mardi 23 septembre 2008 | By: Mickaelus

Charles d'Orléans : célébration de la reprise de la Guyenne et de la Normandie aux Anglais (1453 ; 1449)

Henri Decaisne, Entrée de Charles VII à Rouen,
10 novembre 1449


Balade 76


Comment voy je ses Anglois esbaÿs !
Resjoÿs toi, franc royaume de France !
On apparçoit que de Dieu sont haÿs,
Puisqu'ilz n'ont plus couraige ne puissance.
Bien pensoient par leur oultrecuidance
Toy surmonter et tenir en servaige,
Et ont tenu a tort ton heritaige.
Mais a present Dieu pour toy se combat
Et se monstre du tout de ta partie ;
Leur grant orgueil entierement abat,
Et t'a rendu Guyenne et Normandie.

Quant les Anglois as pieça envaÿs,
Rien n'y valoit ton sens ne ta vaillance.
Lors estoies ainsi que fut Taÿs
Pecheresse qui, pour faire penance,
Enclouse fut par divine ordonnance ;
Ainsi as tu esté en reclusaige
De desconfort et douleur de couraige.
Et les Anglois menoient leur sabat
En grans pompes, baubans et tiranie.
Or a tourné Dieu ton dueil en esbat
Et t'a rendu Guyenne et Normandie.

N'ont pas Anglois souvent leurs roys traÿs ?
Certes ouyl, tous en ont congnoissance,
Et encore le roys de leur paÿs
Est maintenant en doubteuse balance.
D'en parler mal chascun Anglois s'avance ;
Assez monstrent par leur manvais langaige
Que voulentiers lui feroient oultraige.
Qui sera roy entr'eulx est grant debat ;
Pource, France, que veulx tu que te dye ?
De sa verge Dieu les pugnist et bat
Et t'a rendu Guyenne et Normandie.

Prince

Roy des Françoys, gangné as l'avantaige !
Parfaiz ton jeu comme vaillant et saige ;
Maintenant l'as plus belle qu'au rabat,
De ton bon eur, France, Dieu remercie !
Fortune en bien avecques toy s'embat
Et t'a rendu Guyenne et Normandie.

Charles d'Orléans, Ballades et rondeaux
[collection Lettres gothiques]


Philippe Larivière, Bataille de Castillon,
17 juillet 1453

Le Saint Louis Coulommiers


mardi 16 septembre 2008 | By: Mickaelus

Pétition contre la profanation de Versailles par Jeff Koons

"En accord avec la lettre ouverte du 16 juillet 2008, adressée au Ministre de la Culture Christine Albanel, j'apporte ma signature à la demande que soit interdite au plus vite rdite 'exposition "jeff koons Versailles", de la star du pop art new-yorkaise et des enchères londonniennes, qui constitue un véritable sacrilège de notre patrimoine, une opération spéculative manifeste, destinée à faire monter la cote de Jeff Koons, et le résultat d'une décision portant atteinte au rayonnement du joyau national et mondial de Versailles comme de la France."


"Le Soleil et les grenouilles", par Jean de La Fontaine

LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES*

IMITATION D'UNE FABLE LATINE


Les filles du limon tiraient du roi des astres
Assistance et protection :
Guerre ni pauvreté, ni semblables désastres
Ne pouvaient approcher de cette nation ;
Elle faisait valoir en cent lieux son empire.
Les reines des étangs, Grenouilles veux-je dire
(Car que coûte-t-il d'appeler
Les choses par noms honorables ?),
Contre leur bienfaiteur osèrent cabaler,
Et devinrent insupportables.
L'imprudence, l'orgueil, et l'oubli des bienfaits,
Enfants de la bonne fortune,
Firent bientôt crier cette troupe importune :
On ne pouvait dormir en paix.
Si l'on eût cru leur murmure,
Elles auraient, par leurs cris,
Soulevé grands et petits
Contre l'œil de la Nature.
"Le Soleil, à leur dire, allait tout consumer ;
Il fallait promptement s'armer,
Et lever des troupes puissantes."
Aussitôt qu'il faisait un pas,
Ambassades croassantes
Allaient dans tous les États :
A les ouïr, tout le monde,
Toute la machine ronde
Roulait sur les intérêts
De quatre méchants marais.
Cette plainte téméraire
Dure toujours ; et pourtant
Grenouilles devraient se taire,
Et ne murmurer pas tant :
Car si le Soleil se pique,
Il le leur fera sentir ;
La République aquatique
Pourrait bien s'en repentir.

