique relève d’un choix et non pas d’une liberté, et le choix de la république est justement la pire des politiques, celle qui consiste à ne pas faire de choix. Toujours est-il que ce « non-choix » est tout de même une politique arbitraire, celle d’imposer cette laïcité et ce régime du relativisme, tout comme sous la monarchie l’union du trône et de l’autel était un autre choix. La conclusion est donc simple : la république œuvre pour un autre dogme, une autre civilisation, mais ne fait pas preuve de plus de liberté. C’est d’un « autrement » qu’il s’agit et pas d’un « plus librement ».

« La France a beaucoup changé. Les Français ont des convictions plus diverses qu’autrefois. Dès lors la laïcité s’affirme comme une nécessité et une chance. Elle est devenue une condition de la paix civile. »

J’ai déjà dit pourquoi dans le paragraphe précédant faire de la laïcité une condition de la paix civile est une aberration : c’est, dans le contexte de la diversité religieuse d’une nation, vouloir éviter une petite guerre et de petits désagréments, mais c’est plus sûrement récolter un chaos intégral plus tard au niveau spirituel et moral. Nous en avons déjà les prémisses en république dite française.

Mais le plus intéressant dans ce court paragraphe est la façon dont il est déclaré, si solennellement, que la laïcité serait une nécessité, quand on ne veut pas se souvenir dans quelles conditions elle a émergé. Car on semble sous-entendre ici que c’est la diversité religieuse des Français qui aurait rendu inévitable l’instauration de la laïcité : voilà un bien vilain mensonge ! Au moment où la Révolution française a éclaté et que le peuple a été manipulé, le pays était encore catholique et cela de manière écrasante. Et pourtant, tous les fondamentaux du relativisme religieux étaient déjà établis dans la déclaration des droits de l’homme, texte anti-français s’il en est au regard de l’identité de la civilisation française et de l’union du trône et de l’autel. M. Sarkozy serait donc honnête s’il voulait bien rappeler à son souvenir que les méfaits de la république puis de son auxiliaire totalitaire l’éducation nationale maçonnique, ont accompli la déchristianisation d’un pays qui serait resté lui-même sous une monarchie catholique. C’est donc la république qui a forcé la laïcisation du pays, certainement pas les Français de la France profonde.

« Cela étant, la laïcité ne saurait être la négation du passé. Elle n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je considère qu’une nation qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d’histoire, de patrimoine, d’art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, et dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire. »

La laïcité n’a effectivement pas le pouvoir de changer ce que la France a été dans l’histoire, comment sa civilisation a rayonné sous l’égide du trône et de l’autel. Toutefois M. Sarkozy, malgré toute sa malhonnêteté et toute son hypocrisie, n’a pas non plus le pouvoir de redéfinir les concepts ni les lois du monde des idées, et ne peut donc affirmer sans une insigne mauvaise foi que la laïcité n’est pas une négation. A lui qui affectionne tant ce mot, osons rappeler que la laïcité est bien une rupture avec la civilisation française, et que ceux qui la promeuvent, et dont il est, ne peuvent réclamer la défense d’une identité nationale française. La seule institution qui pourrait faire barrage à la diversité actuelle, la contenir, et rappeler sans cesse un visage positif, affirmé, de la France (c’est au prix de son affirmation qu’une civilisation peut en imposer à ses minorités), serait la monarchie catholique. La république, qui est en elle-même un relativisme, en est incapable. M. Sarkozy rappelle l’importance de la mémoire, mais une mémoire qui n’est que vain verbiage n’est qu’un affront lancé aux mânes des ancêtres.


