jeudi 30 octobre 2008 | By: Mickaelus

Mes principes politiques légitimistes



Ce blog défend le royaume de France incarné souverainement par le roi Très-Chrétien, fils aîné de l'Église, la tradition monarchique légitimiste contre-révolutionnaire ; il a pour but de promouvoir l'âme, les valeurs et les traditions de la civilisation française. Plus précisément, je revendique ces quelques valeurs et quelques notions essentielles :


  • La France en tant que civilisation naît lors du baptême de Clovis, roi des Francs qui prend en héritage une partie de la défunte romanité tout en étendant son autorité sur un territoire comparable à la France, bien que l'unification finale soit le fait des Capétiens après maints combats.

  • Le royaume de France gouverné par le roi fils aîné de l'Église ne peut demeurer lui-même que si la religion catholique est la religion de l'État, comme cela était le cas dans l'Empire romain avant sa chute et telle qu'elle l'a été de Clovis à Louis XVI, et jusqu'à la Restauration (1814, 1815-1830) sous Louis XVIII et Charles X.

  • Les règles de succession à la tête de la royauté française sont régies par la loi salique et les lois fondamentales, perfectionnées sous les Capétiens pour corriger les défauts dommageables des Mérovingiens et Carolingiens de ce point de vue. La révolution française n'a aucune vertu pour abroger les lois fondamentales ; le roi de France légitime est donc Louis Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou, dit Louis XX.

  • Comme le savait Louis XIV, le roi de France est le premier serviteur de la France et donc de sa tradition, en vertu de quoi il n'a pas le droit de changer cette tradition comme cela s'est fait dans les monarchies européennes actuelles. C'est pourquoi Louis XVI est mort sur l'échafaud : pour n'avoir pas voulu d'une monarchie parlementaire. Le sacre du roi l'engage de plus envers Dieu, selon l'expression bien connue de "monarchie de droit divin".

  • La monarchie française repose sur l'alliance du trône et de l'autel (dont les pouvoirs sont distingués mais non séparés), la défense de l'indépendance nationale contre les dangers de l'intérieur comme de l'extérieur, un pouvoir suprême indépendant et sans liens (signification de la "monarchie absolue"). La monarchie française est donc incompatible avec l'européisme et avec la démocratie intégrale.

  • La monarchie française, en vertu de la nécessaire indépendance du pouvoir du roi, ne peut s'accommoder d'une assemblée nationale qui se veut un concurrent en terme de pouvoir et un héritage du jacobinisme centralisateur. Seuls des parlements de province aux compétences limitées et une démocratie locale sont envisageables dans une monarchie traditionnelle.
jeudi 23 octobre 2008 | By: Mickaelus

"Les chevaliers errants", par Victor Hugo

Martin Wiegand, Parzival


LES CHEVALIERS ERRANTS

La terre a vu jadis errer des paladins ;
Ils flamboyaient ainsi que des éclairs soudains,
Puis s'évanouissaient, laissant sur les visages
La crainte, et la lueur de leurs brusques passages ;
Ils étaient, dans des temps d'oppression, de deuil,
De honte, où l'infamie étalait son orgueil,
Les spectres de l'honneur, du droit, de la justice ;
Ils foudroyaient le crime, ils souffletaient le vice ;
On voyait le vol fuir, l'imposture hésiter,
Blêmir la trahison, et se déconcerter
Toute puissance injuste, inhumaine, usurpée,
Devant ces magistrats sinistres de l'épée ;
Malheur à qui faisait le mal ! Un de ces bras
Sortait de l'ombre avec ce cri : "Tu périras !"
Contre le genre humain et devant la nature,
De l'équité suprême ils tentaient l'aventure ;
Prêts à toute besogne, à toute heure, en tout lieu,
Farouches, ils étaient les chevaliers de Dieu.

Ils erraient dans la nuit ainsi que des lumières.

Leur seigneurie était tutrice des chaumières ;
Ils étaient justes, bons, lugubres, ténébreux ;
Quoique gardé par eux, quoique vengé par eux,
Le peuple en leur présence avait l'inquiétude
De la foule devant la pâle solitude ;
Car on a peur de ceux qui marchent en songeant,
Pendant que l'aquilon, du haut des cieux plongeant,
Rugit, et que la pluie épand à flots son urne
Sur leur tête entrevue au fond du bois nocturne.

