mardi 27 janvier 2009 | By: Mickaelus

Message de Mgr le duc d'Anjou pour l'incendie du château d'Angers

Le duc d'Anjou s'exprime dans le message qui suit sur l'incendie qui a détruit la toiture du château d'Angers le samedi 10 janvier, cela tout particulièrement en sa qualité de duc d'Anjou, Anjou dont Angers était la capitale.


"Pour le château d’Angers

Le château d’Angers et plus spécialement le Logis où est né René d’Anjou vient de subir de graves dommages. Que les œuvres d’art, notamment la série des tapisseries de l’Apocalypse que j’avais pu contempler il y a trois ans, n’aient subi aucun dommage est un miracle. Mais le désastre est là, présent au cœur de la ville. Que cet incendie se déclare au moment où elle allait commémorer la naissance du Roi René est comme un révélateur ; celui de la fragilité du patrimoine et de la mémoire dont il convient de toujours prendre soin.

Au-delà d’Angers, tout l’Anjou est atteint et le patrimoine national, une nouvelle fois, se trouve malmené. Après des années de travaux, le château avait peu à peu retrouvé sa splendeur passée. Il faisait l’admiration de tous, il était le symbole de la ville.

Depuis vingt ans, le sort s’acharne sur les grands témoignages de l’histoire de France à travers les hauts lieux de l’histoire locale. Rappelons-nous le château de Lunéville et le Parlement de Bretagne. Chaque fois, à la destruction par le feu, les hommes répondent par le désir de voir s’effacer le plus vite possible les traces des drames. Chaque Français conserve précieusement au cœur cette volonté de ne pas voir sacrifier les témoignages de son histoire.

La pierre n’est forte que du soin qu’en prennent les hommes. Ainsi, au-delà du drame, il y a l’espoir. N’oublions jamais les prouesses des artisans qui maintiennent les techniques ancestrales. En perpétuant les savoir-faire des ouvriers de toujours, la restauration d’ores et déjà envisagée, constituera un hommage double rendu à l’intelligence et à la main des hommes. Ce sont eux qui redonneront à la ville le château de leur fierté.

C’est pourquoi je m’adresse à tous les Angevins. Je sais que, chacun à sa place, élus et habitants, architectes, conservateurs et artisans, unis dans un même combat, animés par les sentiments nobles de la défense de nos trésors architecturaux, saura faire face à cette terrible catastrophe et la réparer le plus vite possible.

C’est ainsi que la France, à travers les symboles forts de son patrimoine bâti, maintient son identité tout en honorant les gloires de son passé, tel le roi René dont le souvenir perdure de l’Anjou à la Provence, de la Lorraine à l’Italie et à l’Aragon. Cette dimension spirituelle du patrimoine l’inscrit dans une vision d’avenir.

Elle saura être préservée à Angers où les commémorations vont commencer pour le 600 ème anniversaire de la naissance du roi René.

Louis de Bourbon
Duc d’Anjou

18 janvier 2009"

Source : UCLF

Louis XVI vu par les Editions Atlas

Afin de jauger quelque peu la façon dont la perception de nos rois et de la monarchie française évolue, en bien ou en mal, dans la France d'aujourd'hui, il existe plusieurs méthodes et approches, dont l'une, toute simple, peut consister à observer la teneur d'ouvrages de vulgarisation donc destinés au très grand public, tels que ceux que les Éditions Atlas publient depuis quelques mois sur les rois de France (voir le site internet de la collection) - rien que les titres de certains des premiers volumes laissent présager un traitement neutre sinon bienveillant : Louis XIV, Le Règne éblouissant ; Henri IV, Le Roi bienveillant. Au lendemain de l'anniversaire de l'assassinat de Louis XVI le 21 janvier, il m'a paru intéressant de donner en quelques lignes un avis (non exhaustif car concentré sur quelques aspects qui m'ont intéressé) sur le volume le concernant, intitulé Louis XVI, Un Roi dans la tourmente, ladite tourmente révolutionnaire étant la période la plus controversée de notre histoire.


