Charles d'Orléans (1394-1465) est un prince de France - petit-fils (Charles V), cousin (Charles VII), neveu (Charles VI) et père (Louis XII) de rois de France- au destin bien singulier. En effet, lors de la Guerre de Cent ans, il fut fait prisonnier à la tristement célèbre bataille d'Azincourt en 1415 et est resté captif vingt-cinq ans en Angleterre (comme d'autres grands personnages du royaume, ainsi le duc de Bourbon, avec qui il séjourna à Douvres, évoquée dans la ballade, en mai 1433). C'est pourtant à cet événement fatal pour les ambitions politiques que pouvaient nourrir le duc que nous devons son œuvre poétique, qui s'inscrit de belle façon dans la tradition lyrique et courtoise. On y peut lire les effets du temps qui passe et de l'éloignement, l'histoire du rapport avec le Seigneur Amour et bien d'autres comme Bon Espoir, Dangier, Confort, Beauté, Nonchaloir, etc. A propos d'éloignement justement, et bien que le recueil de Charles d'Orléans traite beaucoup d'amour, le duc n'en oublie pas moins sa douce France, ainsi dans la ballade qui suit.
Illustration d'un recueil de poèmes du duc d'Orléans
commémorant son emprisonnement dans la Tour de Londres
commémorant son emprisonnement dans la Tour de Londres
Balade 98
En regardant vers le païs de France,
Un jour m'avint a Dovre sur la mer
Qu'il me souvint de la doulce plaisance
Que souloye ou dit paÿs trouver.
Si commençay de cueur a souspirer,
Combien certes que grant bien me faisoit
De voir France que mon cueur amer doit.
Ie m'avisay que c'estoit non savance
De telz souspirs dedens mon cueur garder,
Veu que je voy que la voye commence
De bonne paix qui tous biens peut donner.
Pource tournay en confort mon penser,
Mais non pourtant mon cueur ne se lassoit
De voir France que mon cueur amer doit.
Alors chargay en la nef d'esperance
Tous mes souhaitz, en les priant d'aler
Oultre la mer sans faire demourance
Et a France de me recommander.
Or nous doint Dieu bonne paix sans tarder !
Adonc auray loisir, mais qu'ainsi soit,
De voir France que mon cueur amer doit.
L'envoy
Paix est tresor qu'on ne peut trop loer.
Je hé guerre, point ne la doy prisier ;
Destourbé m'a long temps, soit tort ou droit,
De voir France que mon cueur amer doit.
Charles d'Orléans, Ballades et rondeaux
A lire aussi sur le thème de l'éloignement et de l'amour de la France : Du Bellay : son amour de la France dans Les Regrets
En regardant vers le païs de France,
Un jour m'avint a Dovre sur la mer
Qu'il me souvint de la doulce plaisance
Que souloye ou dit paÿs trouver.
Si commençay de cueur a souspirer,
Combien certes que grant bien me faisoit
De voir France que mon cueur amer doit.
Ie m'avisay que c'estoit non savance
De telz souspirs dedens mon cueur garder,
Veu que je voy que la voye commence
De bonne paix qui tous biens peut donner.
Pource tournay en confort mon penser,
Mais non pourtant mon cueur ne se lassoit
De voir France que mon cueur amer doit.
Alors chargay en la nef d'esperance
Tous mes souhaitz, en les priant d'aler
Oultre la mer sans faire demourance
Et a France de me recommander.
Or nous doint Dieu bonne paix sans tarder !
Adonc auray loisir, mais qu'ainsi soit,
De voir France que mon cueur amer doit.
L'envoy
Paix est tresor qu'on ne peut trop loer.
Je hé guerre, point ne la doy prisier ;
Destourbé m'a long temps, soit tort ou droit,
De voir France que mon cueur amer doit.
Charles d'Orléans, Ballades et rondeaux
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1 commentaires:
C'est magnifique, merci beaucoup pour ce texte.
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