Ils passaient effrayants, muets, masqués de fer.

Quelques-uns ressemblaient à des larves d'enfer ;
Leurs cimiers se dressaient difformes sur leurs heaumes,
On ne savait jamais d'où sortaient ces fantômes ;
On disait : "Qui sont-ils ? d'où viennent-ils ? Ils sont
Ceux qui punissent, ceux qui jugent, ceux qui vont."
Tragiques, ils avaient l'attitude du rêve.
Ô les noirs chevaucheurs ! ô les marcheurs sans trêve !
Partout où reluisait l'acier de leur corset,
Partout où l'un d'eux, calme et grave, apparaissait
Posant sa lance au coin ténébreux de la salle,
Partout où surgissait leur ombre colossale,
On sentait la terreur des pays inconnus ;
Celui-ci vient du Rhin ; celui-là du Cydnus ;
Derrière eux cheminait la Mort, squelette chauve ;
Il semblait qu'aux naseaux de leur cavale fauve
On entendît la mer ou la forêt gronder ;
Et c'est aux quatre vents qu'il fallait demander
Si ce passant était roi d'Albe ou de Bretagne,
S'il sortait de la plaine ou bien de la montagne,
S'il avait triomphé du maure, ou du chenil
Des peuples monstrueux qui hurlent près du Nil ;
Quelle ville son bras avait prise ou sauvée ;
De quel monstre il avait écrasé la couvée.

Les noms de quelques-uns jusqu'à nous sont venus ;
Ils s'appelaient Bernard, Lahire, Eviradnus ;
Ils avaient vu l'Afrique ; ils éveillaient l'idée
D'on ne sait quelle guerre effroyable en Judée,
Rois dans l'Inde, ils étaient en Europe barons ;
Et les aigles, les cris des combats, les clairons,
Les batailles, les rois, les dieux, les épopées,
Tourbillonnaient dans l'ombre au vent de leurs épées ;
Qui les voyait passer à l'angle de son mur
Pensait à ces cités d'or, de brume et d'azur,
Qui font l'effet d'un songe à la foule effarée :
Tyr, Héliopolis, Solyme, Césarée.
Ils surgissaient du sud ou du septentrion,
Portant sur leur écu l'hydre ou l'alérion,
Couverts des noirs oiseaux du taillis héraldique,
Marchant seuls au sentier que le devoir indique,
Ajoutant au bruit sourd de leur pas solennel
La vague obscurité d'un voyage éternel,
Ayant franchi les flots, les monts, les bois horribles,
Ils venaient de si loin, qu'ils en étaient terribles ;
Et ces grands chevaliers mêlaient à leurs blasons
Toute l'immensité des sombres horizons.

Victor Hugo, La Légende des siècles - Les Petites Epopées (1859)

mercredi 22 octobre 2008 | By: Mickaelus

Tableaux de Charlemagne (742-814), roi des Francs, roi des Lombards et empereur d'Occident

Louis Félix Amiel, Charlemagne,
Empereur d'Occident (742-814)

Charles Ier le Grand ou Charlemagne

Albrecht Dürer, Charlemagne

Jean Alaux dit le Romain, Charlemagne,
Empereur d'Occident (742-814)

Charlemagne et Louis le Pieux, Grandes Chroniques de France (XIV-XVe s.)

Charlemagne et le pape Adrien Ier

Charlemagne entre les papes Gélase Ier et Grégoire Ier

Couronnements

Claude Jacquand dit Claudius Jacquand, Charlemagne couronné
roi d'Italie à Milan. 774

Raphaël, Le couronnement de Charlemagne

Carlo Martello, Charlemagne couronné par Léon III

Le 25 décembre de l'an 800, à Saint-Pierre de Rome, Charlemagne est couronné empereur par le pape Léon III. Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460

Événements divers

Paul Delaroche, Charlemagne traverse les Alpes. 773

Eugène Roger, Charlemagne traverse les Alpes. 773

Hippolyte Lecomte, Charlemagne
passe les Alpes

Ary Scheffer, Charlemagne présente ses premiers
capitulaires à l'assemblée des Francs. 779