3. Religion et république ; espoir et avenir

« Ma conviction profonde, dont j’ai fait part notamment dans ce livre d’entretiens que j’ai publié sur la République, les religions et l’espérance, c’est que la frontière entre la foi et la non-croyance n’est pas et ne sera jamais entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, parce qu’elle traverse en vérité chacun de nous. Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même temps qu’il ne s’interroge pas sur l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale. »

C’est sans doute là le point le plus positif de ce discours, qui tend à montrer que le fait religieux et la foi concernent tout le monde, et cela me conduirait à développer pour ma part, en un autre contexte, que tout Français serait mieux loti sous une monarchie catholique gérée selon le droit naturel que sous une république muette au sujet de l’espérance, et qui, pire, la craint. Il n’empêche que, et cela n’est pas étonnant, Nicolas Sarkozy parle de foi et d’espérance de façon syncrétiste et place toutes les religions au même niveau – tout en feignant une considération particulière pour le catholicisme comme l’avait fait Napoléon, premier simulateur d’homme d’ordre, en son temps – ce qui est plus que confus quand on songe à la référence à l’identité nationale et à l’importance de la mémoire plus haut dans le discours.

« Or, longtemps la République laïque a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle. Même après le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège, elle s’est montrée plus méfiante que bienveillante à l’égard des cultes. Chaque fois qu’elle a fait un pas vers les religions, qu’il s’agisse de la reconnaissance des associations diocésaines, de la question scolaire, des congrégations, elle a donné le sentiment qu’elle agissait parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement. Ce n’est qu’en 2002 qu’elle a accepté le principe d’un dialogue institutionnel régulier avec l’Eglise catholique. Qu’il me soit également permis de rappeler les critiques virulentes dont j’ai été l’objet au moment de la création du Conseil français du culte musulman. Aujourd’hui encore, la République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refuse de reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative ou aux moyens de communication des Eglises, répugne à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholique alors que la Convention de Bologne le prévoit, n’accorde aucune valeur aux diplômes de théologie. »

Ici s’affirme le plus clairement dans le discours la ligne politique de Nicolas Sarkozy, qui tranche avec celle de tous ses adversaires. D’une part il veut accentuer la participation du fait religieux et de la foi dans la vie publique, mais d’autre part il prend toujours soin de citer les religions, en contradiction avec l’identité nationale catholique. De fait, il est difficile de délimiter ce qui est le plus dangereux : ou bien une participation plus intense de toutes les religions à la vie publique – y compris l’islam, c’est le problème majeur, ou bien une présence plus discrète, communautarisée, des religions sur le territoire. Les partis dits de droite dure, réactionnaires ou d’extrême droite sont loin de jouer leur rôle dans cette problématique : le manque d’une offre politique royaliste légitimiste se fait ici singulièrement sentir, quand il faudrait choisir entre le multiculturalisme de l’UMP, la laïcité contraignante de la gauche ou la repentance inavouée des réactionnaires et nationalistes des partis républicains tels que le MPF, le FN ou le MNR. Car que la religion catholique soit une religion comme une autre – pour l’UMP – ou une religion à proscrire – sauce gauche plurielle – n’est pas acceptable : il n’y a qu’une institution telle que la monarchie catholique qui pourrait supporter victorieusement, par la force de sa cohérence, le poids d’une diversité française grandissante. A ce jeu-là, il y a fort à parier que la république se cassera les reins.

« Et puis je veux dire également que, s’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité. Comme l’écrivait Joseph Ratzinger dans son ouvrage sur l‘Europe, « le principe qui a cours maintenant est que la capacité de l’homme soit la mesure de son action. Ce que l’on sait faire, on peut également le faire ». A terme, le danger est que le critère de l’éthique ne soit plus d’essayer de faire ce que l’on doit faire, mais de faire ce que l’on peut faire. C’est une très grande question. »

Il s’agit là d’une question on ne peut plus intéressante effectivement ! Je ne sais pas si Nicolas Sarkozy en a eu le soupçon en prononçant cette partie de son discours, mais il s’agit, pour peu qu’on la développe, d’un réquisitoire potentiellement terrible contre notre république dite française. Tout d’abord, quand il forme le vœu que s’exprime au sein de la République une morale inspirée de la religion, il a mille fois raison, mais que ne comprend-il pas que ce qu’il réclame existait sous la monarchie catholique quand, sous l’union du trône et de l’autel, tandis que l’autel s’occupait de la dimension spirituelle de l’être humain, le temporel, soit le trône, par sa liaison avec l’autel, devenait la garantie du droit naturel ? Ensuite, quand il est question de l’épuisement et de la relativité de la morale laïque – disons plutôt d’un simulâcre de morale essayé vainement par les faibles lumières de l’homme – et de l’absence de lien avec la transcendance, comment ne pas songer au sacre des rois de France qui faisait du Roi Très Chrétien un lieutenant du Christ, sacre qui liait la France et son gouvernement à la transcendance catholique ? Comment ne pas concevoir dans la peur de la faillibilité humaine la faiblesse d’un parlement qui peut voter des lois contraires au droit naturel, comme l’avortement et l’union homosexuelle ? Ce que réclame Nicolas Sarkozy, c’est donc la monarchie catholique ; on attend donc avec impatience qu’il propose Louis XX aux Français.