Ce petit ouvrage de vulgarisation me paraît remplir sa mission dans une large mesure, d'autant qu'il prend en considération les avancées de la connaissance du règne de Louis XVI par les historiens : par conséquent il tient compte de sa relative réhabilitation. Louis XVI y est décrit comme un roi bienveillant qui veut le bonheur de son peuple et qui tient à en être aimé, et sont montrées quelques-unes des causes qui l'ont empêché de réformer le royaume, ce qui était nécessaire dans certains domaines à cause de l'état des finances. Tout d'abord l'éducation politique du roi a fait défaut, car son grand-père Louis XV n'a pas jugé bon de le former et de l'associer au pouvoir de son vivant comme il aurait fallu (on est loin des leçons politiques vécues puis reçues par Louis XIV dans sa jeunesse) - même s'il a reçu une formation intellectuelle tout à fait solide (ce dont il témoignera en s'intéressant aux sciences et à la géographie, aux travaux des Montgolfier ou en organisant lui-même l'expédition La Pérouse). Le décès prématuré à dix ans de son frère aîné, le duc de Bourgogne, qui faisait lui preuve de plus d'assurance et d'autorité, n'arrangera pas la tendance qu'avait le Dauphin à être plus réservé et introverti. Au début du règne, c'est l'inexpérience qui lui fera commettre deux erreurs majeures, ainsi le rappel des Parlements (concentration des privilégiés jaloux du pouvoir royal) puis la participation à la guerre d'indépendance américaine, qui ruinera un peu plus le royaume (l'ouvrage rapporte que Louis XVI reconnaîtra lui-même qu'on a abusé de sa jeunesse alors). Ces mêmes Parlements s'opposeront aux réformes fiscales tentées par plusieurs ministres célèbres de Louis XVI, tels Turgot pour le plus hardi ou encore Necker, et tout cela conduira à la convocation de États Généraux dont nous connaissons les suites funestes. Le peuple n'a malheureusement pas compris que la volonté du roi était une réforme fiscale dans le cadre de la monarchie absolue, et la Révolution a terminé de manière tragique l'opposition entre aristocratie et pouvoir royal. C'est là l'occasion de souligner quelques approximations du livre : les réformes fiscales, contrairement à ce qui y est dit plus ou moins clairement, ne nécessitaient aucunement de proclamer une monarchie constitutionnelle et de placer le pouvoir royal sous tutelle, ni de proclamer les droits de l'homme : cela n'a absolument rien à voir, d'autant que les revendications premières de 1789 ne touchaient pas à l'institution monarchique.

mercredi 21 janvier 2009 | By: Mickaelus

Message de Mgr le duc d'Anjou pour le 216ème anniversaire de la mort du Roi Louis XVI

La famille royale de France


"Mon Cousin [M. le duc de Bauffremont],
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis.

Les années passent et ne se ressemblent pas. Certaines sont plus joyeuses que d'autres. Le monde change mais certaines fidélités demeurent, telles que celle qui nous réunit pour le 216ème anniversaire de la mort du Roi Louis XVI.

Dans l’époque de crise que nous vivons, où beaucoup de fausses certitudes d’hier sont en train d’être remises en cause, quel beau symbole de voir que nous savons encore nous retrouver autour de valeurs. En effet, au-delà de la personnalité si attachante de Louis XVI, notre premier devoir est un devoir de mémoire et de fidélité aux valeurs et aux principes incarnés par la royauté française. Telle est aussi la Mission que se donnent toutes les associations, groupes et organismes qui, comme l’Institut de la Maison de Bourbon se sont voués à cet objectif et que je tiens à remercier pour leur inlassable activité.

Louis XVI par son sacrifice, mais aussi par sa vie qu’il a essayé de consacrer totalement au bonheur de son peuple reste pour nous tous un exemple. La lecture de son testament à la fois spirituel et politique doit toujours nous servir de méditation.

Rappelons nous ses ultimes paroles, invitation à la bienveillance et au pardon. Par delà la douleur et la solitude qui furent les compagnes de ses derniers jours, il nous a fermement invités, comme son fils à qui il s’adressait, à «oublier toute haine et tout ressentiment ». Nous devons méditer ses paroles empreintes de respect humain et de tolérance. Dans le monde si dur et souvent si plein de pessimisme dans lequel nous vivons, ce message nous éclaire et nous renforce.

Il doit nous encourager à conserver les repères que nous ont laissés nos aïeux, repères qui deviennent si importants au moment où le monde semble en manquer. Notre chance n’est elle pas de posséder une tradition vieille de mille cinq cents ans sur laquelle notre pays est construit ? Tradition qui s’incarne dans une famille dont j’assume actuellement les devoirs.

