samedi 22 décembre 2007 | By: Mickaelus

Commentaire du discours de Latran de Nicolas Sarkozy ou réflexion sur la république et la religion

C’est ce jeudi 20 décembre que nous avons eu droit à une nouvelle performance du premier acteur de France, j’ai nommé Nicolas Sarkozy, président caméléon qui sait s’adapter à toutes les rencontres, à toutes les personnes comme à toutes les situations. Au Palais du Latran, le président de la République, dite française, s’est donc souvenu qu’il était catholique et que les racines catholiques de la France étaient essentielles, tout cela en oubliant au passage, par exemple, sa promotion assidue de l’avortement comme valeur française il n’y a pas si longtemps, ni encore que sa vision syncrétiste de l’histoire est une escroquerie quand c’est la République et ses anti-valeurs qui ont le plus contribué à couper le peuple de France de ses racines catholiques. Cependant je n’en dis pas plus pour l’instant pour ne pas trop anticiper sur le commentaire partiel de quelques morceaux choisis du discours (qu’on peut trouver ici) auquel je vais me livrer ci-dessous en quelques points.

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1. La France et son histoire

« En me rendant ce soir à Saint-Jean de Latran, en acceptant le titre de chanoine d’honneur de cette basilique, qui fut conféré pour la première fois à Henri IV et qui s’est transmis depuis lors à presque tous les chefs d’Etat français, j’assume pleinement le passé de la France et ce lien si particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise. »

Le verbe assumer employé par Nicolas Sarkozy me paraît absolument trop fort en comparaison de son attitude et de ses actes ; au mieux il aurait dû dire qu’il reconnaissait par sa présence le passé de la France. Car c’est bien au passé composé qu’il évoque cette union de la nation française et de l’Eglise qui n’est plus ici que commémorée, commémoration qui n’est plus que formelle. Pire, la vision syncrétiste de l’histoire, qui ferait des souverains français honorés de ce titre de chanoine une suite ininterrompue depuis Henri IV est une bravade mensongère, car c’est la république, incarnée par les chefs d’Etat républicains, qui a désuni la nation et l’Eglise, en 1789, en 1905 – nous y reviendrons. De fait, assumer vraiment la France et sa fondation devrait équivaloir à œuvrer pour la restauration de la monarchie légitime ; tout le reste n’est que vain verbiage.

« C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l‘Eglise. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l’Europe. A de multiples reprises ensuite, tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l’occasion de manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Eglise et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref des premiers Etats pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus ancienne représentation diplomatique. »

Il est bien beau de discourir sur la gloire d’antan et de ne pas évoquer une seule fois les méfaits et blasphèmes actuels – on comprend comme notre époque ne soutient guère la comparaison et comme cela est honteux ! Rappeler que la France en tant que civilisation est fondée à partir de ce baptême de Clovis, préfiguration des sacres royaux à venir, me fait immanquablement venir à l’esprit que c’est la Révolution et la république qui se sont acharnées contre la civilisation française en l’une de ses composantes essentielles, l’Eglise catholique, et contre l’union du trône et de l’autel. Et ce n’est certainement pas la « laïcité positive » (comme ce terme rappelle hideusement celui de « discrimination positive » !), à laquelle je reviendrai, qui y changerait quoi que ce soit.


2. La laïcité

« Tout autant que le baptême de Clovis, la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays. Je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. Je sais que l’interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé. »

C’est, après la première partie du discours, le moment à partir duquel la cohérence commence à se perdre complètement dans un angélisme républicain qui tente de refaire l’histoire au prix de sophismes douteux. Ainsi, placer sur le même plan le baptême de Clovis et la mise en œuvre – basse besogne s’il en fut ! – de la laïcité relève, encore une fois, d’une vision syncrétiste de l’histoire de France complètement erronée : le baptême de Clovis concerne l’histoire de France, la laïcité celle de la Révolution et de la République. Confondre les deux, c’est insulter la mémoire de la France, et faire preuve de schizophrénie à l’endroit de la seconde, car la république ne s’est pas construite dans la continuité du royaume de France, mais contre lui. De plus, il n’est aucunement mentionné dans ce paragraphe pourquoi la laïcité s’est introduite en France ; on a l’impression en lisant ces lignes qu’il s’agirait d’une idée toute belle et universelle qui se serait glissée tout naturellement chez nous. Que les souffrances des catholiques et preux français soient évoquées, c’est sans doute une bonne chose. Mais que les motivations de ces souffrances soient esquivées pour ne pas avoir à endosser ses responsabilités républicaines, c’est une hypocrisie perfide : le vendéen que je suis n’oublie pas !