« C’est pourquoi j’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. Il ne s’agit pas de modifier les grands équilibres de la loi de 1905. Les Français ne le souhaitent pas et les religions ne le demandent pas. Il s’agit en revanche de rechercher le dialogue avec les grandes religions de France et d’avoir pour principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt que de chercher à la leur compliquer. »

Ce paragraphe a tôt fait de nous ramener sur terre ; Nicolas Sarkozy, comme tous les républicains, fait bon marché de la cohérence de sa pensée. Il retourne à ses vieux démons, dénoncés plus haut, à savoir une liberté laïque qui n’existe pas – toute politique est un choix et non une liberté comme je l’ai écrit ci-dessus – et une diversité religieuse au sommet de l’Etat qui nie la fondation de la France et l’identité de sa civilisation.

***

En conclusion, il y a dans ce texte de quoi comprendre que la gauche ait été ennuyée par le discours syncrétiste de Nicolas Sarkozy, qui est plus dans la tradition bonapartiste que dans la pure tradition républicaine : on y trouve une volonté d’instrumentalisation active de la religion au service de la république – ce qui est appelé laïcité positive – et non pas une soumission totale et passive, comme on en a plus l’habitude à gauche, quand il ne s’agit pas d’une hostilité pure et simple – excepté le cas de l’islam utilisé contre les réactionnaires français mais pas aimé en soi pour autant. On reste évidemment très loin d’une inscription sincère et véritable dans la civilisation française, dont la constante s’est trouvée affirmée par l’union intelligente du trône et de l’autel et par le sacre du roi de France. Si Nicolas Sarkozy voulait vraiment défendre, comme il prétend dans ces quelques lignes, les racines de la France, sa mémoire, une liberté qui se ferait sous l’égide d’un catholicisme majoritaire, il serait royaliste et non républicain. La république, régime de la relativité et de la négation de la mémoire française, n’est pas apte à maintenir une cohérence nationale et civilisationnelle.

Lire aussi :
La laïcité
Quelques commentaires sur le discours du président de la république à Épinal
L'impossible combat français et réactionnaire dans le cadre républicain

jeudi 20 décembre 2007 | By: Mickaelus

Epitaphe d'Albert de Ripa, par Ronsard

Albert de Ripa, mort vers 1551, était un musicien italien qui fut au service de deux rois de France, à savoir François Ier puis son fils Henri II.