Aucun de nous ne sait ce que sera demain, mais nous savons, en revanche, tous que cet avenir sera ce que nous en ferons, sans place à la fatalité. Il est ce que notre volonté voudra qu’il soit. Tel était bien aussi le message de Louis XVI qui, en dernier ressort, s’en est remis à la France dont il souhaitait qu’elle retrouve le sens de ses valeurs et de sa tradition.

En ce début d’année, la Princesse Marie Marguerite, notre fille la Princesse Eugénie, et moi-même, nous vous assurons de tous nos souhaits pour notre Pays, pour vos familles et pour tous les Français éprouvés en grand nombre par les temps instables que nous traversons.

Que tous les saints de France, que saint Louis, continuent à protéger la France afin qu’elle demeure la grande et puissante nation édifiée par la sagesse et la patience des Capétiens.

Louis de Bourbon
Duc d’Anjou
18 janvier 2009"

Source : la lettre Monarchie Info de l'UCLF

Lire aussi : Le testament de Louis XVI

mardi 20 janvier 2009 | By: Mickaelus

La mosquée Notre-Dame de Paris : année 2048, par Elena Tchoudinova



Message initial du 23 novembre 2008 :

"La grande cathédrale Notre Dame de Paris fut appelée « la plus noble architecture conçue par l' homme ». Sa construction fut entreprise en 1163 par Maurice de SULLY (1110 - 1196), évêque de Paris, et elle s'acheva en 1250, soit 87 ans plus tard. La petite île de la Seine est un lieu saint depuis des millénaires. D'abord pour les Celtes qui y pratiquaient leurs rites les plus sacrés; puis les Romains y construisirent un temple dédié à Jupiter. Sur les ruines de ce temple, Childebert (496 - 558), fils de Clovis le fondateur de la dynastie mérovingienne, construisit en 528, une basilique dédiée à Saint Etienne. Depuis, cet endroit est sacré pour les chrétiens.

Elena CHUDINOVA croit que cela ne va plus durer longtemps. L'une des écrivains les plus populaires de Russie, dans sa plus récente nouvelle, « la mosquée Notre Dame de Paris », un véritable best-seller.

Elena CHUDINOVA prend sérieusement en compte la transformation de l' Europe en Eurabie - l'islamisation de l' Europe - Sa nouvelle se déroule en 2040. Représentant en 2005, entre 40 et 50 % des moins de 20 ans, dans de nombreuses villes françaises, la population des descendants d' immigrants musulmans a augmenté. Elle est légalement arrivée au pouvoir par les élections. L'islam a été déclaré religion d'Etat en France. La charia a remplacé les lois républicaines et Notre Dame de Paris a été convertie en mosquée.

Les derniers chrétiens restants sont forcés de vivre dans des ghettos comme les Juifs à Varsovie durant la deuxième guerre mondiale. La nouvelle raconte l'histoire d'un petit groupe de résistants chrétiens qui refuse la charia et qui décide de résister armes à la main."


Le message d'Elena Tchoudinova

Chers lecteurs,

Malgré le fait que le roman "La mosquée Notre Dame de Paris" ait suscité l'intérêt du public français, l'auteur n'a pas trouvé la possibilité de le faire publier en France.

C'est pour cette raison que Elena Tchoudinova et son traducteur français ont pris la décision de diffuser cette oeuvre sur le WEB, afin que les personnes intéressées puissent en prendre connaissance.

La reproduction de cette oeuvre, intégrale ou partielle, est autorisée dans le cadre non-commercial, et doit être destinée à l'usage privée du copiste.

Elena Tchoudinova, 2008.

***

Édition du message initial, le 19 janvier 2009 :

J'ai effacé les deux liens qui permettaient de télécharger gratuitement le roman traduit en français, pour la simple et bonne raison qu'Elena Tchoudinova a enfin trouvé une maison d'édition en France pour publier son roman dans les formes qu'il mérite. Je vous copie ici le communiqué que m'a fourni l'éditeur :


Communiqué sortie Mosquée Notre-Dame de Paris

Les éditions Tatamis ont été créées en mars 2006 pour publier des livres présentant un grand intérêt mais ayant été refusés par les maisons auxquelles ils avaient été soumis. Des refus motivés par de mauvaises raisons, allant de l’incompétence à la mauvaise foi, en passant par le politiquement correct et le risque économique.

En novembre 2008, Elena Tchoudinova décidait de publier gratuitement sur Internet son roman « La mosquée Notre-Dame de Paris », son best-seller russe qu’elle avait fait traduire elle-même en français. En effet, après trois ans de travail acharné pour trouver un éditeur en France, les efforts de son agent s’étaient révélés vains. C’était donc une bouteille à la mer qu’elle envoyait par Internet, et c’est ainsi que les éditions Tatamis prirent connaissance de l’existence de son livre.