Jules Laure, d'après Victor Schnetz, Alcuin présenté à
Charlemagne. 780

Victor Schnetz, Charlemagne, entouré de ses principaux officiers,
reçoit Alcuin qui lui présente des manuscrits, ouvrages de ses moines

Gillot Saint-Evre, Charlemagne établissant
Alcuin au Louvre, 780

Ary Scheffer, Charlemagne reçoit à Paderborn la soumission
de Witikind. 785

Julius Köckert (Koeckert), Hârûn ar-Rachid reçoit une
délégation de Charlemagne

Jacob I Jordaens, Hommage du calife Haroun Al Raschid
à Charlemagne

lundi 20 octobre 2008 | By: Mickaelus

Le combat de Roland de Roncevaux contre Olivier, par Victor Hugo

Ce poème, sans doute écrit en 1846, s'inspire non pas de La Chanson de Roland mais d'un extrait d'une autre chanson de geste, Girart de Vienne, publié dans Le Journal du Dimanche par Jubinal, où se trouve un duel entre Roland et Olivier. Le Roland de la Chanson ne sera connu de Hugo et d'un certain public qu'en 1852 grâce à une traduction parue dans la Revue de Paris.


LE MARIAGE DE ROLAND

Ils se battent - combat terrible ! - corps à corps.
Voilà déjà longtemps que leurs chevaux sont morts ;
Ils sont là seuls tous deux dans une île du Rhône,
Le fleuve à grand bruit roule un flot rapide et jaune,
Le vent trempe en sifflant les brins d'herbe dans l'eau.
L'archange saint Michel attaquant Apollo
Ne ferait pas un choc plus étrange et plus sombre ;
Déjà, bien avant l'aube, ils combattaient dans l'ombre.
Qui, cette nuit, eût vu s'habiller ces barons,
Avant que la visière eût dérobé leurs fronts,
Eût vu deux pages blonds, roses comme des filles.
Hier, c'étaient deux enfants riant à leurs familles,
Beaux, charmants ; - aujourd'hui, sur ce fatal terrain,
C'est le duel effrayant de deux spectres d'airain,
Deux fantômes auxquels le démon prête une âme,
Deux masques dont les trous laissent voir de la flamme.
Ils luttent, noirs, muets, furieux, acharnés.
Les bateliers pensifs qui les ont amenés,
Ont raison d'avoir peur et de fuir dans la plaine,
Et d'oser, de bien loin, les épier à peine,
Car de ces deux enfants, qu'on regarde en tremblant,
L'un s'appelle Olivier et l'autre a nom Roland.

Et, depuis qu'ils sont là, sombres, ardents, farouches,
Un mot n'est pas encor sorti de ces deux bouches.

Olivier, sieur de Vienne et comte souverain,
A pour père Gérard et pour aïeul Garin.
Il fut pour ce combat habillé par son père.
Sur sa targe est sculpté Bacchus faisant la guerre
Aux Normands, Rollon ivre et Rouen consterné,
Et le dieu souriant par des tigres traîné
Chassant, buveur de vin, tous ces buveurs de cidre.
Son casque est enfoui sous les ailes d'une hydre ;
Il porte le haubert que portait Salomon ;
Son estoc resplendit comme l'œil d'un démon ;
Il y grava son nom afin qu'on s'en souvienne ;
Au moment du départ, l'archevêque de Vienne
A béni son cimier de prince féodal.

Roland a son habit de fer, et Durandal.

Ils luttent de si près avec de sourds murmures,
Que leur souffle âpre et chaud s'empreint sur leurs armures ;
Le pied presse le pied ; l'île à leurs noirs assauts
Tressaille au loin ; l'acier mord le fer ; des morceaux
De heaume et de haubert, sans que pas un s'émeuve,
Sautent à chaque instant dans l'herbe et dans le fleuve,
Leurs brassards sont rayés de longs filets de sang
Qui coule de leur crâne et dans leurs yeux descend.
Soudain, sire Olivier, qu'un coup affreux démasque,
Voit tomber à la fois son épée et son casque.
Main vide et tête nue, et Roland l'œil en feu !
L'enfant songe à son père et se tourne vers Dieu.
Durandal sur son front brille. Plus d'espérance !
"Cà, dit Roland, je suis neveu du roi de France,
Je dois me comporter en franc neveu de roi.
Quand j'ai mon ennemi désarmé devant moi,
Je m'arrête. Va donc chercher une autre épée,
Et tâche, cette fois, qu'elle soit bien trempée.
Tu feras apporter à boire en même temps,
Car j'ai soif.