XI
EPITAFE D'ALBERT,
JOÜEUR DE LUC DU ROI



ENTREPARLEURS : LE PASSANT, ET LE PRESTRE

Pa. Qu'oi-je dans ce tombeau resonner ? Pre. une lyre.
Pa. N'est ce pas celle là qui peut si bien redire
Les chansons d'Apollon, que flatés de sa vois
Tiroit, racine et tous les Rochiers et les bois ?
Et pres de Pierie, ainsi qu'une ceinture
En un rond les serroit sur la pleine verdure ?
Pre. Ce n'est pas celle là. Pa. E laquelle est ce donc ?
Pre. C'est celle là d'Albert, que Phebus au poil blond
Aprist des le berceau, et lui donna la harpe,
Et le Luc le meilleur qu'il mist onc en écharpe,
Si bien qu'apres sa mort son Luc mesmes enclôs
Dedans sa tombe, encor sonne contre ses ôs.
Pa. Je suis esmerveillé que sa lyre premiere
En son art ne flechit la Parque sa meurtriere ?
Pre. Point n'en faut s'ebahir, Orfée qui fut bien
Enfant de Calliope, et du Dieu Cynthien,
Ne la sceut onc flechir, et pour la fois seconde,
D'où plus il ne revint, alla voir l'autre monde.
Pa. Quelle mort le tua ? Pre. Une pierre qui vint
Lui boucher la vecie, et le conduit lui print
En celle part, où l'eau par son canal chemine,
Et tout d'un coup boucha sa vie et son urine.
Pa. Je suis tout esbahi que lui qui flechissoit
Les pierres de son Luc, ne se l'amolissoit.
Pre. Aussi fit il long tans, car durant sa jeunesse
Que ses dois remüoyent d'une agile souplesse,
Et qu'il touchoit le Luc plus viste et mieus à point,
Toujours elle estoit mole, et ne roidissoit point,
Mais quand il devint vieil, et que sa main pesante
S'engourdit sur le Luc à demi languissante,
La pierre d'un cousté dure à ses chans estoit,
Et de l'autre cousté toujours mole restoit,
Comme on voit le coural dessous la mer s'espendre
Endurci d'un cousté, de l'autre cousté tendre.
Cerbere à son passer tient ses gousiers fermés,
Et les Manes des mors par l'oreille charmés,
Oublioient leur travaus, Titye sur la pleine
Aus vautours estendu en oublia sa peine,
Flegyas l'oublia, Sisyfe ne sentoit
Le vain labeur du roc, la roüe s'absentoit
Des membres d'Ixion, et les Sœurs Beleides
Ce jour là tout entier n'eurent leurs cruches vuides,
Et Tantale au meillieu de son troisieme ennui
D'un gousier mal jouieus rit en despit de lui,
Et les horribles Sœurs beantes se dresserent,
Et tomber à leurs piés leurs grans torches laisserent.
Mais quel proufit nous esse, et puis que ceus d'abas
En ont tout le plaisir, et nous ne l'avons pas ?
Or toi quiconque sois, jette lui mile branches
De Laurier sur sa tombe, et mile roses franches,
Et le laisse dormir, et pense qu'aujourd'hui,
Ou peut estre demain, tu seras comme lui.

Pierre de Ronsard, Le Bocage (1554)

Quand les lys blancs refleuriront


mardi 18 décembre 2007 | By: Mickaelus

Epitaphe de François Rabelais, par Ronsard


X
Epitafe de François Rabelais


Anonyme, François Rabelais (1483-1553)

Si d'un mort qui pourri repose
Nature engendre quelque chose,
Et si la generation
Se fait de la corruption,
Une vigne prendra naissance
De l'estomac et de la pance
Du bon Rabelais, qui boivoit
Tousjours ce pendant qu'il vivoit.
La fosse de sa grande gueule
Eust plus beu de vin toute seule
(L'epuisant du nez en deus cous)
Qu'un porc ne hume de lait dous,
Qu'Iris de fleuves, ne qu'encore
De vagues le rivage more.
Jamais le Soleil ne l'a veu
Tant fût-il matin, qu'il n'eut beu,
Et jamais au soir la nuit noire
Tant fut tard, ne l'a veu sans boire.
Car, alteré, sans nul sejour
Le gallant boivoit nuit et jour.
Mais quand l'ardante Canicule
Ramenoit la saison qui brule,
Demi-nus se troussoit les bras,
Et se couchoit tout plat à bas
Sur la jonchée, entre les taces :
Et parmi des escuelles grasses
Sans nulle honte se touillant,
Alloit dans le vin barbouillant
Comme une grenouille en sa fange :
Puis ivre chantoit la louange
De son ami le bon Bacus,
Comme sous lui furent vaincus
Les Thebains, et comme sa mere
Trop chaudement receut son pere,
Qui en lieu de faire cela
Las ! toute vive la brula.
Il chantoit la grande massüe,
Et la jument de Gargantüe,
Son fils Panurge, et les païs
Des Papimanes ébaïs :
Et chantoit les Iles Hieres
Et frere Jan des autonnieres,
Et d'Episteme les combas :
Mais la mort qui ne boivoit pas
Tira le beuveur de ce monde,
Et ores le fait boire en l'onde
Qui fuit trouble dans le giron
Du large fleuve d'Acheron.
Or toi quiconques sois qui passes
Sur sa fosse repen des taces,
Repen du bril, et des flacons,
Des cervelas, et des jambons,
Car si encor dessous la lame
Quelque sentiment a son ame,
Il les aime mieus que des Lis,
Tant soient ils fraichement cueillis.