Roman d’anticipation puissant et bien écrit, succès énorme en Russie (près de 100 000 exemplaires vendus depuis sa parution en 2005), ce livre projette le lecteur dans une France de 2048 devenue musulmane. Un voyage que seule la littérature permet, et qui, par delà les aventures humaines narrées dans le récit, pose des questions importantes qui concernent tous nos compatriotes.

Le contact avec Mme Tchoudinova fut dès le début très cordial, et nous sommes rapidement parvenus à un accord sur les droits français et mondiaux de son livre (hors Russie, Serbie et Norvège où le livre est déjà paru).

Tant que ce roman restait refusé par les éditeurs en France, on pouvait croire que nous étions en 2009 déjà proches de la réalité volontairement caricaturale que décrit Elena dans son roman. C’est sans doute la première raison pour laquelle Tatamis a décidé de publier ce récit d’anticipation, bien que d’habitude la maison publie des essais. Fort heureusement, l’Islam en France peut donc encore faire l’objet de romans.

Le roman doit sortir en avril 2009, mais ceux qui le souhaitent peuvent le pré-commander dès maintenant.

Les 100 premiers acheteurs sur le site des éditions Tatamis recevront en cadeau un exemplaire du livre Les Chemins de la puissance, écrit par un collectif d’universitaires spécialisés dans l’intelligence économique.

Toutes les informations sur cette offre se trouvent sur :

http://www.tatamis.fr/sites/journalisme/article/article.php/id/111447

Précision importante, le roman d’Elena Tchoudinova est préfacé par Anne-Marie Delcambre, docteur d’Etat en droit, docteur en civilisation islamique, professeur d’arabe.

Enfin, l’actualité du livre pourra être suivie sur un blog, où figure déjà la 1ère partie de la 1ère interview donnée en France par Elena Tchoudinova :

http://mosquee-notre-dame.blogspot.com/

Bonne lecture à tous !

Les éditions Tatamis

http://www.tatamis.fr

mercredi 7 janvier 2009 | By: Mickaelus

La société féodale aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, par Georges Duby

Dans La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise (publié aujourd'hui dans un recueil comprenant plusieurs textes : Qu'est-ce que la société féodale ?), qui n'est autre que sa thèse, l'historien médiéviste Georges Duby, au moyen d'un travail rigoureux et très méticuleux sur les archives principalement religieuses de sa région, nous livre une somme impressionnante sur les conditions de l'émergence de la société féodale dans cette région : conditions politiques avec l'effacement de la monarchie carolingienne et donc de la souveraineté comme du droit régalien et public au profit des droits privés des seigneurs et des coutumes, mais aussi conditions économiques puisque la richesse, les propriétés et dépendances terriennes, la circulation de la monnaie jouent un rôle de premier plan dans la composition et l'évolution de la société féodale. L'intervention du roi Louis VII dans la région à l'occasion de querelles entre seigneurs laïcs et religieux marquera le début du retour du pouvoir royal. Voici ci-dessous une bonne partie de la conclusion générale qui donne un bel aperçu de la teneur d'un ouvrage dont je vous recommande chaudement la lecture.

"En Mâconnais, pendant le XIe et le XIIe siècle, la société laïque est organisée tout entière en fonction du château. Les forteresses, peu nombreuses, ont été élevées autrefois sur l'ordre des souverains ou de leurs représentants et pour les besoins de leur politique ; mais chacune d'elle appartient en propre à un seigneur privé dont les ancêtres, à l'époque carolingienne, étaient des fonctionnaires royaux, investis du ban militaire. Indépendants les uns des autres, ces sires (domini) détiennent le pouvoir de commander et de punir et l'exercent sur un territoire qui correspond en gros à l'ancien districtus de la forteresse publique. Seules quelques enclaves, où s'est maintenue et renforcée l'immunité ecclésiastique, sont entièrement soustraites à leur autorité ; partout ailleurs leur puissance domine et contrôle les droits de ban inférieurs, basse justice et petites coutumes, qui parfois sont laissés aux communautés religieuses et aux hobereaux de village sur leurs dépendants personnels et dans leur domaine. Cette répartition des pouvoirs de commandement n'affecte guère le régime des terres - les alleux petits et grands restent très nombreux et les méthodes d'exploitation foncière n'ont pas sensiblement varié - mais elle détermine le statut des hommes et les rapports qu'ils entretiennent.