Jean de La Fontaine : Fables


* On reconnaîtra, pour le Soleil, Louis XIV et le royaume de France, et, pour les grenouilles et leur "république aquatique", les Provinces-Unies ou Pays-Bas.

jeudi 4 septembre 2008 | By: Mickaelus

La Russie et la crise géorgienne ou l'Europe face à sa faiblesse

Quand, au fil de ces dernières années, j'avais l'occasion de voir à la télévision Vladimir Poutine poser tranquillement aux côtés des hommes d'État "occidentaux" comme s'ils partageaient les mêmes valeurs, les mêmes intérêts, et comme si la Russie allait devenir de plus en plus liée à l'Europe et aux grandes mascarades mondialistes, je me disais que ce "tableau de famille" faisait un peu tache et que le verre du cadre, plat et serein de prime abord, n'allait pas tarder à paraître fissuré.

Ainsi, l'axe Paris-Berlin-Moscou qui s'est formé à l'occasion de la guerre en Irak pour la défense d'un monde multipolaire où être allié avec les Etats-Unis ne devait pas nécessairement signifier être ses obligés - du moins peut-on l'interpréter ainsi rétrospectivement -, a fait long feu comme l'ont révélé le plus clairement du monde les attitudes de chacun lors de la déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo qu'on arrachait arbitrairement à la Serbie. L'Europe, au lieu de se constituer dans sa diversité comme un pôle indépendant, a démontré le ridicule de son ambition de puissance politique unifiée en se désignant comme la vassale des intérêts des États-Unis, cela en adoptant la même rhétorique faussement idéaliste mais vraiment intéressée (la guerre des ressources n'en étant, de plus, qu'à ses balbutiements) : la démocratie, les droits de l'homme, la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, etc.

Ce qui était valable pour le Kosovo ne l'est évidemment pas pour les républiques qui veulent se séparer de la Géorgie, cela de manière tout à fait incohérente au vu des arguments avancés pour le Kosovo. Seulement, il faut comprendre que ce qui est valable dans l'intérêt des "Occidentaux" ne l'est pas si cela se fait dans une sphère d'influence russe, la preuve en étant que, prévoyant le conflit d'intérêt à l'est et craignant l'appétit russe, on entend déjà parler ça et là de liens de l'Ukraine avec l'Europe. C'est que les Européens - j'entends par là les imbéciles qui croient à cette utopie européenne mondialiste à visée idéologique universaliste dans la plus pure continuité du messianisme révolutionnaire - raisonnent par blocs comme toujours, des blocs dépassés eu égard aux puissances réelles d'aujourd'hui. L'Europe parle beaucoup, manie avec profusion la diplomatie avec un sens certain du verbiage arrogant, mais n'a pas le courage de ses proclamations ; jamais elle ne prendra le risque de faire quelque menace armée que l'autre côté aura raison de prendre à la rigolade, surtout qu'il peut "couper le gaz" à tout moment, eu égard à ses ressources dont nous dépendons.

La France dans tout cela, apparaît bien amoindrie, inaudible et engluée qu'elle est dans le bourbier européen, mondialiste et atlantiste, et cela d'autant plus parce que Nicolas Sarkozy, qui exerce la présidence de l'Union européenne, n'a jamais caché son ambition de remettre la France dans le concert des nations en matière de politique étrangère, comprendre effacer le courage inattendu de Jacques Chirac sur le dossier irakien. Non, loin de comprendre le sens bien lointain de la politique capétienne de nos rois, qui ont toujours œuvré pour faire de la France une puissance d'équilibre, loin de sentir qu'un soutien de la Russie par la France, au moment même de l'exercice de la présidence européenne, aurait vraiment donné une voix politique à notre pays tout en titillant la faiblesse de nos "partenaires" européens, dont certains à l'est en sont encore à l'ère soviétique et à vouloir servir de base aux Américains, M. Sarkozy fait la démonstration humiliante d'une vitalité française, à bout de souffle, au moment même où il réduit les effectifs de nos armées.