Pierre de Ronsard, Le Bocage (1554)

dimanche 16 décembre 2007 | By: Mickaelus

Les mariés de Vendée




J'écrivais ton nom sur les pierres
Sur les cheveux de lierre
Des ruines abandonnées
Je t'attendais à la rivière
Dans
le bleu des fougères
Auprès d'un champs de blé

J'écrivais ton nom solitaire
Sur les chemins de terre
Sur les arbres écorchés
Je t'attendais dans mes prières
Dans le feu des bruyères
Des soleils de janvier

Je t'attendais, je t'attendais, je t'attendais

Et les églises se souviennent
Des tous premiers je t'aime
Des mariés de Vendée
Qui couraient à perdre haleine
Boire à l'eau des fontaines
Leur tout premier baiser

Et les moulins se rappellent
La blancheur des dentelles
Des mariés de Vendée
Qui couraient dans les ruelles
Escaladaient les échelles
Pour s'aimer dans un grenier

Je parlais de toi aux nuages
Aux oiseaux de passage
A mes poupées d'enfant
Je t'attendais les nuits d'orage
Dans les genets sauvages
Au bord de l'océan

J'écrivais ton nom sur les plages
Sur les murs des villages
Les nuits de la Saint-Jean
Je
t'attendais comme un rivage
Quand un bateau naufrage
Au cœur de l'ouragan

Je t'attendais, je t'attendais, je t'attendais

Et les églises se souviennent
Des prénoms de baptême
Des mariés de Vendée
Qui couraient à perdre haleine
Boire à l'eau des fontaines
Leur tout premier baiser

Et les étangs se rappellent
Les serments éternels
Sous les grands peupliers
Garde ta main dans la mienne
Nous
serons quoi qu'il advienne
Des mariés de Vendée.

Didier Barbelivien

[Source]

Vive le roi, par Didier Barbelivien


louis XX
envoyé par thechouan


Vive le roi
envoyé par miep22


Vive le Roi

Vous parlez de la France comme une géographie,
Une île entre Moscou et les Etats Unis
Vous parlez de la France comme si c' était à vous
La Bretagne, la Provence , les forêts les cailloux
Pour parler de la France, vous avez dans la voix
Une chanson d' innocence, qui dit Votez pour moi
En mauvais comédien , vous récitez un rôle
Que je vous dirais bien par dessus votre épaule

Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi

Vous parlez de la France, mais la France elle s' en fout
De vos plans de relance , qui la laisse à genoux
Vous parlez de la France , la main droite sur le coeur
Vous êtes sa dernière chance , vous jurez sur l' honneur
Qu' il y aurait plus en France ni chômeur , ni voyou
La solution d'urgence elle arrive avec vous
Qui enfermez nos vies derrière des murs de lois
Qui me donnez envie de crier quelquefois

Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi

Pour parler de la France , il faut vous écouter
Mélanger l' ignorance et la fausse vérité
Pour parler de la France, il vous faut des discours
Qu' on vous écrit d' avance avec des mots bien lourds
Racontez nous la France , façon Victor Hugo
Avec toute l' insolence , d' un De Gaulle , d' un Malraux
Soyez la République , pauvre Bonhomme de paille
Avant que la musique , ne reprenne à Versailles

Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi
Vive le Roi

[Vive Le Roi Lyrics on
http://www.lyricsmania.com/ ]