Les laïcs, en effet, selon la nature de leurs obligations envers les châtelains, se répartissent en deux catégories juridiques. La première, très restreinte, groupe moins de deux cent familles dont les mâles, quand ils sont adultes, portent le titre de chevalier ; spécialistes du combat, ils sont exempts des coutumes banales : le maître de la forteresse dirige leur activité militaire mais n'a pas le pouvoir de les contraindre ni de les châtier. Les "travailleurs", par contre, paysans ou gens des villes, tenanciers ou alleutiers, sont étroitement soumis à son ban et à sa justice et sont chargés d'exactions. Ces deux classes sont héréditaires, mais elles correspondent dans une large mesure aux deux principaux degrés dans la hiérarchie des fortunes foncières ; en l'an mil, la qualité chevaleresque fut réservée aux plus riches, héritiers pour la plupart de quelques très grands propriétaires de l'époque franque, à ceux dont le domaine était suffisamment vaste pour leur fournir de quoi s'équiper, s'entraîner et participer aux expéditions militaires ; échappant aux tailles, protégés de l'appauvrissement par les contraintes lignagères, leurs descendants ont conservé leur supériorité économique.

De même les liens d'homme à homme se nouent généralement dans le cadre de la châtellenie. Certes, les chevaliers, strictement retenus dans la solidarité familiale, peuvent s'unir par l'hommage à d'autres patrons ; mais ils sont tous, en raison de leur résidence, attachés à la forteresse voisine et les milites castri sont de ce fait les feudataires et les fidèles du châtelain. Quant aux "travailleurs", rassemblés dans la communauté de paroisse, ils sont aussi ses manants, parce qu'ils habitent la circonscription qu'il régit ; certains sont les hommes propres d'un maître privé, mais la dépendance personnelle cède d'ordinaire le pas à la dépendance d'origine territoriale.

*

Cet aménagement de la société est la conséquence directe d'un fait politique, la décomposition de l'État carolingien. La faillite de l'institution royale entraîna d'abord l'affaiblissement du pouvoir comtal, la fractionnement du pagus, le partage des droits régaliens qui, lorsque la présence du souverain ne fut plus sensible, devinrent aux mains des châtelains des droits privés, des "coutumes". Les alleutiers les plus aisés, qui naguère relevaient immédiatement du comte, échappèrent à la seigneurie banale et formèrent dès ce moment une classe distincte, la chevalerie, caractérisée par un titre, une fonction, des privilèges. Ce changement fondamental se produisit en Mâconnais entre 980 et 1030. Dans les années suivantes, la structure sociale se plia aux nouvelles conditions politiques : les devoirs vassaliques se fixèrent en s'attachant à la tenure féodale ; la chevalerie, d'abord classe de fortune et de genre de vie, devint peu à peu une caste héréditaire, une vraie noblesse, tandis que se resserraient les liens de parenté dans l'aristocratie, les liens de voisinage parmi les paysans. Entre 1080 et 1100, l'évolution parvient à son terme : avec l'antique distinction entre la servitude et la liberté disparaît alors la dernière survivance des institutions de droit public.

Mais l'effondrement de la monarchie carolingienne avait lui-même des causes plus lointaines, d'ordre économique celles-ci. La difficulté des communications, la rareté de la monnaie et des échanges conviaient les pouvoirs à se cantonner dans des territoires restreints, isolés les uns des autres. En s'organisant en fonction du château, la société mâconnaise achève donc au XIe siècle de s'adapter à l'économie presque exclusivement rurale du haut Moyen Âge.

Or, à ce moment, la tendance économique est déjà renversée. Depuis quelques temps, le commerce se ranime lentement en Occident, et le Mâconnais, pays de routes, ressent bientôt les effets de ce renouveau. Le défrichement des solitudes forestières entrepris dans cette région dès le milieu du Xe siècle favorise l'accroissement de la population ; des hommes plus nombreux entretiennent entre eux des relations plus étroites ; vers 1030, les contemporains s'émerveillent des progrès de la circulation routière ; les villes se développent et, autour de 1075, alors que se fondent les nouveaux péages, les bourgeois, spécialistes du commerce, se distinguent des autres "travailleurs". Le mouvement, de jour en jour plus intense et plus facile, des voyageurs, des marchandises et de l'argent bouleverse les conditions de la vie quotidienne et oblige les relations sociales à s'organiser différemment. A peine installée dans ses nouveaux cadres, la société doit poursuivre son évolution et cette fois en sens inverse.