« Pour autant, il n’est plus contesté par personne que le régime français de la laïcité est aujourd’hui une liberté : liberté de croire ou de ne pas croire, liberté de pratiquer une religion et liberté d’en changer, liberté de ne pas être heurté dans sa conscience par des pratiques ostentatoires, liberté pour les parents de faire donner à leurs enfants une éducation conforme à leurs convictions, liberté de ne pas être discriminé par l’administration en fonction de sa croyance. »

Au risque de décevoir M. le président, je me vois au regret de déclarer que je suis au moins un de ces preux Français de jadis qui remettent en cause la laïcité. Evidemment, si l’on considère les partis politiques, aucun, puisque la démagogie du suffrage universel joue à plein, n’oserait toucher à cette forfaiture révolutionnaire, pas même le MPF de Philippe de Villiers qu’on aurait pu croire un parti catholique réactionnaire, mais qui a au contraire plébiscité la laïcité pendant les dernières présidentielles pour faire barrage à l’islam au lieu de promouvoir l’identité catholique de la France – combat négatif symptomatique de l’impossible combat français et républicain à la fois – tandis que le FN dénonçait l’intégrisme du même Villiers à ce sujet par la voix de Marine Le Pen. Mais en dehors de ces partis du désespoir républicain et de la débâcle défensive, il reste des hommes libres comme les royalistes légitimistes qui osent encore se souvenir de l’union du trône et de l’autel, et d’une époque où l’on disait, sous Louis XIV : cujus regio, ejus religio, soit à chaque Etat sa religion, religion déterminée par celle du roi. En France, cela renvoie évidemment au catholicisme, et s’oppose évidemment aux principes de tolérance religieuse apportés ou plutôt radicalisés par la Révolution. Il est donc important de distinguer France et république, encore une fois.

Toutefois, au-delà de ce petit rappel bienvenu, il convient de critiquer le contenu philosophique et encore une fois faussement angélique de ce paragraphe, qui voudrait nous faire accroire que la laïcité serait un espace de neutralité où la vie citoyenne pourrait s’épanouir. J’ai coutume de dire que si tout se vaut, plus rien ne vaut, et cela s’applique tout particulièrement lorsqu’on tente de nous imposer le dogme révolutionnaire selon lequel que chacun soit son propre étalon moral et religieux puisse entraîner la cohérence nationale et la paix civile. L’histoire nous enseigne pourtant que les anarchistes et frondeurs protestants ont été les premiers à introduire le désordre civil en France, précisément en instaurant une division politique et donc civilisationnelle dans le royaume, et que c’est à Louis XIV que revint l’honneur de les convertir ou de les chasser pour tenter de corriger ce désordre. La leçon à en tirer est qu’une communauté religieuse devrait rester ultra-majoritaire dans le pays au risque d’entraîner des bouleversements politiques, et non pas l’inverse, soit nier le fondement de la France et considérer comme égales toutes les religions au regard de l’identité nationale, ce qui conduit au relativisme le plus chaotique, comme on commence à le sentir au sujet de l’islam aujourd’hui, présent à cause des valeurs républicaines sur notre territoire. Cela vaut pour la cohérence ; il me reste à dire deux mots de la liberté. Oser prétendre que la composition religieuse d’un Etat, à travers ses sujets ou ses citoyens, n’a pas d’influence sur leur pratique religieuse, est un mensonge. On ne sera pas catholique de la même manière sous une république laïque que sous une monarchie catholique ; on ne peut vivre aujourd’hui sa foi catholique dans une république qui promeut l’avortement, la débauche et le veau d’or – la performance économique comme seul dogme politique – et la diversité religieuse, comme on la pouvait vivre sous une monarchie qui définissait clairement des repères catholiques pour la nation. Toute politique relève d’un choix et non pas d’une liberté, et le choix de la république est justement la pire des politiques, celle qui consiste à ne pas faire de choix. Toujours est-il que ce « non-choix » est tout de même une politique arbitraire, celle d’imposer cette laïcité et ce régime du relativisme, tout comme sous la monarchie l’union du trône et de l’autel était un autre choix. La conclusion est donc simple : la république œuvre pour un autre dogme, une autre civilisation, mais ne fait pas preuve de plus de liberté. C’est d’un « autrement » qu’il s’agit et pas d’un « plus librement ».

« La France a beaucoup changé. Les Français ont des convictions plus diverses qu’autrefois. Dès lors la laïcité s’affirme comme une nécessité et une chance. Elle est devenue une condition de la paix civile. »

J’ai déjà dit pourquoi dans le paragraphe précédant faire de la laïcité une condition de la paix civile est une aberration : c’est, dans le contexte de la diversité religieuse d’une nation, vouloir éviter une petite guerre et de petits désagréments, mais c’est plus sûrement récolter un chaos intégral plus tard au niveau spirituel et moral. Nous en avons déjà les prémisses en république dite française.

