jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

Rendez-moi mon Dieu !



Tulerunt Dominum meum.
« Ils m'ont enlevé mon Dieu. "
(Joan., XX, 13.)


Il était là, tout seul, ce brave Vendéen,
Contre dix ennemis, à son heure dernière...
Il était là, tout seul, murmurant sa prière,
Baisant la sainte croix qu'il pressait de sa main.

Son âme de héros ne perdit pas courage ;
Son front ne pâlit point, quand il vit près de lui
Les féroces bourreaux... Il avait pour appui
Son Christ, Dieu, pour braver cette horde sauvage.

Les tigres rugissaient ; de leur regard perçant,
Jaillissaient des éclairs ; leurs flancs battaient de joie :
Devant eux, sans défense, ils contemplaient leur proie ;
Leur cruauté déjà flairait son noble sang.

Oh ! leur cœur était grand et leur âme héroïque !
Ils étaient dix contre un, et ne rougissaient pas ;
Ils étaient beaux ainsi, ces valeureux soldats,
Qui voulaient implanter chez nous leur république !

Le Vendéen priait, lorsque ce cri : « Rends-toi ! »
Comme un arrêt de mort, sortit des dix poitrines.
Le front resplendissant de lumières divines,
Le chrétien répondit : « Bourreaux, regardez-moi !

« Suis-je donc un enfant qu'on prend par les alarmes ?...
Sachez qu'un Vendéen est un homme de cœur,
Qui préfère la mort à votre déshonneur.
Vous êtes dix contre un... c'est bien ! prenez vos armes ! »

Et les lâches frappaient... et leur glaive cruel
Se rougissait du sang de la pure victime.
Leur rire satanique applaudissait au crime ;
Lui, le martyr, priait et regardait le ciel...

Il embrassait du Christ la sainte et douce image,
Quand, d'un grand coup de sabre, un des soldats maudits
La brise insolemment, et les autres bandits
L'écrasent sur le sol, en vomissant l'outrage.

Le héros frémissait devant ces attentats...
Son sang coulait à flots par plus de vingt blessures ;
Mais, des chiens furieux oubliant les morsures,
Il demandait pardon pour chacun des soldats.

Et les cris redoublaient : « Paysan fanatique,
Rends-toi ! » Mais lui, levant son regard au ciel bleu,
Pour affirmer encor sa foi de catholique,
Il leur jeta ces mots : « Vous, rendez-moi mon Dieu ! »


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)