Quelques voix s'expriment d'un point de vue français, mais des voix qui ne sauraient être entendues ni avoir d'effet concret malheureusement. Sur son blogue, Yves-Marie Adeline de l'Alliance Royale dénonce dans un article mesuré la duplicité du concept de liberté nationale et invoque de la souplesse et de l'indépendance dans notre politique étrangère ; Philippe de Villiers, président du MPF, s'est exprimé contre une politique européenne qui fait le jeu des États-Unis : "La décision de suspendre les négociations entre l'Union européenne et la Russie n'est pas une décision européenne, mais une décision américaine". Il a encore rappelé que "la Russie n'a plus rien à voir avec l'Union soviétique, et elle sera demain, plus encore qu'aujourd'hui, un acteur international majeur sur les questions où nous sommes impliqués, comme l'Afghanistan, l'Iran ou l'insuffisance énergétique".

"Philémon et Baucis - A monseigneur le duc de Vendôme", par Jean de La Fontaine


C'est non sans quelque humour que La Fontaine dédie cette fable qui nous raconte l'histoire d'un couple heureux et béni des dieux, au duc de Vendôme, arrière-petit-fils du roi Henri IV, libertin notoire. Ce grand aristocrate a en tout cas protégé et pensionné notre poète.


PHILEMON ET BAUCIS

Sujet tiré des Métamorphoses d'Ovide

A MONSEIGNEUR LE DUC DE VENDÔME


Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux ;
Ces deux divinités n'accordent à nos vœux
Que des biens peu certains, qu'un plaisir peu tranquille :
Des soucis dévorants c'est l'éternel asile ;
Véritables vautours, que le fils de Japet
Représente, enchaîné sur son triste sommet.
L'humble toit est exempt d'un tribut si funeste :
Le sage y vit en paix, et méprise le reste ;
Content de ces douceurs, errant parmi les bois,
Il regarde à ses pieds les favoris des rois ;
Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environne
Que la Fortune vend se qu'on croit qu'elle donne.
Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour,
Rien ne trouble sa fin : c'est le soir d'un beau jour.
Philémon et Baucis nous en offrent l'exemple :
Tous deux vinrent changer leur cabane en un temple.
Hyménée et l'Amour, par des désirs constants,
Avaient uni leurs cœurs dès leur plus doux printemps.
Ni le temps ni l'hymen n'éteignirent leur flamme ;
Clothon prenait plaisir à filer cette trame.
Ils surent cultiver, sans se voir assistés,
Leur enclos et leur champs par deux fois vingt étés.
Eux seuls ils composaient toute leur république :
Heureux de ne devoir à pas un domestique
Le plaisir ou le gré des soins qu'ils se rendaient !
Tout vieillit : sur leur front les rides s'étendaient ;
L'amitié modéra leurs feux sans les détruire,
Et par des traits d'amour sur encor se produire.
Ils habitaient un bourg plein de gens dont le cœur
Joignait aux duretés un sentiment moqueur.
Jupiter résolut d'abolir cette engeance.
Il part avec son fils, le dieu de l'Eloquence ;
Tous deux en pèlerins vont visiter ces lieux :
Mille logis y sont, un seul ne s'ouvre aux dieux.
Prêts enfin à quitter un séjour si profane,
Ils virent à l'écart une étroite cabane,
Demeure hospitalière, humble et chaste maison.
Mercure frappe : on ouvre ; aussitôt Philémon
Vient au-devant des dieux, et leur tient ce langage :
"Vous me semblez tous deux fatigués du voyage,
Reposez-vous. Usez du peu que nous avons ;
L'aide des dieux a fait que nous le conservons,
Usez-en ; saluez ces pénates d'argile :
Jamais le Ciel ne fut aux humains si facile
Que quand Jupiter même était de simple bois ;
Depuis qu'on l'a fait d'or, il est sourd à nos voix.
Baucis, ne tardez point : faites tiédir cette onde ;
Encor que le pouvoir au désir ne réponde,
Nos hôtes agréeront les soins qui leur sont dus."
Quelques restes de feu sous la cendre épandus
D'un souffle haletant par Baucis s'allumèrent :
Des branches de bois sec aussitôt s'enflammèrent.
L'onde tiède, on lava les pieds des voyageurs.
Philémon les pria d'excuser ces longueurs ;
Et, pour tromper l'ennui d'une attente importune,
Il entretint les dieux, non point sur la Fortune,
Sur ses jeux, sur la pompe et la grandeur des rois,
Mais sur ce que les champs, les vergers et les bois
Ont de plus innocent, de plus doux, de plus rare.
Cependant par Baucis le festin se prépare.
La table où l'on servit le champêtre repas
Fut d'ais non façonnés à l'aide du compas :
Encore assure-t-on, si l'histoire en est crue,
Qu'en un de ses supports le temps l'avait rompue.
Baucis en égala les appuis chancelants
Du débris d'un vieux vase, autre injure des ans.
Un tapis tout usé couvrit deux escabelles :
Il ne servait pourtant qu'aux fêtes solennelles.
Le linge orné de fleurs fut couvert, pour tous mets,
D'un peu de lait, de fruits, et des dons de Cérès.
