samedi 25 août 2007 | By: Mickaelus

Tableaux de Louis IX, dit Saint Louis, en croisade

Georges Rouget, Débarquement de Saint Louis en Egypte. 4 juin 1249

Oscar Gué, Saint Louis reçoit à Damiette le patriarche de Jérusalem. 1249

François Marius Granet, Saint Louis délivrant des prisonniers français à Damiette

Guillaume Guillon Lethière, Héroïque fermeté de Saint Louis à Damiette. Mai 1250

Jean-baptiste Jouvenet, Saint Louis soignant les blessés après la bataille de Mansourah. 1250

Le débarquement de saint Louis en Terre sainte

Georges Rouget, Saint Louis reçoit à Ptolémaïs les envoyés du vieux de la montagne. 1251

Guillaume Guillon Lethière, Saint Louis visitant les pestiférés dans les plaines de Carthage

Charles Meynier, Saint Louis recevant le viatique. 1270

Georges Rouget, Mort de Saint Louis devant Tunis. 25 août 1270

mardi 21 août 2007 | By: Mickaelus

Une critique littéraire antifrançaise contre les épopées françaises chrétiennes du XVIIème siècle

Si les historiens et les politiques amoureux de la France et de sa tradition ont souvent à se plaindre de la partialité avec laquelle sont traitées nombre de périodes historiques dès lors que leurs valeurs ne vont pas dans le sens du politiquement correct actuel - ce qui concerne au moins toute la période pré-révolutionnaire, on pense peut-être moins spontanément au domaine des lettres françaises dont la critique est moins sujette à la surexposition médiatique. Ce n'est pourtant pas qu'on s'y gène beaucoup parfois, comme en témoigne le cas que je vais vous faire partager, et qu'on peut relier à l'article sur les épopées françaises et chrétiennes du XVIIème siècle déjà publié sur ce blog et qu'on consultera pour avoir un aperçu de ces épopées. Il s'agit d'un commentaire plus que partial d'une certaine Odile Biyidi dans une Histoire de la littérature française parue chez Larousse en 2000, dans la section XVIIème siècle de l'ouvrage dont elle est chargée.

Mme Biyidi, après avoir rappelé que "suivant le prestigieux exemple de l'Enéide, Richelieu rêvait d'une épopée nationale" (p. 336) et nous avoir mentionné quelques-unes des épopées écrites par un "groupe de ses protégés" (on sent déjà sous-entendue la critique des écrivains serviles et dépendants du pouvoir royal, quand l'historien François Bluche disait au contraire dans ses travaux sur le Grand Siècle qu'une préface louangeuse n'était pas cher payer son indépendance financière), pense très fin de mentionner quelques inventions qu'elle juge vraisemblablement grotesques sans même avoir pris la peine de dire en quelques mots le sujet des dites épopées : "Chapelain fit intervenir Satan en faveur des Anglais. Scudéry fit tenir un conseil de guerre à Lucifer" (ibid.). L'intérêt de cette critique n'est donc pas d'informer ses lecteurs mais de caricaturer des oeuvres qu'elle veut montrer a priori comme détestables. Outre le fait que Mme Biyidi a pourtant rappelé elle-même qu'il s'agissait de merveilleux chrétien, il reste que ces procédés littéraires ne sont pas neufs et qu'on les trouve largement employés dans la littérature médiévale, notamment au début du Merlin de Robert de Boron lorsqu'un conseil de démons déplore la délivrance de l'homme par le Christ, ou dans certaines versions très christianisées des aventures de Perceval comme le Haut livre du Graal. Je ne parle même pas de La Chanson de Roland dans laquelle les âmes damnées des musulmans sont à plusieurs reprises emportées par Satan. Mais cela n'est rien encore en comparaison de la suite que je prends la peine de citer plus largement tant la mauvaise foi y est flagrante :

"Le thème n'eut pas besoin des critiques de Boileau pour faire long feu. Les vers, par dizaines de milliers, tombèrent dans l'oubli sitôt nés. Il faut dire que l'inspiration de ces oeuvres suivait les conceptions de La Ménardière, conceptions marquées par un chauvinisme outrancier, qui ne concevait l'exaltation nationale que par le dénigrement xénophobe. De telles productions ne pouvaient guère rivaliser avec Homère, alors que le poète grec fait les scènes les plus bouleversantes avec le couple troyen Hector et Andromaque, ni avec Virgile, dont la plus inoubliable création est la carthaginoise Didon. Les grandes oeuvres sont humaines avant d'être nationales. Le Satan de Milton est épique parce qu'il représente les puissances mauvaises au coeur des événements humains, celui de Chapelain est une caricature puérile parce que pour lui le diable c'est l'adversaire"(p. 334).