L'équilibre se maintient cependant tant bien que mal pendant près d'un siècle et c'est seulement vers 1160 que la châtellenie et la structure sociale qu'elle supporte commencent à se désagréger. Les bourgeois et certains paysans, gagnant facilement de l'argent, peuvent arrondir leur patrimoine et acheter à leur seigneur l'allègement des coutumes banales ; au contraire, les chevaliers et la plupart des châtelains recueillent moins de deniers qu'ils n'en dépensent et sont contraints pour satisfaire leurs besoins d'aliéner leur terre et leur indépendance, perdant ainsi ce qui faisait leur supériorité. Ainsi sont ébranlés les fondements économiques de la hiérarchie sociale. Pendant ce temps s'opère une nouvelle répartition de l'autorité : le roi et quelques grands seigneurs qui disposent de meilleures finances peuvent soumettre à leur contrôle les châteaux, entretenir un personnel d'administrateurs salariés donc dociles, acquérir l'hommage des nobles et reconstituer de cette façon de vastes principautés régionales. Au milieu du XIIIe siècle, la transformation est complète, et s'il fallait fixer un terme précis à cette évolution, nous choisirions volontiers, mais surtout pour sa valeur symbolique, l'année 1239, date de l'annexion du comté de Mâcon au domaine royal.

*

Dès lors, la condition des personnes dépend beaucoup moins de leur position face au château et à son seigneur que du statut des terres qu'elles possèdent. On commence en effet à distinguer trois catégories de biens-fonds, les terres nobles, les terres roturières et les terres taillables. Les premières, qui sont maintenant très souvent des tenures féodales, confèrent à ceux qui les détiennent, qu'ils soient fils de chevaliers ou fils de rustres, le droit de juger et d'imposer ; elles les astreignent en revanche à prêter hommage à un seigneur et à s'acquitter envers lui des honorables obligations vassaliques. Les secondes qui, chargées d'exactions, passent d'ordinaire pour des censives, imposent à leurs possesseurs la prestation de services matériels dont le montant est fixé par la coutume. Les dernières enfin, soumises à des obligations plus dégradantes et que l'on tient pour serviles en raison de leur caractère arbitraire, déterminent la sujétion personnelle des paysans qui les exploitent et les privent de la liberté. Bien que la noblesse de sang se maintienne artificiellement, la structure sociale repose désormais sur un système de relations foncières, qui sert également d'assises aux nouvelles formations politiques. L'alleu est en voie de disparition.

Il faut donc distinguer dans ce qu'on appelle la féodalité deux aspects, un aspect politique, la dissolution de la souveraineté, un aspect foncier, la constitution d'un réseau cohérent de dépendances où sont prises toutes les terres et par elles ceux qui les détiennent. En Mâconnais, ces deux aspects ne sont pas simultanés mais successifs. Aux XIe et XIIe siècles, au temps où le pouvoir royal est le plus faible, où les châtelains sont maîtres absolus chez eux, où la division de la société laïque en deux ordres, celui des chevaliers et celui des travailleurs, est la plus nette, la plupart des terres sont indépendantes et la seigneurie banale, issue des pouvoirs régaliens, ne se confond pas avec la seigneurie foncière, issue du régime domanial. Au XIIIe siècle, les alleux nobles sont les uns après les autres repris en fiefs ; les droits banaux, que supportent les alleux roturiers, sont assimilés peu à peu aux redevances domaniales ; ainsi se raréfient rapidement les terres "quittes et franches" ; mais à ce moment, les pouvoirs supérieurs de commandement sont déjà repris en main par le roi et les princes, et les châteaux réintégrés dans l'État. Il existe bien "deux âges féodaux".

L'expression est de Marc Bloch, qui plaçait la charnière entre deux périodes dans le courant du XIe siècle, au moment où se manifestent les premiers effets de la révolution économique. Certes, c'est bien vers 1050 que le milieu commence à se transformer, mais le bouleversement de la structure sociale elle-même est plus tardif. Les documents du Mâconnais nous invitent à adopter une autre chronologie et à situer entre 1160 et 1240 le moment où le temps des fiefs, des censives et des principautés féodales succède à celui des châtellenies indépendantes. [...]"

Georges Duby, La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, dans Qu'est-ce que la société féodale ?