Didier Barbelivien, Rien Que Des Chansons

jeudi 6 décembre 2007 | By: Mickaelus

Epitaphe de Philippe de Commines, par Ronsard


XIV
EPITAFE DE PHILIPES DE COMMINES

Sculpture funéraire de Philippe de Commines, Musée du Louvre

ENTREPARLEURS, LE PRESTRE, ET LE PASSANT

Pa. Quelle est cette déesse empreinte en cet ivoire
Qui se ront les cheveus, et tord les bras ? Pre. l'Histoire.
Pa. Et l'autre, qui d'un œil tristement depité
Lamente à ce tombeau ? Pre. la simple Verité.
Pa. Ne git point mort ici le Rommain Titelive ?
Pre. Non, mais bien un François dont la memoire vive
Surpasse ce Rommain, pour sçavoir egaler
La verité du fait avec le beau parler.
Pa. Di moi ce cors doüé de tant de Vertus dines.
Pre. Philipes fut son nom, son surnom de Commines.
Pa. Fut il pauvre, ou s'il fut de basse race isseu ?
Pre. Il fut riche, et si fut de noble sang conceu.
Pa. Qu'a-t-il ecrit, di moi ? Pre. le perilleus voiage
Que firent les François à Naples, et l'outrage
Qu'on leur fit à Farnoüe, et des mesmes François
Les combats variés encontre les Anglois,
Et contre les Bretons, et les quereles foles
De nos Princes suivis du Comte de Charoles,
Lors que Mars avila de la France le lôs,
Et que le mont Heri la vit tourner le dôs.
Pa. Fut il present au fait, ou bien s'il ouit dire ?
Pre. Il fut present au fait, et n'a voulu recrire
Sinon ce qu'il a veu, ne pour Duc ne pour Roi
Ne voulut onc trahir de l'histoire la foi.
Pa. De quel estat fut il ? Pre. de gouverner les Princes
Et sage Ambassadeur aus estranges Provinces,
A l'honneur de son maistre, obstiné, travailler,
Et guerrier, pour son maistre, obstiné, batailler.
Pa. Pour avoir joint la plume ensemble avec la lance
Qu'eut il, Prestre, di moi pour toute recompense ?
Pre. Ah fiere ingratitude, il eut contre raison
La haine de son maistre, et six mois de prison.
Pa. E quels maistres eut il ? Pre. Philipes, et l'onsieme
Louis roi des François, et le Roi Charle huitieme :
Un Duc, et deus grands Rois, mais eussent ils encor
Esté plus qu'ils n'estoient riches de gens, et d'or
Eussent ils effroié le monde de leur trope,
Eussent ils tenu seuls les brides de l'Europe :
Si fussent-ils peris, et leur renom fût vain
Sans la vraye faveur de ce noble ecrivain,
Qui vifs hors du tombeau de la mort les delivre,
Et mieus qu'en leur vivant les fait encore vivre.
Or toi quiconque sois qui t'enquestes ainsi,
Si tu n'as plus que faire en cette eglise ici,
Retourne en ta maison, et conte à tes fils, comme
Tu as veu le tombeau du premier Gentilhomme,
Qui d'un coeur vertueus fit à la France voir
Que c'est honneur de joindre aus armes le sçavoir.

Pierre de Ronsard, Le Bocage (1554)

mercredi 5 décembre 2007 | By: Mickaelus

Ronsard : poèmes à quelques grands du royaume à la fin de la Nouvelle Continuation des Amours (1556)


46. SONET

A MADAME LA DUCHESSE DE VALENTINOIS

Jean Clouet, Diane de Poitiers

Seray-je seul vivant en France de vostre age
Sans chanter vostre nom si craint & si puissant ?
Diray-je point l'honneur de vostre beau Croissant ?
Feray-je point pour vous quelqu'immortel ouvrage ?
Ne rendra point Anet quelque beau tesmoignage
Qu'autrefois j'ay vescu en vous obeyssant ?
N'iray-je de mes vers tout le monde emplissant,
Celebrant vostre fille, & tout vostre lignage ?
Commandez moi, Diane, & me ferez honneur,
Si de vostre grandeur je deviens le sonneur,
Vous servant de ma muse à vostre nom vouée :
J'ay peur d'estre accusé de la posterité,
Qui tant oyra parler de vostre Deité,
De quoy, moy la voyant, je ne l'auray louée.