Je passerai sur la première critique implicite à l'égard d'épopées dont la longueur est largement égalée par les romans à la Scudéry et La Calprenède au XVIIème siècle. Car, plus important, le grand mot est ici lâché : ces épopées seraient empreintes de chauvinisme, autrement dit de nationalisme, péché mortel selon les conceptions de cette Mme Biyidi qui se pose en une moralisatrice gauchiste particulièrement agaçante. On pourrait pardonner à une critique de n'aimer pas des oeuvres parce qu'elle en jugerait le style médiocre, mais ce qu'on ne peut excuser, c'est l'analyse morale et politique qui dans un ouvrage d'histoire littéraire est tout sauf professionnelle. Cette analyse n'est de toute évidence pas littéraire mais purement idéologique. Qui aurait l'idée de juger des oeuvres sur la thématique employée par l'auteur et non pas sur la façon dont cette thématique est développée ? Quel critique sérieux pourrait condamner une oeuvre selon son thème, idéologiquement, sans même évoquer son sujet ni son style ? On se demande de plus si Mme Biyidi connaît quoi que ce soit en histoire ni aux oeuvres qu'elle cite. D'une part il est constant dans l'histoire moyen-âgeuse que les peuples qui s'affrontent en armes cherchent à s'attirer la bonne grâce de Dieu, ce qui n'est pas nouveau car dans l'Iliade même Grecs et Troyens se partagent le Panthéon olympien dans leur lutte. De même, il est sous-entendu que Didon est exceptionnelle parce qu'elle est une étrangère, une africaine plus précisément, dans ce texte. Une Didon italienne, étrusque, eût-elle été moins émouvante ? Ainsi, Mme Biyidi, en croyant dénoncer le nationalisme, ne fait qu'abonder dans le politiquement correct le plus odieux : l'adoration de l'étranger, sous-entendu la détestation de soi. Car enfin, elle nous dit de façon sentencieuse que "les grandes oeuvres sont humaines avant d'être nationales". Mais pourquoi une grande oeuvre ne pourrait-elle pas être humaine et nationale ? Que fait-on de La Chanson de Roland qui ne témoigne d'aucune pitié envers l'ennemi sarrasin et qui chante les vertus de la "douce France" et ses preux chevaliers en bien des laisses ? Sans doute est-ce que le concept de nation n'est pas du goût de madame. Et pourtant, Dieu sait si les textes qui font une apologie idéologique forcenée de la république - comme La légende des siècles de Hugo pour rester sur le thème épique mais on pourrait aussi bien citer Les Châtiments, assez terribles au niveau de la partialité - font la part belle à l'idéologie la plus évidente.

Pour finir, il conviendrait peut-être de dire ce qui l'aurait pu être dès le début de l'article, à savoir que Mme Biyidi aussi connue sous le nom d'Odile Tobner est l'épouse de feu Mongo Beti, écrivain camerounais. Pour citer une activité entre mille du couple, voyons ceci : "En 1978 il lance, avec son épouse Odile Tobner, la revue bimestrielle Peuples Noirs Peuples africains, qu’il fait paraître jusqu’en 1991. Cette revue décrit et dénonce inlassablement les maux apportés à l'Afrique par les régimes néo-coloniaux". Odile Tobner est aussi présidente de l'association Survie France (ressassement des "crimes" français commis en Afrique, défense des sans-papiers, etc.)... En prenant connaissance de ces faits, on ne s'étonne donc plus de la haine que manifeste cette personne envers le patrimoine littéraire et historique français, ni que pour elle toute oeuvre littéraire doive nécessairement faire l'apologie du relativisme et de la tolérance à outrance.

samedi 18 août 2007 | By: Mickaelus

Tiffauges, le château de Barbe-Bleue (Vendée)