Les divins voyageurs, altérés de leur course,
Mêlaient au vin grossier le cristal d'une source.
Plus le vase versait, moins il s'allait vidant :
Philémon reconnut ce miracle évident ;
Baucis n'en fit pas moins : tous deux s'agenouillèrent ;
A ce signe d'abord leurs yeux se dessillèrent.
Jupiter leur parut avec ces noirs sourcils
Qui font trembler les cieux sur leurs pôles assis.
"Grand Dieu, dit Philémon, excusez notre faute :
Quels humains auraient cru recevoir un tel hôte ?
Ces mets, nous l'avouons, sont peu délicieux :
Mais, quand nous serions rois, que donner à des dieux ?
C'est le cœur qui fait tout : que la terre et que l'onde
Apprêtent un repas pour les maîtres du monde ;
Ils lui préféreront les seuls présents du cœur."
Baucis sort à ces mots pour réparer l'erreur.
Dans le verger courait une perdrix privée,
Et par de tendres soins dès l'enfance élevée ;
Elle en veut faire un mets, et la poursuit en vain :
La volatile échappe à sa tremblante main ;
Entre les pieds des dieux elle cherche un asile.
Ce recours à l'oiseau ne fut pas inutile :
Jupiter intercède. Et déjà les vallons
Voyaient l'ombre en croissant tomber du haut des monts.
Les dieux sortent enfin, et font sortir leurs hôtes.
"De ce bourg, dit Jupin, je veux punir les fautes :
Suivez-nous. Toi, Mercure, appelle les vapeurs.
Ô gens durs ! vous n'ouvrez vos logis ni vos cœurs !"
Il dit : et les autans troublent déjà la plaine.
Nos deux époux suivaient, ne marchant qu'avec peine ;
Un appui de roseau soulageait leurs vieux ans :
Moitié secours des dieux, moitié peur, se hâtants,
Sur un mont assez proche enfin ils arrivèrent ;
A leurs pieds aussitôt cent nuages crevèrent.
Des ministres du dieu les escadrons flottants
Entraînèrent, sans choix, animaux, habitants,
Arbres, maisons, vergers, toute cette demeure ;
Sans vestige du bourg, tout disparut sur l'heure.
Les vieillards déploraient ces sévères destins.
Les animaux périr ! car encor les humains,
Tous avaient dû tomber sous les célestes armes.
Baucis en répandit en secret quelques larmes.
Cependant l'humble toit devient temple, et ses murs
Changent leur frêle enduit aux marbres les plus durs.
De pilastres massifs les cloisons revêtues
En moins de deux instants s'élèvent jusqu'aux nues ;
Le chaume devient or ; tout brille en ce pourpris ;
Tous ces événements sont peints sur le lambris.
Loin, bien loin les tableaux de Zeuxis et d'Apelle !
Ceux-ci furent tracés d'une main immortelle.
Nos deux époux, surpris, étonnés, confondus,
Se crurent, par miracle, en l'Olympe rendus.
"Vous comblez, dirent-ils, vos moindres créatures ;
Aurions-nous bien le cœur et les mains assez pures
Pour présider ici sur les honneurs divins,
Et prêtres, vous offrir les vœux des pèlerins ?"
Jupiter exauça leur prière innocente.
"Hélas ! dit Philémon, si votre main puissante
Voulait favoriser jusqu'au bout deux mortels,
Ensemble nous mourrions en servant vos autels :
Clothon ferait d'un coup ce double sacrifice ;
D'autres mains nous rendraient un vain et triste office :
Je ne pleurerais point celle-ci, ni ses yeux
Ne troubleraient non plus de leurs larmes ces lieux."
Jupiter à ce vœu fut encor favorable.
Mais oserai-je dire un fait presque incroyable ?
Un jour qu'assis tous deux dans le sacré parvis
Ils contaient cette histoire aux pèlerins ravis,
La troupe, à l'entour d'eux, debout prêtait l'oreille ;
Philémon leur disait : "Ce lieu plein de merveille
N'a pas toujours servi de temple aux immortels :
Un bourg était autour, ennemi des autels,
Gens barbares, gens durs, habitacle d'impies ;
Du céleste courroux tous furent les hosties.
Il ne resta que nous d'un si triste débris :
Vous en verrez tantôt la suite en nos lambris ;
Jupiter l'y peignit." En contant ces annales,
Philémon regardait Baucis par intervalles ;
Elle devenait arbre et lui tendait les bras ;
Il veut lui tendre aussi les siens, et ne peut pas.
Il veut parler, l'écorce a sa langue pressée.
L'un et l'autre se dit adieu de la pensée :
Le corps n'est tantôt plus que feuillage et que bois.
D'étonnement la troupe, ainsi qu'eux, perd la voix,
Même instant, même sort à leur fin les entraîne :
Baucis devient tilleul, Philémon devient chêne.
On les va voir encore, afin de mériter
Les douceurs qu'en hymen Amour leur fit goûter :
Ils courbent sous le poids des offrandes sans nombre.
Pour peu que des époux séjournent sous leur ombre,
Ils s'aiment jusqu'au bout, malgré l'effort des ans.
Ah ! si... Mais autre part j'ai porté mes présents.
Célébrons seulement cette métamorphose.
Des fidèles témoins m'ayant conté la chose,
Clio me conseilla de l'étendre en ces vers,
Qui pourront quelque jour l'apprendre à l'univers :
Quelque jour on verra chez les races futures
Sous l'appui d'un grand nom passer ces aventures.