47. SONET

A MONSEIGNEUR LE CONNESTABLE

François Clouet (d'après), Le connétable
Anne de Montmorency


Si desormais le peuple en plaisir delectable,
En dances & festins s'esbat en sa maison,
Et si l'Eglise fait à Dieu son oraison,
Sans que Mars trouble plus son devoir charitable :
L'honneur vous en est deu, sage-preux Connestable,
Qui par vostre bon sens, bon conseil, & raison,
Apres avoir de guerre estainte la saison,
Vous donnez à la France un repos souhetable.
Quand on lira les faits de vous, Mommorency,
Vous aurez pour la guerre & pour la paix aussi
Un los, qui toujours vif volera sur la terre :
Mais plus aurez d'honneur pour avoir fait la paix,
Que pour avoir sous vous cent mille hommes deffaits,
D'autant que la paix est meilleure que la guerre.


48. A LUY MESME

L'an est passé, & jà l'autre commence,
Que je travaille à celebrer voz faits,
Et les combats qu'en la guerre avez faits,
Servant le Pere, & le Fils, & la France :
Et toutesfoys vostre grande puissance
Ne m'a du Roy fait sentir les bienfaits,
Et suis contraint de plier sous le fais,
S'il ne vous plaist en avoir souvenance.
Vous plaise donc me rendre ceste année
Mieux que l'autre an ma Muse fortunée,
Pour vous chanter plus que devant encor.
Ainsi tousjours du Roy le bon visage
Vous favorise, ainsi du vieux Nestor
Sain & dispos puissiez vous avoir l'age.


49. SONET

A MONSEIGNEUR LE DUC D'ANJOU


Germain Le Mannier, Charles IX
roi de France (1550-1574)


Croissez, enfant du Roy le plus grand de l'Europe,
Croissez ainsi qu'un lis dans un pré fleurissant,
Alors qu'au poinct du jour tout blanc s'epanissant
Hors de ses beaux boutons ses beaux plis develope :
Croissez, pour tost conduire une guerriere trope
Dessus la mer Tyrrhene, & d'un bras punissant
Tuer ainsi qu'Hercule un Aigle ravissant,
Qui cruel se repaist du coeur de Parthenope.
Cette maison d'Anjou, dont vous portez le nom,
Maison grosse d'honneur, de gloire, & de renom,
Presques dès le berceau aux guerres vous apelle.
Ainsi le Lyonneau, maugré les pastoureaux,
D'un grand Lyon yssu, sortant de la mammelle,
Pour son premier essay combat les grands Toreaux.


50. SONET

AU ROY


François Clouet (d'après), Henri II,
roi de France (1519-1559)


Roy, qui les autres Roys surmontez de courage,
Ne vous excusez plus desormais sur la guerre,
Que vostre ayeul Francus ne vienne en vostre terre,
Qui durant voz combats differoit son voyage.
Apres la guerre il faut qu'on remette en usage
Les Muses & Phebus, & que leur bande asserre
Des chappeaux de Laurier, de Mirthe, & de l'Ierre,
Pour ceux qui vous feront present d'un bel ouvrage.
En guerre il faut parler d'armes & de harnoys :
En tems de paix, d'esbats, de joustes, de tournois,
De nopces, de festins, d'amour, & de la danse :
Et de chercher quelqu'un pour celebrer voz faits :
Car il vaudroit autant ne les avoir point faits,
Si la posterité n'en avoit cognoissance.


51. SONET

A MADAME MARGUERITE, SEUR DU ROY

François Clouet (atelier), Marguerite de France,
duchesse de Berry, puis de Savoie (1523-1574)


Ny du Roy, ny de vous, ny de mon cher Mecene
Je n'ay de quoy me plaindre, aussi je ne m'en plains,
Seulement de Fortune à bon droit me complains,
Qui ose de vous trois triompher de la peine.
Mais d'où vient que tousjours, douce mere, elle ameine
Des biens aux hommes sots, inutiles, & vains ?
Et que les bons esprits volontiers sont contraints
De la nommer tousjours leur marâtre inhumaine ?
Contre son impudence un espoir me conforte,
C'est qu'elle, qui sans cesse en tous lieux se pourmeine,
Viendra sans y penser, quelque jour à ma porte,
Et maugré qu'elle en ait me sera plus humaine :
Car je suis asseuré qu'elle n'est assez forte
Pour seule veincre un Roy, et vous, et mon Mecene.