Le château de Tiffauges, aujourd'hui situé en Vendée, a été bâti à l'époque médiévale dans les marches de l'Anjou, de la Bretagne, et du Poitou. Il a été habité par Gilles de Rais (1404-1440), dit Barbe-Bleue dans le conte célèbre de Charles Perrault, devenu seigneur de Tiffauges par son union avec Catherine de Thouars, et renommé surtout pour avoir été le compagnon de Jeanne d'Arc pendant la Guerre de Cent ans et avoir été nommé Maréchal de France par Charles VII pour ses hauts faits d'armes - la fin de sa vie, entre magie et alchimie, est malheureusement de nature à ternir cette gloire.

Le château de Tiffauges, lieu chargé d'histoire, est de nos jours devenu au fil de ces dernières années un site médiéval qui propose animations et spectacles, ayant pour thèmes les faits d'armes et l'attirance pour l'occultisme de Gilles de Rais, mais aussi l'art militaire et la mise en action de véritables machines de sièges ou d'armes comme l'arc et l'arbalète. On trouvera tous les renseignements utiles sur le site du château de Tiffauges.

Pour finir, quelques extraits trouvés sur YouTube et Dailymotion pour vous donner un avant-goût du site et de ses animations :








Tiffauges
envoyé par claxomere

jeudi 16 août 2007 | By: Mickaelus

Un blog et une pétition pour la mémoire des Gardes Suisses massacrés au service du Roi le 10 août 1792

N'hésitez pas à parcourir ce blog consacré aux Gardes Suisses et à leur mémoire ainsi qu'à signer la pétition en cours :

"Pétition pour la reconnaissance du sacrifice des Gardes suisses.
A transmettre à :

« Pétition Gardes Suisses »
Cidex 62
21250 CORBERON

ou par mail à :
vallet.baux@wanadoo.fr


Le 10 août 1792, le roi Louis XVI est avec sa famille au palais des Tuileries, défendu par 1.100 Gardes Suisses et quelques-uns des Gardes Nationaux et gendarmes restés fidèles au Roi. Danton, qui veut en découdre avec ce monarque qui refuse de signer certains décrets, mobilise environ 17.000 hommes et les envoie aux Tuileries.

Alors que les Gardes Suisses viennent de surmonter victorieusement le premier assaut, Louis XVI leur donne l’ordre de cesser le feu et de regagner leur caserne à Courbevoie. En chemin, ils sont massacrés, assassinés par les assaillants du palais, puis atrocement mutilés par une foule en folie.

630 Gardes meurent ainsi, et 156 sont faits prisonniers. Sans défense, ils seront à leur tour assassinés puis mutilés dans leur prison lors des massacres du 2 septembre 1792. Leurs corps seront jetés dans un vaste charnier, à l’endroit où Louis XVIII fit construire la Chapelle Expiatoire.

C’est une simple goutte de sang, puisque la Révolution française fera entre 600.000 et 800.000 victimes. Mais l’heure de toutes les repentances, du débat sur la colonisation au refus de célébrer le bicentenaire de la victoire d’Austerlitz, est peut-être aussi celle d’assumer entièrement notre passé.

En témoignage de reconnaissance et d’amitié au peuple suisse, les signataires demandent que la plaque à la mémoire des Gardes Suisses, dévoilée en France par le Président de la Confédération Helvétique, Monsieur Samuel SCHMID, le 18 novembre 2005, actuellement conservée aux Invalides et portant l’inscription suivante :

« Invictis pax-per vitam fortes, sub iniqua morte fideles
À la loyauté et au courage des Suisses
En l’honneur de tous ceux qui ont vaillamment combattu et se sont sacrifiés pour rester fidèles à leur serment lors des journées des 10 août, 2 et 3 septembre 1792
Sont tombés en combattant avec vaillance et reposent en ce lieu : 26 officiers, environ 760 soldats
Ont survécu grâce à l’habileté de leurs amis : 16 Officiers, environ 350 soldats »


soit transférée à la Chapelle Expiatoire, construite sur le lieu du charnier qui recueillit leurs dépouilles et y soit fixée, signe visible du devoir de mémoire notre pays ».


