jeudi 4 septembre 2008 | By: Mickaelus

La Russie et la crise géorgienne ou l'Europe face à sa faiblesse

Quand, au fil de ces dernières années, j'avais l'occasion de voir à la télévision Vladimir Poutine poser tranquillement aux côtés des hommes d'État "occidentaux" comme s'ils partageaient les mêmes valeurs, les mêmes intérêts, et comme si la Russie allait devenir de plus en plus liée à l'Europe et aux grandes mascarades mondialistes, je me disais que ce "tableau de famille" faisait un peu tache et que le verre du cadre, plat et serein de prime abord, n'allait pas tarder à paraître fissuré.

Ainsi, l'axe Paris-Berlin-Moscou qui s'est formé à l'occasion de la guerre en Irak pour la défense d'un monde multipolaire où être allié avec les Etats-Unis ne devait pas nécessairement signifier être ses obligés - du moins peut-on l'interpréter ainsi rétrospectivement -, a fait long feu comme l'ont révélé le plus clairement du monde les attitudes de chacun lors de la déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo qu'on arrachait arbitrairement à la Serbie. L'Europe, au lieu de se constituer dans sa diversité comme un pôle indépendant, a démontré le ridicule de son ambition de puissance politique unifiée en se désignant comme la vassale des intérêts des États-Unis, cela en adoptant la même rhétorique faussement idéaliste mais vraiment intéressée (la guerre des ressources n'en étant, de plus, qu'à ses balbutiements) : la démocratie, les droits de l'homme, la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, etc.

Ce qui était valable pour le Kosovo ne l'est évidemment pas pour les républiques qui veulent se séparer de la Géorgie, cela de manière tout à fait incohérente au vu des arguments avancés pour le Kosovo. Seulement, il faut comprendre que ce qui est valable dans l'intérêt des "Occidentaux" ne l'est pas si cela se fait dans une sphère d'influence russe, la preuve en étant que, prévoyant le conflit d'intérêt à l'est et craignant l'appétit russe, on entend déjà parler ça et là de liens de l'Ukraine avec l'Europe. C'est que les Européens - j'entends par là les imbéciles qui croient à cette utopie européenne mondialiste à visée idéologique universaliste dans la plus pure continuité du messianisme révolutionnaire - raisonnent par blocs comme toujours, des blocs dépassés eu égard aux puissances réelles d'aujourd'hui. L'Europe parle beaucoup, manie avec profusion la diplomatie avec un sens certain du verbiage arrogant, mais n'a pas le courage de ses proclamations ; jamais elle ne prendra le risque de faire quelque menace armée que l'autre côté aura raison de prendre à la rigolade, surtout qu'il peut "couper le gaz" à tout moment, eu égard à ses ressources dont nous dépendons.

La France dans tout cela, apparaît bien amoindrie, inaudible et engluée qu'elle est dans le bourbier européen, mondialiste et atlantiste, et cela d'autant plus parce que Nicolas Sarkozy, qui exerce la présidence de l'Union européenne, n'a jamais caché son ambition de remettre la France dans le concert des nations en matière de politique étrangère, comprendre effacer le courage inattendu de Jacques Chirac sur le dossier irakien. Non, loin de comprendre le sens bien lointain de la politique capétienne de nos rois, qui ont toujours œuvré pour faire de la France une puissance d'équilibre, loin de sentir qu'un soutien de la Russie par la France, au moment même de l'exercice de la présidence européenne, aurait vraiment donné une voix politique à notre pays tout en titillant la faiblesse de nos "partenaires" européens, dont certains à l'est en sont encore à l'ère soviétique et à vouloir servir de base aux Américains, M. Sarkozy fait la démonstration humiliante d'une vitalité française, à bout de souffle, au moment même où il réduit les effectifs de nos armées.

Quelques voix s'expriment d'un point de vue français, mais des voix qui ne sauraient être entendues ni avoir d'effet concret malheureusement. Sur son blogue, Yves-Marie Adeline de l'Alliance Royale dénonce dans un article mesuré la duplicité du concept de liberté nationale et invoque de la souplesse et de l'indépendance dans notre politique étrangère ; Philippe de Villiers, président du MPF, s'est exprimé contre une politique européenne qui fait le jeu des États-Unis : "La décision de suspendre les négociations entre l'Union européenne et la Russie n'est pas une décision européenne, mais une décision américaine". Il a encore rappelé que "la Russie n'a plus rien à voir avec l'Union soviétique, et elle sera demain, plus encore qu'aujourd'hui, un acteur international majeur sur les questions où nous sommes impliqués, comme l'Afghanistan, l'Iran ou l'insuffisance énergétique".