52. SONET

A MONSEIGNEUR LE REVERENDISSIME
CARDINAL DE LORREINE


François Clouet, Charles,
cardinal de Lorraine


Delos ne reçoit point d'un si joyeux visage
Apollon, qui revient de Delphes ou de Patere,
Annoncer les secrets de Juppiter son pere,
Quand au bout de six mois il a fait son voiage :
Comme toute la France, apres vostre message,
Joyeuse vous reçoit, vous estime & revere :
S'eba[ï]ssant de voir vostre front si severe,
Si prudent, & si vieil, en la fleur de vostre age.
Apollon et vous seul sçavez interpreter,
L'un les segrets d'un Roy, l'autre de Juppiter :
L'un craint au ciel, & l'autre en la terre habitable :
Tant seulement d'un point vous differez tous deux,
C'est qu'Apollon souvent est obscur & douteux,
Et vous estes tousjours certain & veritable.


53. ODE

A MONSEIGNEUR LE REVERENDISSIME
CARDINAL DE CHASTILLO
N

François Clouet, Odet de Coligny,
Cardinal de Chatillon


Mais d'où vien[t] cela, mon odet ?
Si de fortune par la rue
Quelque courtisan je salue
Ou de la voix, ou du bonnet,
Ou d'un clin d'oeil tant seulement,
De la teste, ou d'un autre geste,
Soudain par serment il proteste
Qu'il est à mon commandement :
Soit qu'il me trouve chez le Roy,
Soit que j'y entre, ou que j'en vienne,
Il met sa main dedans la mienne,
Et jure qu'il est tout à moy :
Il me promet montaignes d'or,
La mer d'or, & toute son onde,
Et si plus grande bourde au monde
Se trouve, il la promet encor'.
Mais quand un affaire de soing
Me presse à luy faire requeste,
Tout soudain il tourne la teste,
Et me delaisse à mon besoing :
Et si je veux le r'aborder
Ou l'acoster en quelque sorte,
Mon courtisan passe une porte
Et ne daigne me regarder :
Et plus je ne luy suis cogneu,
Ny mes vers, ny ma Poësie,
Non plus qu'un estrange d'Asie,
Ou quelqu'un d'Afrique venu.
Mais vous, mon support gracieux,
Mon appuy, mon Prelat, que j'ayme
Mille foys plus, ny que moymesme,
Ny que mon cœur, ny que mes yeux :
Vous ne m'en faittes pas ainsi,
Car si quelque affaire me presse,
Librement à vous je m'adresse,
Qui de mon fait avez soucy :
Vous avez soing de mon honneur,
Et voulez que mon bien prospere,
M'aymant tout ainsi qu'un doux pere,
Et non comme un rude seigneur :
Sans me promettre ces grand mons,
Ny ces grans mers d'or ondoyantes :
Car telles bourdes impudentes
Sont indignes des Chastillons :
La raison (Prelat) je l'entends,
C'est que vous estes veritable,
Et non Courtisan variable,
Qui sert aux faveurs & au temps.


54. ODE

A LA ROYNE D'ESCOSSE


Calixte Serrur, Marie Stuart

O belle & plus que belle & agreable Aurore,
Qui avez delaissé vostre terre Escossoise
Pour venir habiter la region Françoise
Qui de vostre clarté maintenant se decore.
Si j'ay eu cet honneur d'avoir quitté la France
Vogant dessus la mer pour suivre vostre Pere,
Si loing de mon païs, de freres & de mere,
J'ay dans le vostre usé trois ans de mon enfance :
Prenez ces vers en gré, Royne, que je vous donne
Pour fuyr d'un ingrat le miserable vice,
D'autant que je suis né pour faire humble service
A vous, à vostre terre, & à vostre couronne.


Pierre de Ronsard, Nouvelle Continuation des Amours (1556) [dans Les Amours]