- Fils, merci, dit Olivier.

- J'attends,
Dit Roland, hâte-toi."

Sire Olivier appelle
Un batelier caché derrière une chapelle.

"Cours à la vile, et dis à mon père qu'il faut
Une autre épée à l'un de nous, et qu'il fait chaud."

Cependant les héros, assis dans les broussailles,
S'aident à délacer leurs capuchons de mailles,
Se lavent le visage et causent un moment.
Le batelier revient ; il a fait promptement ;
L'homme a vu le vieux comte ; il rapporte une épée
Et du vin, de ce vin qu'aimait le grand Pompée
Et que Tournon récolte au flanc de son vieux mont.
L'épée est cette illustre et fière Closamont
Que d'autres quelquefois appellent Haute-Claire.
L'homme a fui. Les héros achèvent sans colère
Ce qu'ils disaient ; le ciel rayonne au-dessus d'eux ;
Olivier verse à voire à Roland ; puis tous deux
Marchent droit l'un vers l'autre, et le duel recommence.
Voilà que par degrés de sa sombre démence
Le combat les enivre ; il leur revient au cœur
Ce je ne sais quel dieu qui veut qu'on soit vainqueur,
Et qui, s'exaspérant aux armures frappées,
Mêle l'éclair des yeux aux lueurs des épées.

Ils combattent, versant à flots leur sang vermeil.
Le jour entier se passe ainsi. Mais le soleil
Baisse vers l'horizon. La nuit vient.

"Camarade,
Dit Roland, je ne sais, mais je me sens malade.
Je ne me soutiens plus, et je voudrais un peu
De repos.

- Je prétends, avec l'aide de Dieu,
Dit le bel Olivier, le sourire à la lèvre,
Vous vaincre par l'épée et non point par la fièvre.
Dormez sur l'herbe verte, et cette nuit, Roland,
Je vous éventerai de mon panache blanc.
Couchez-vous, et dormez.

- Vassal, ton âme est neuve,
Dit Roland. Je riais, je faisais une épreuve.
Sans m'arrêter et sans me reposer, je puis
Combattre quatre jours encore, et quatre nuits."

Le duel reprend. La mort plane, le sang ruisselle.
Durandal heurte et suit Closamont ; l'étincelle
Jaillit de toutes parts sous leurs coups répétés.
L'ombre autour d'eux s'emplit de sinistres clartés.
Ils frappent ; le brouillard du fleuve monte et fume ;
Le voyageur s'effraye et croit voir dans la brume
D'étranges bûcherons qui travaillent la nuit.

Le jour naît, le combat continue à grand bruit ;
La pâle nuit revient, ils combattent ; l'aurore
Reparaît dans les cieux, ils combattent encore.

Nul repos. Seulement, vers le troisième soir,
Sous un arbre, en causant, ils sont allés s'asseoir ;
Puis ont recommencé.

Le vieux Gérard dans Vienne
Attend depuis trois jours que son enfant revienne.
Il envoie un devin regarder sur les tours ;
Le devin dit : "Seigneur, ils combattent toujours."

Quatre jours sont passés, et l'île et le rivage
Tremblent sous ce fracas monstrueux et sauvage.
Ils vont, viennent, jamais fuyant, jamais lassés,
Froissent le glaive au glaive et sautent les fossés,
Et passent, au milieu des ronces remuées,
Comme deux tourbillons et comme deux nuées.
Ô chocs affreux ! terreur ! tumulte étincelant !
Mais, enfin, Olivier saisit au corps Roland
Qui de son propre sang en combattant s'abreuve,
Et jette d'un revers Durandal dans le fleuve.