Mais le plus intéressant dans ce court paragraphe est la façon dont il est déclaré, si solennellement, que la laïcité serait une nécessité, quand on ne veut pas se souvenir dans quelles conditions elle a émergé. Car on semble sous-entendre ici que c’est la diversité religieuse des Français qui aurait rendu inévitable l’instauration de la laïcité : voilà un bien vilain mensonge ! Au moment où la Révolution française a éclaté et que le peuple a été manipulé, le pays était encore catholique et cela de manière écrasante. Et pourtant, tous les fondamentaux du relativisme religieux étaient déjà établis dans la déclaration des droits de l’homme, texte anti-français s’il en est au regard de l’identité de la civilisation française et de l’union du trône et de l’autel. M. Sarkozy serait donc honnête s’il voulait bien rappeler à son souvenir que les méfaits de la république puis de son auxiliaire totalitaire l’éducation nationale maçonnique, ont accompli la déchristianisation d’un pays qui serait resté lui-même sous une monarchie catholique. C’est donc la république qui a forcé la laïcisation du pays, certainement pas les Français de la France profonde.

« Cela étant, la laïcité ne saurait être la négation du passé. Elle n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je considère qu’une nation qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d’histoire, de patrimoine, d’art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, et dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire. »

La laïcité n’a effectivement pas le pouvoir de changer ce que la France a été dans l’histoire, comment sa civilisation a rayonné sous l’égide du trône et de l’autel. Toutefois M. Sarkozy, malgré toute sa malhonnêteté et toute son hypocrisie, n’a pas non plus le pouvoir de redéfinir les concepts ni les lois du monde des idées, et ne peut donc affirmer sans une insigne mauvaise foi que la laïcité n’est pas une négation. A lui qui affectionne tant ce mot, osons rappeler que la laïcité est bien une rupture avec la civilisation française, et que ceux qui la promeuvent, et dont il est, ne peuvent réclamer la défense d’une identité nationale française. La seule institution qui pourrait faire barrage à la diversité actuelle, la contenir, et rappeler sans cesse un visage positif, affirmé, de la France (c’est au prix de son affirmation qu’une civilisation peut en imposer à ses minorités), serait la monarchie catholique. La république, qui est en elle-même un relativisme, en est incapable. M. Sarkozy rappelle l’importance de la mémoire, mais une mémoire qui n’est que vain verbiage n’est qu’un affront lancé aux mânes des ancêtres.


3. Religion et république ; espoir et avenir

« Ma conviction profonde, dont j’ai fait part notamment dans ce livre d’entretiens que j’ai publié sur la République, les religions et l’espérance, c’est que la frontière entre la foi et la non-croyance n’est pas et ne sera jamais entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, parce qu’elle traverse en vérité chacun de nous. Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même temps qu’il ne s’interroge pas sur l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale. »

C’est sans doute là le point le plus positif de ce discours, qui tend à montrer que le fait religieux et la foi concernent tout le monde, et cela me conduirait à développer pour ma part, en un autre contexte, que tout Français serait mieux loti sous une monarchie catholique gérée selon le droit naturel que sous une république muette au sujet de l’espérance, et qui, pire, la craint. Il n’empêche que, et cela n’est pas étonnant, Nicolas Sarkozy parle de foi et d’espérance de façon syncrétiste et place toutes les religions au même niveau – tout en feignant une considération particulière pour le catholicisme comme l’avait fait Napoléon, premier simulateur d’homme d’ordre, en son temps – ce qui est plus que confus quand on songe à la référence à l’identité nationale et à l’importance de la mémoire plus haut dans le discours.

« Or, longtemps la République laïque a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle. Même après le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège, elle s’est montrée plus méfiante que bienveillante à l’égard des cultes. Chaque fois qu’elle a fait un pas vers les religions, qu’il s’agisse de la reconnaissance des associations diocésaines, de la question scolaire, des congrégations, elle a donné le sentiment qu’elle agissait parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement. Ce n’est qu’en 2002 qu’elle a accepté le principe d’un dialogue institutionnel régulier avec l’Eglise catholique. Qu’il me soit également permis de rappeler les critiques virulentes dont j’ai été l’objet au moment de la création du Conseil français du culte musulman. Aujourd’hui encore, la République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refuse de reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative ou aux moyens de communication des Eglises, répugne à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholique alors que la Convention de Bologne le prévoit, n’accorde aucune valeur aux diplômes de théologie. »