Vendôme, consentez au los que j'en attends :
Faites-moi triompher de l'envie et du temps ;
Enchaînez ces démons, que sur nous ils n'attentent,
Ennemis des héros et de ceux qui les chantent.
Je voudrais pouvoir dire en un style assez haut
Qu'ayant mille vertus vous n'avez nul défaut.
Toutes les célébrer serait œuvre infinie ;
L'entreprise demande un plus vaste génie :
Car quel mérite enfin ne vous fait estimer ?
Sans parler de celui qui force à vous aimer ?
Vous joignez à ces dons l'amour des beaux ouvrages,
Vous y joignez un goût plus sûr que nos suffrages :
Don du Ciel, qui peut seul tenir lieu des présents
Que nous font à regret le travail et les ans.
Peu de gens élevés, peu d'autres encor même,
Font voir par ces faveurs que Jupiter les aime.
Si quelque enfant des dieux les possède, c'est vous ;
Je l'ose dans ces vers soutenir devant tous.
Clio, sur son giron, à l'exemple d'Homère,
Vient de les retoucher, attentive à vous plaire :
On dit qu'elle et ses sœurs, par l'ordre d'Apollon,
Transportent dans Anet tout le sacré vallon :
Je le crois. Puissions-nous chanter sous les ombrages
Des arbres dont ce lieu va border ses rivages !
Puissent-ils tout d'un coup élever leurs sourcils,
Comme on vit autrefois Philémon et Baucis !

Jean de La Fontaine : Fables