Signataires de la pétition pour la reconnaissance de sacrifice des Gardes Suisses qui sera transmise à Monsieur le Président de la Confédération Helvétique par l’intermédiaire de Son Excellence, Monsieur l’Ambassadeur de Suisse en France,
Ainsi qu’à Monsieur le Maire de Paris,
A Monsieur le Ministre de la Culture du Gouvernement français,
Et à toutes les autorités que nous jugerons bon de contacter pour obtenir la pose de cette plaque sur les murs de la Chapelle Expiatoire :
Nom, Prénom, ville, signature :"

vendredi 10 août 2007 | By: Mickaelus

Tintin pris dans la tourmente de la repentance européenne

Après avoir récemment subi les foudres du politiquement correct en Grande Bretagne (il faut désormais avoir plus de 18 ans pour y acheter Tintin au Congo à cause de la décision de la commission pour l'égalité raciale), c'est maintenant en Belgique - ex-puissance colonisatrice du Congo - que Tintin se voit mis au ban de l'humanité par un vulgaire étudiant congolais, au nom de la repentance, de la mortification et du masochisme européens si tristement à la mode aujourd'hui. L'étudiant en sciences politiques dénommé Bienvenu Mbutu Mondondo a déposé une plainte pour "racisme et xénophobie" le 17 juillet à Bruxelles contre cet album de 1930-1931 que Hergé lui-même a malheureusement accepté de reconnaître comme une erreur de jeunesse, alors que si les africains y sont représentés d'une façon légèrement stéréotypée, c'était le lot d'une époque, et je dirais même le droit de tout auteur dans le cadre de la fiction (à quand Le Cid de Corneille et La Chanson de Roland interdits aux moins de 18 ans en France pour non complaisance envers les musulmans ? Soyons sérieux...). Au-delà des conséquences éventuelles en Belgique au niveau des conditions de vente de la bande dessinée, même si le centre pour l'égalité des chances de Bruxelles n'a pas souhaité s'associer à cette plainte - la ficelle est trop grosse et tellement usée ! -, ce qui est intéressant c'est se demander comment on peut en arriver là, comment même on peut trouver en Europe des gens pour accorder de l'intérêt à pareille jérémiade.


La dénonciation intéressée d'une oeuvre de fiction par cet africain s'inscrit dans un processus global de destruction morale de l'histoire de l'Europe et de sa mémoire, principalement à travers la colonisation, cible privilégiée des populations immigrées d'origine africaine. On a bien vu il n'y a pas si longtemps, en France même, que la loi qui devait faire inscrire les aspects positifs de la colonisation dans les programmes d'histoire au même titre que leurs aspects négatifs, au nom de la vérité entière et complète, n'avait pas pu passer. On sait pourquoi : les populations immigrées dans nos pays, s'appuyant aussi sur des citoyens de souche complètement déstructurés mentalement, faibles psychologiquement et baignant en pleine décadence civilisationnelle, effectuent un véritable travail de sape censé porter ses fruits sur le long terme pour porter dans le coeur des Européens la détestation d'eux-mêmes et de leur histoire, cela pour imposer leurs valeurs quand à l'aide de leur fécondité galopante ils seront mûrs pour prendre le pouvoir. En effet, l'immigration de masse, que ce soit en Grande-Bretagne, en Belgique, en Allemagne, en France, ou ailleurs, parce qu'elle ne peut pas être intégrée, ou qu'elle ne le veut souvent pas par esprit de conquête, crée nécessairement une concurrence des mémoires fondée sur la différence des histoires de peuples qui sont forcés de vivre ensemble sur un même territoire dont l'histoire est pourtant une. Doit-on alors éternellement s'excuser de ce que l'on est, de ce que l'on a été, au nom de populations étrangères qui viennent semer la discorde chez nous ? Assurément non, nous Européens - du moins ceux d'entre nous qui ne nous sommes pas encore trahis nous-mêmes - ne devons aucune excuse à ces populations, qui non contentes de dénoncer le mal supposé consubstantiel à l'Occident en général, sont pourtant paradoxalement bien heureuses de profiter de sa richesse, dilapidée par ses gouvernements irresponsables et masochistes, pendant que, leur liberté recouvrée après l'épisode de la décolonisation, elles sont incapables de se gérer seules - que ce soit les arabes ou les africains - quand ce n'est pas pour se déchirer en d'interminables guerres civiles dont les massacres dépassent de loin les bavures de la colonisation, sans leur apporter, à l'évidence, les mêmes profits. L'explication est aussi simple que cela, ces populations éprouvent une fascination passionnelle pour l'Occident, vers lequel elles sont attirées tout en rêvant de le détruire pour s'en approprier les richesses. Autant dire que ces peuples, incapables de prendre en main leur destin, occupés trop souvent à donner des leçons de morale sans être capables de rien accomplir, sont enfermés dans une spirale de la haine et de la revanche tout à fait nocive. Ce n'est pas en s'en prenant à l'innocent Tintin ou à l'histoire du supposé ennemi blanc que les choses s'amélioreront. Il faudra bien comprendre que c'est en acceptant avec reconnaissance les dons de ceux qui étaient les envahisseurs d'hier, envahisseurs plus avancés, que l'on peut parfois progresser. La Gaule est passée par là en devenant une province romaine bien intégrée, et il ne viendrait aujourd'hui à personne l'idée saugrenue de classer la Guerre des Gaules de Jules César dans la rubrique des livres pour adultes parce que les Gaulois y sont plus barbares que les Romains. Il ne viendrait non plus à personne l'idée de faire interdire la diffusion de l'hellénisme et de la romanité au nom des conceptions gréco-romaines de l'étranger qui était nécessairement un barbare. Pire encore, le moralisme de façade des populations africaines et arabes d'Europe, d'Afrique et d'ailleurs ne va évidemment qu'à sens unique. Quand il s'agit d'esclavage, on parle toujours des Européens, quand les arabes ou les noirs entre eux en ont fait autant ; quand il s'agit de livres racistes, ceux qui s'attaquent à la culture occidentale ne sont jamais visés - on pourrait prendre un très bon exemple à travers le Coran pour qui les non musulmans sont des sous-hommes. La seule chose que l'on puisse conclure, c'est d'encourager les noirs et autres arabes qui haïssent férocement l'homme blanc à rester chez eux et à prendre en main - enfin ! - leur destin, car il en est plus que temps.