"C'est mon tour maintenant, et je vais envoyer
Chercher un autre estoc pour vous, dit Olivier.
Le sabre du géant Sinnagog est à Vienne.
C'est, après Durandal, le seul qui vous convienne.
Mon père le lui prit alors qu'il le défit.
Acceptez-le."

Roland sourit. "Il me suffit
De ce bâton." Il dit, et déracine un chêne.

Sire Olivier arrache un orme dans la plaine
Et jette son épée, et Roland, plein d'ennui,
L'attaque. Il n'aimait pas qu'on vînt faire après lui
Les générosités qu'il avait déjà faites.

Plus d'épée en leurs mains, plus de casque à leurs têtes.
Ils luttent maintenant, sourds, effarés, béants,
A grands coups de troncs d'arbre, ainsi que des géants.

Pour la cinquième fois, voici que la nuit tombe.
Tout à coup, Olivier, aigle aux yeux de colombe,
S'arrête, et dit :

"Roland, nous n'en finirons point.
Tant qu'il nous restera quelque tronçon au poing,
Nous lutterons ainsi que lions et panthères.
Ne vaudrait-il pas mieux que nous devinssions frères ?
Écoute, j'ai ma sœur, la belle Aude au bras blanc,
Épouse-là.

- Pardieu ! je veux bien, dit Roland.
Et maintenant buvons, car l'affaire était chaude."

C'est ainsi que Roland épousa la belle Aude.

Victor Hugo, La Légende des siècles - Les Petites Epopées (1859)

mardi 7 octobre 2008 | By: Mickaelus

Charles d'Orléans : La Complainte de France

Charles d'Orléans (1394-1465) est un prince de France - petit-fils (Charles V), cousin (Charles VII), neveu (Charles VI) et père (Louis XII) de rois de France- au destin bien singulier. En effet, lors de la Guerre de Cent ans, il fut fait prisonnier à la tristement célèbre bataille d'Azincourt en 1415 et est resté captif vingt-cinq ans en Angleterre (comme d'autres grands personnages du royaume, ainsi le duc de Bourbon, avec qui il séjourna à Douvres, évoquée dans la ballade, en mai 1433). C'est pourtant à cet événement fatal pour les ambitions politiques que pouvaient nourrir le duc que nous devons son œuvre poétique, qui s'inscrit de belle façon dans la tradition lyrique et courtoise. On y peut lire les effets du temps qui passe et de l'éloignement, l'histoire du rapport avec le Seigneur Amour et bien d'autres comme Bon Espoir, Dangier, Confort, Beauté, Nonchaloir, etc. A propos d'éloignement justement, et bien que le recueil de Charles d'Orléans traite beaucoup d'amour, le duc n'en oublie pas moins sa douce France, ainsi dans la ballade qui suit.

Illustration d'un recueil de poèmes du duc d'Orléans
commémorant son emprisonnement dans la Tour de Londres



Balade 98

En regardant vers le païs de France,
Un jour m'avint a Dovre sur la mer
Qu'il me souvint de la doulce plaisance
Que souloye ou dit paÿs trouver.
Si commençay de cueur a souspirer,
Combien certes que grant bien me faisoit
De voir France que mon cueur amer doit.

Ie m'avisay que c'estoit non savance
De telz souspirs dedens mon cueur garder,
Veu que je voy que la voye commence
De bonne paix qui tous biens peut donner.
Pource tournay en confort mon penser,
Mais non pourtant mon cueur ne se lassoit
De voir France que mon cueur amer doit.

Alors chargay en la nef d'esperance
Tous mes souhaitz, en les priant d'aler
Oultre la mer sans faire demourance
Et a France de me recommander.
Or nous doint Dieu bonne paix sans tarder !
Adonc auray loisir, mais qu'ainsi soit,
De voir France que mon cueur amer doit.

L'envoy

Paix est tresor qu'on ne peut trop loer.
Je hé guerre, point ne la doy prisier ;
Destourbé m'a long temps, soit tort ou droit,
De voir France que mon cueur amer doit.

Charles d'Orléans, Ballades et rondeaux


A lire aussi sur le thème de l'éloignement et de l'amour de la France : Du Bellay : son amour de la France dans Les Regrets