Ici s’affirme le plus clairement dans le discours la ligne politique de Nicolas Sarkozy, qui tranche avec celle de tous ses adversaires. D’une part il veut accentuer la participation du fait religieux et de la foi dans la vie publique, mais d’autre part il prend toujours soin de citer les religions, en contradiction avec l’identité nationale catholique. De fait, il est difficile de délimiter ce qui est le plus dangereux : ou bien une participation plus intense de toutes les religions à la vie publique – y compris l’islam, c’est le problème majeur, ou bien une présence plus discrète, communautarisée, des religions sur le territoire. Les partis dits de droite dure, réactionnaires ou d’extrême droite sont loin de jouer leur rôle dans cette problématique : le manque d’une offre politique royaliste légitimiste se fait ici singulièrement sentir, quand il faudrait choisir entre le multiculturalisme de l’UMP, la laïcité contraignante de la gauche ou la repentance inavouée des réactionnaires et nationalistes des partis républicains tels que le MPF, le FN ou le MNR. Car que la religion catholique soit une religion comme une autre – pour l’UMP – ou une religion à proscrire – sauce gauche plurielle – n’est pas acceptable : il n’y a qu’une institution telle que la monarchie catholique qui pourrait supporter victorieusement, par la force de sa cohérence, le poids d’une diversité française grandissante. A ce jeu-là, il y a fort à parier que la république se cassera les reins.

« Et puis je veux dire également que, s’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité. Comme l’écrivait Joseph Ratzinger dans son ouvrage sur l‘Europe, « le principe qui a cours maintenant est que la capacité de l’homme soit la mesure de son action. Ce que l’on sait faire, on peut également le faire ». A terme, le danger est que le critère de l’éthique ne soit plus d’essayer de faire ce que l’on doit faire, mais de faire ce que l’on peut faire. C’est une très grande question. »

Il s’agit là d’une question on ne peut plus intéressante effectivement ! Je ne sais pas si Nicolas Sarkozy en a eu le soupçon en prononçant cette partie de son discours, mais il s’agit, pour peu qu’on la développe, d’un réquisitoire potentiellement terrible contre notre république dite française. Tout d’abord, quand il forme le vœu que s’exprime au sein de la République une morale inspirée de la religion, il a mille fois raison, mais que ne comprend-il pas que ce qu’il réclame existait sous la monarchie catholique quand, sous l’union du trône et de l’autel, tandis que l’autel s’occupait de la dimension spirituelle de l’être humain, le temporel, soit le trône, par sa liaison avec l’autel, devenait la garantie du droit naturel ? Ensuite, quand il est question de l’épuisement et de la relativité de la morale laïque – disons plutôt d’un simulâcre de morale essayé vainement par les faibles lumières de l’homme – et de l’absence de lien avec la transcendance, comment ne pas songer au sacre des rois de France qui faisait du Roi Très Chrétien un lieutenant du Christ, sacre qui liait la France et son gouvernement à la transcendance catholique ? Comment ne pas concevoir dans la peur de la faillibilité humaine la faiblesse d’un parlement qui peut voter des lois contraires au droit naturel, comme l’avortement et l’union homosexuelle ? Ce que réclame Nicolas Sarkozy, c’est donc la monarchie catholique ; on attend donc avec impatience qu’il propose Louis XX aux Français.

« C’est pourquoi j’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. Il ne s’agit pas de modifier les grands équilibres de la loi de 1905. Les Français ne le souhaitent pas et les religions ne le demandent pas. Il s’agit en revanche de rechercher le dialogue avec les grandes religions de France et d’avoir pour principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt que de chercher à la leur compliquer. »

Ce paragraphe a tôt fait de nous ramener sur terre ; Nicolas Sarkozy, comme tous les républicains, fait bon marché de la cohérence de sa pensée. Il retourne à ses vieux démons, dénoncés plus haut, à savoir une liberté laïque qui n’existe pas – toute politique est un choix et non une liberté comme je l’ai écrit ci-dessus – et une diversité religieuse au sommet de l’Etat qui nie la fondation de la France et l’identité de sa civilisation.

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En conclusion, il y a dans ce texte de quoi comprendre que la gauche ait été ennuyée par le discours syncrétiste de Nicolas Sarkozy, qui est plus dans la tradition bonapartiste que dans la pure tradition républicaine : on y trouve une volonté d’instrumentalisation active de la religion au service de la république – ce qui est appelé laïcité positive – et non pas une soumission totale et passive, comme on en a plus l’habitude à gauche, quand il ne s’agit pas d’une hostilité pure et simple – excepté le cas de l’islam utilisé contre les réactionnaires français mais pas aimé en soi pour autant. On reste évidemment très loin d’une inscription sincère et véritable dans la civilisation française, dont la constante s’est trouvée affirmée par l’union intelligente du trône et de l’autel et par le sacre du roi de France. Si Nicolas Sarkozy voulait vraiment défendre, comme il prétend dans ces quelques lignes, les racines de la France, sa mémoire, une liberté qui se ferait sous l’égide d’un catholicisme majoritaire, il serait royaliste et non républicain. La république, régime de la relativité et de la négation de la mémoire française, n’est pas apte à maintenir une cohérence nationale et civilisationnelle.

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