Si les historiens et les politiques amoureux de la France et de sa tradition ont souvent à se plaindre de la partialité avec laquelle sont traitées nombre de périodes historiques dès lors que leurs valeurs ne vont pas dans le sens du politiquement correct actuel - ce qui concerne au moins toute la période pré-révolutionnaire, on pense peut-être moins spontanément au domaine des lettres françaises dont la critique est moins sujette à la surexposition médiatique. Ce n'est pourtant pas qu'on s'y gène beaucoup parfois, comme en témoigne le cas que je vais vous faire partager, et qu'on peut relier à l'article sur les épopées françaises et chrétiennes du XVIIème siècle déjà publié sur ce blog et qu'on consultera pour avoir un aperçu de ces épopées. Il s'agit d'un commentaire plus que partial d'une certaine Odile Biyidi dans une Histoire de la littérature française parue chez Larousse en 2000, dans la section XVIIème siècle de l'ouvrage dont elle est chargée.
Mme Biyidi, après avoir rappelé que "suivant le prestigieux exemple de l'Enéide, Richelieu rêvait d'une épopée nationale" (p. 336) et nous avoir mentionné quelques-unes des épopées écrites par un "groupe de ses protégés" (on sent déjà sous-entendue la critique des écrivains serviles et dépendants du pouvoir royal, quand l'historien François Bluche disait au contraire dans ses travaux sur le Grand Siècle qu'une préface louangeuse n'était pas cher payer son indépendance financière), pense très fin de mentionner quelques inventions qu'elle juge vraisemblablement grotesques sans même avoir pris la peine de dire en quelques mots le sujet des dites épopées : "Chapelain fit intervenir Satan en faveur des Anglais. Scudéry fit tenir un conseil de guerre à Lucifer" (ibid.). L'intérêt de cette critique n'est donc pas d'informer ses lecteurs mais de caricaturer des oeuvres qu'elle veut montrer a priori comme détestables. Outre le fait que Mme Biyidi a pourtant rappelé elle-même qu'il s'agissait de merveilleux chrétien, il reste que ces procédés littéraires ne sont pas neufs et qu'on les trouve largement employés dans la littérature médiévale, notamment au début du Merlin de Robert de Boron lorsqu'un conseil de démons déplore la délivrance de l'homme par le Christ, ou dans certaines versions très christianisées des aventures de Perceval comme le Haut livre du Graal. Je ne parle même pas de La Chanson de Roland dans laquelle les âmes damnées des musulmans sont à plusieurs reprises emportées par Satan. Mais cela n'est rien encore en comparaison de la suite que je prends la peine de citer plus largement tant la mauvaise foi y est flagrante :
Je passerai sur la première critique implicite à l'égard d'épopées dont la longueur est largement égalée par les romans à la Scudéry et La Calprenède au XVIIème siècle. Car, plus important, le grand mot est ici lâché : ces épopées seraient empreintes de chauvinisme, autrement dit de nationalisme, péché mortel selon les conceptions de cette Mme Biyidi qui se pose en une moralisatrice gauchiste particulièrement agaçante. On pourrait pardonner à une critique de n'aimer pas des oeuvres parce qu'elle en jugerait le style médiocre, mais ce qu'on ne peut excuser, c'est l'analyse morale et politique qui dans un ouvrage d'histoire littéraire est tout sauf professionnelle. Cette analyse n'est de toute évidence pas littéraire mais purement idéologique. Qui aurait l'idée de juger des oeuvres sur la thématique employée par l'auteur et non pas sur la façon dont cette thématique est développée ? Quel critique sérieux pourrait condamner une oeuvre selon son thème, idéologiquement, sans même évoquer son sujet ni son style ? On se demande de plus si Mme Biyidi connaît quoi que ce soit en histoire ni aux oeuvres qu'elle cite. D'une part il est constant dans l'histoire moyen-âgeuse que les peuples qui s'affrontent en armes cherchent à s'attirer la bonne grâce de Dieu, ce qui n'est pas nouveau car dans l'Iliade même Grecs et Troyens se partagent le Panthéon olympien dans leur lutte. De même, il est sous-entendu que Didon est exceptionnelle parce qu'elle est une étrangère, une africaine plus précisément, dans ce texte. Une Didon italienne, étrusque, eût-elle été moins émouvante ? Ainsi, Mme Biyidi, en croyant dénoncer le nationalisme, ne fait qu'abonder dans le politiquement correct le plus odieux : l'adoration de l'étranger, sous-entendu la détestation de soi. Car enfin, elle nous dit de façon sentencieuse que "les grandes oeuvres sont humaines avant d'être nationales". Mais pourquoi une grande oeuvre ne pourrait-elle pas être humaine et nationale ? Que fait-on de La Chanson de Roland qui ne témoigne d'aucune pitié envers l'ennemi sarrasin et qui chante les vertus de la "douce France" et ses preux chevaliers en bien des laisses ? Sans doute est-ce que le concept de nation n'est pas du goût de madame. Et pourtant, Dieu sait si les textes qui font une apologie idéologique forcenée de la république - comme La légende des siècles de Hugo pour rester sur le thème épique mais on pourrait aussi bien citer Les Châtiments, assez terribles au niveau de la partialité - font la part belle à l'idéologie la plus évidente.
