jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

Marie-Louise du Verdier de La Sorinière



Dieu lui dit : « Viens, enfant, fuis cette aride plage,
« Viens, dirige tes pas vers le sacré rivage ;
« D'une gloire immortelle on y cueille les fleurs... »
(Mlle Elize Moreau à M. de Lamartine.)



Quand, à Nantes, Carrier, de sinistre mémoire,
Du sang des Vendéens rendait rouge la Loire,
Dans la ville d'Angers, un loup non moins cruel
Les dévorait aussi... C'était de Francastel !...

A la mort, chaque jour, avec d'affreux blasphèmes,
Il envoyait vieillards, femmes, enfants eux-mêmes.
Dans les murs des prisons, le sang coulait à flots ;
On n'entendait partout que plaintes et sanglots.

Or, au martyre, un jour, allaient de longues files
De femmes d'un grand âge, et d'âmes juvéniles.
Triste était le trajet, les pleurs étaient aux yeux ;
Une captive seule avait le pas joyeux.

Marie-Louise était l'honneur de sa famille,
Et le ciel bénissait la pure jeune fille.
La grâce illuminait ses traits épanouis :
Elle avait la beauté de la rose et du lis.

Les martyres allaient vers la place fatale.
Et les bourreaux, poussés par la haine brutale,
Par leurs propos grossiers insultaient au malheur,
Et les cœurs défaillaient de honte et de douleur.

Marie-Louise alors d'une voix angélique
Entonna, dans la marche, un sublime cantique
Qui, domptant des bourreaux l'indigne cruauté,
Vint rendre aux cœurs tremblants un peu de fermeté.

Les femmes en effet levèrent leur visage,
Affermirent leurs pas et reprirent courage.
La fureur des soldats devant tant de grandeur
S'apaisa... La pitié fit battre plus d'un cœur.

Un officier des Bleus, ému, s'approcha d'elle...
« Voulez-vous m'épouser ? ô noble demoiselle.
Acceptez-vous ma main ? parlez, je puis encor
Effacer votre arrêt, vous sauver de la mort. »

La douce jeune fille, à ces mots, le regarde,
Puis, indiquant le ciel : « Non, dit-elle, il me tarde
De m'envoler là-haut, laissez-moi mon essor...
A ton amour, soldat, je préfère la mort ! »

Sous les balles des Bleus, les femmes vendéennes
Tombèrent tour à tour en vaillantes chrétiennes ;
Marie-Louise encor dans ses chants louait Dieu,
Quand l'officier, pleurant, fit commander le feu.

Les deux bras étendus, calme dans sa prière,
La jeune fille, au cœur, reçut la charge entière...
Mais ses lèvres avaient un sourire immortel.
« C'est vrai, dit l'officier, elle est bien mieux au ciel ! »


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)