jeudi 9 août 2007 | By: Mickaelus

Perceval assiste au cortège du graal au château du Roi Pêcheur

"L'intérieur était illuminé, au point qu'on ne saurait mieux faire, de tout l'éclat que donnent des flambeaux dans une demeure. Tandis qu'ils parlaient de choses et d'autres, un jeune noble sortit d'une chambre, porteur d'une lance blanche qu'il tenait empoignée par le milieu. Il passa entre le feu et le lit où ils étaient assis, et tous ceux qui étaient là voyaient la lance blanche et l'éclat blanc de son fer. Il sortait une goutte de sang du fer, à la pointe de la lance, et jusqu'à la main du jeune homme coulait cette goutte vermeille. Le jeune homme nouvellement venu en ces lieux, ce soir-là, voit cette merveille. Il s'est retenu de demander comment pareille chose advenait, car il lui souvenait de la leçon de celui qui l'avait fait chevalier et qui lui avait enseigné et appris à se garder de trop parler. Ainsi craint-il, s'il le demandait, qu'on ne jugeât la chose grossière. C'est pourquoi il n'en demanda rien. Deux autres jeunes gens survinrent alors, tenant dans leurs mains des candélabres d'or pur, finement niellés. Les jeunes gens porteurs des candélabres étaient d'une grandes beauté. Sur chaque candélabre brûlaient dix chandelles pour le moins. D'un graal tenu à deux mains était porteuse une demoiselle, qui s'avançait avec les jeunes gens, belle, gracieuse, élégamment parée. Quand elle fut entrée dans la pièce, avec le graal qu'elle tenait, il se fit une si grande clarté que les chandelles en perdirent leur éclat comme les étoiles au lever du soleil ou de la lune. Derrière elle en venait une autre, qui portait un tailloir en argent. Le graal qui allait devant était de l'or le plus pur. Des pierres précieuses de toutes sortes étaient serties dans le graal, parmi les plus riches et les plus rares qui soient en terre ou en mer. Les pierres du graal passaient toutes les autres, à l'évidence. Tout comme était passée la lance, ils passèrent par-devant le lit, pour aller d'une chambre dans une autre. Le jeune homme les vit passer et il n'osa pas demander qui l'on servait de ce graal, car il avait toujours au coeur la parole du sage gentilhomme. J'ai bien peur que le mal ne soit fait, car j'ai entendu dire qu'on peut aussi bien trop se taire que trop parler à l'occasion. Mais quoi qu'il lui en arrive, bien ou malheur, il ne pose pas de question et ne demande rien. Le seigneur demande aux jeunes gens d'apporter l'eau et de sortir les nappes, et ceux qui devaient le faire le font comme ils en avaient l'habitude. Comme le seigneur et le jeune homme se lavaient les mains à l'eau convenablement chauffée, deux jeunes gens ont apporté une grande table d'ivoire, qui, au témoignage de cette histoire, était toute d'une pièce. Ils la tinrent un bon moment, devant leur seigneur et le jeune homme, jusqu'à l'arrivée de deux autres jeunes gens, qui apportaient deux tréteaux. Le bois dont étaient faits les tréteaux avait deux bonnes vertus, car leurs pièces sont impérissables : elles étaient en ébène, un bois dont personne n'a à craindre qu'il pourrisse ou qu'il brûle. De ces deux choses il n'a garde ! Sur les tréteaux fut installée la table, et la nappe, par-dessus mise. Mais que dire de cette nappe ? Légat, cardinal ni pape jamais ne mangea sur plus blanche ! Le premier mets fut d'une hanche d'un cerf de haute graisse, relevée au poivre. Il ne leur manque ni vin pur ni râpé à boire dans leurs coupes d'or. Un jeune homme a devant eux découpé la hanche de cerf au poivre, qu'il a d'abord tirée à lui sur le tailloir d'argent, puis il leur en présente les morceaux sur une large galette. Et le graal, pendant ce temps, par-devant eux repassa, sans que le jeune homme demanda qui l'on servait de ce graal. Il se retenait à cause du gentilhomme qui l'avait doucement blâmé de trop parler. C'est toujours là au fond de son coeur, il l'a gardé en mémoire. Mais il se tait plus qu'il ne convient, car à chacun des mets que l'on servait, il voit par-devant eux repasser le graal, entièrement visible. Il ne sait toujours pas qui l'on en sert, et pourtant il voudrait bien le savoir, mais il ne manquera pas de le demander, se dit-il en lui-même, avant de s'en aller, à l'un des jeunes nobles de la cour. Il attendra seulement jusqu'à demain, au moment de prendre congé du seigneur et des autres gens de sa maison. Ainsi la chose est-elle remise, et il n'a plus en tête que de boire et de manger. Aussi bien est-ce sans compter qu'on sert à table les mets et le vin, tous aussi agréables que délicieux. C'était un vrai et beau festin ! Tous les mets qu'on peut voir à la table d'un roi, d'un comte ou d'un empereur furent servis ce soir-là au noble personnage et au jeune homme en même temps. Après le repas, tous les deux passèrent la veillée à se parler, tandis que les serviteurs préparaient leurs lits ainsi que le fruit pour le coucher : il y en avait d'un très grand prix, dattes, figues et noix muscades, girofle et pommes grenades, avec des électuaires pour finir : pâte au gingembre d'Alexandrie, poudre de perles et archontique, résomptif et stomachique. Après quoi ils burent de maints breuvages, vin aux aromates, mais sans miel ni poivre, et bon vin de mûre et clair sirop. Le jeune homme qui n'y était pas habitué s'émerveillait de tout. "Mon ami, lui dit l'homme de bien, voici venue pour cette nuit l'heure de se coucher. Si vous n'y voyez d'inconvénient, je vais me retirer là dans mes chambres pour dormir et quand vous-mêmes en aurez envie, vous resterez ici, en dehors, pour vous coucher. Je n'ai plus le pouvoir de mes membres, il va falloir que l'on m'emporte." Aussitôt sortent de la chambre quatre serviteurs alertes et robustes, qui saisissent aux quatre coins la couverture qu'on avait étendue sur le lit et sur laquelle l'homme de bien était assis, et ils l'emportent là où ils le devaient."

Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal ou Le roman de Perceval (v. 1181-1185), (traduction en français moderne de Charles Méla) - (voir aussi : Romans - Chrétien de Troyes)
[collection Lettres gothiques]