Pour finir, il conviendrait peut-être de dire ce qui l'aurait pu être dès le début de l'article, à savoir que Mme Biyidi aussi connue sous le nom d'Odile Tobner est l'épouse de feu Mongo Beti, écrivain camerounais. Pour citer une activité entre mille du couple, voyons ceci : "En 1978 il lance, avec son épouse Odile Tobner, la revue bimestrielle Peuples Noirs Peuples africains, qu’il fait paraître jusqu’en 1991. Cette revue décrit et dénonce inlassablement les maux apportés à l'Afrique par les régimes néo-coloniaux". Odile Tobner est aussi présidente de l'association Survie France (ressassement des "crimes" français commis en Afrique, défense des sans-papiers, etc.)... En prenant connaissance de ces faits, on ne s'étonne donc plus de la haine que manifeste cette personne envers le patrimoine littéraire et historique français, ni que pour elle toute oeuvre littéraire doive nécessairement faire l'apologie du relativisme et de la tolérance à outrance.
Mme Biyidi, après avoir rappelé que "suivant le prestigieux exemple de l'Enéide, Richelieu rêvait d'une épopée nationale" (p. 336) et nous avoir mentionné quelques-unes des épopées écrites par un "groupe de ses protégés" (on sent déjà sous-entendue la critique des écrivains serviles et dépendants du pouvoir royal, quand l'historien François Bluche disait au contraire dans ses travaux sur le Grand Siècle qu'une préface louangeuse n'était pas cher payer son indépendance financière), pense très fin de mentionner quelques inventions qu'elle juge vraisemblablement grotesques sans même avoir pris la peine de dire en quelques mots le sujet des dites épopées : "Chapelain fit intervenir Satan en faveur des Anglais. Scudéry fit tenir un conseil de guerre à Lucifer" (ibid.). L'intérêt de cette critique n'est donc pas d'informer ses lecteurs mais de caricaturer des oeuvres qu'elle veut montrer a priori comme détestables. Outre le fait que Mme Biyidi a pourtant rappelé elle-même qu'il s'agissait de merveilleux chrétien, il reste que ces procédés littéraires ne sont pas neufs et qu'on les trouve largement employés dans la littérature médiévale, notamment au début du Merlin de Robert de Boron lorsqu'un conseil de démons déplore la délivrance de l'homme par le Christ, ou dans certaines versions très christianisées des aventures de Perceval comme le Haut livre du Graal. Je ne parle même pas de La Chanson de Roland dans laquelle les âmes damnées des musulmans sont à plusieurs reprises emportées par Satan. Mais cela n'est rien encore en comparaison de la suite que je prends la peine de citer plus largement tant la mauvaise foi y est flagrante :
"Le thème n'eut pas besoin des critiques de Boileau pour faire long feu. Les vers, par dizaines de milliers, tombèrent dans l'oubli sitôt nés. Il faut dire que l'inspiration de ces oeuvres suivait les conceptions de La Ménardière, conceptions marquées par un chauvinisme outrancier, qui ne concevait l'exaltation nationale que par le dénigrement xénophobe. De telles productions ne pouvaient guère rivaliser avec Homère, alors que le poète grec fait les scènes les plus bouleversantes avec le couple troyen Hector et Andromaque, ni avec Virgile, dont la plus inoubliable création est la carthaginoise Didon. Les grandes oeuvres sont humaines avant d'être nationales. Le Satan de Milton est épique parce qu'il représente les puissances mauvaises au coeur des événements humains, celui de Chapelain est une caricature puérile parce que pour lui le diable c'est l'adversaire"(p. 334).
Je passerai sur la première critique implicite à l'égard d'épopées dont la longueur est largement égalée par les romans à la Scudéry et La Calprenède au XVIIème siècle. Car, plus important, le grand mot est ici lâché : ces épopées seraient empreintes de chauvinisme, autrement dit de nationalisme, péché mortel selon les conceptions de cette Mme Biyidi qui se pose en une moralisatrice gauchiste particulièrement agaçante. On pourrait pardonner à une critique de n'aimer pas des oeuvres parce qu'elle en jugerait le style médiocre, mais ce qu'on ne peut excuser, c'est l'analyse morale et politique qui dans un ouvrage d'histoire littéraire est tout sauf professionnelle. Cette analyse n'est de toute évidence pas littéraire mais purement idéologique. Qui aurait l'idée de juger des oeuvres sur la thématique employée par l'auteur et non pas sur la façon dont cette thématique est développée ? Quel critique sérieux pourrait condamner une oeuvre selon son thème, idéologiquement, sans même évoquer son sujet ni son style ? On se demande de plus si Mme Biyidi connaît quoi que ce soit en histoire ni aux oeuvres qu'elle cite. D'une part il est constant dans l'histoire moyen-âgeuse que les peuples qui s'affrontent en armes cherchent à s'attirer la bonne grâce de Dieu, ce qui n'est pas nouveau car dans l'Iliade même Grecs et Troyens se partagent le Panthéon olympien dans leur lutte. De même, il est sous-entendu que Didon est exceptionnelle parce qu'elle est une étrangère, une africaine plus précisément, dans ce texte. Une Didon italienne, étrusque, eût-elle été moins émouvante ? Ainsi, Mme Biyidi, en croyant dénoncer le nationalisme, ne fait qu'abonder dans le politiquement correct le plus odieux : l'adoration de l'étranger, sous-entendu la détestation de soi. Car enfin, elle nous dit de façon sentencieuse que "les grandes oeuvres sont humaines avant d'être nationales". Mais pourquoi une grande oeuvre ne pourrait-elle pas être humaine et nationale ? Que fait-on de La Chanson de Roland qui ne témoigne d'aucune pitié envers l'ennemi sarrasin et qui chante les vertus de la "douce France" et ses preux chevaliers en bien des laisses ? Sans doute est-ce que le concept de nation n'est pas du goût de madame. Et pourtant, Dieu sait si les textes qui font une apologie idéologique forcenée de la république - comme La légende des siècles de Hugo pour rester sur le thème épique mais on pourrait aussi bien citer Les Châtiments, assez terribles au niveau de la partialité - font la part belle à l'idéologie la plus évidente.
Pour finir, il conviendrait peut-être de dire ce qui l'aurait pu être dès le début de l'article, à savoir que Mme Biyidi aussi connue sous le nom d'Odile Tobner est l'épouse de feu Mongo Beti, écrivain camerounais. Pour citer une activité entre mille du couple, voyons ceci : "En 1978 il lance, avec son épouse Odile Tobner, la revue bimestrielle Peuples Noirs Peuples africains, qu’il fait paraître jusqu’en 1991. Cette revue décrit et dénonce inlassablement les maux apportés à l'Afrique par les régimes néo-coloniaux". Odile Tobner est aussi présidente de l'association Survie France (ressassement des "crimes" français commis en Afrique, défense des sans-papiers, etc.)... En prenant connaissance de ces faits, on ne s'étonne donc plus de la haine que manifeste cette personne envers le patrimoine littéraire et historique français, ni que pour elle toute oeuvre littéraire doive nécessairement faire l'apologie du relativisme et de la tolérance à outrance.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire