Nous sommes heureux de donner, après la lettre du marquis de La Rochejaquelein, celle de son digne successeur à la Chambre des députés, M. H. Savary de Beauregard.
Sympathique à tous ceux qui l'approchent, il n'est connu, dans tout le Bocage Vendéen, à cause de ses grandes qualités et de son aimable dévouement, que sous le nom de Monsieur Henry.
Un brave paysan, petit-fils de chouans, me disait dernièrement de lui : « Môssieu Henry, o l'et in'boume qu'a poué pou, qui obe dret d'vont li é pis qu'é piin de r'ligiin. Si j'en aviins bé raide queme li, j's'riins pouét embotis quemej'sins : Monsieur Henry, c'est un homme qui n'a point peur, qui marche droit devant lui et qui est plein de religion. Si nous en avions beaucoup comme lui, nous ne serions pas embourbés comme nous le sommes. »
C'est vrai.
Chambre des députés
Paris, le 10 décembre 1897.
Mon cher ami,
Sous la robe de moine que vous avez l'honneur de porter, vous cachez un coeur de soldat ; nul donc, mieux que vous, ne pouvait comprendre et chanter l'immortelle gloire de nos pères. Enfant de ce Bocage Vendéen, dont chaque champ fut arrosé du sang d'un martyr, bien souvent, j'en suis sûr, vous avez tressailli quand le cri de la chouette, vieux signe de ralliement, réveillait les échos du val de Prouette où les vôtres ont vécu.
En cheminant le soir dans nos sombres sentiers, n'avons-nous pas tous évoqué le souvenir de ces milliers de héros en sabots qui, le travail fini et la prière dite, étaient passés par là eux aussi, l'arme au bras, pour aller généreusement mourir ?
Ah ! vous avez bien fait de remettre sous les yeux de cette génération sans idéal et sans courage les grands exemples du passé.
Nos ancêtres auraient-ils donc épuisé toute la sève de ce vieux sol de France? Je ne veux pas le croire. Le Dieu pour lequel ils ont été si prodigues de leur sang en aura bien laissé quelques gouttes dans les veines de leurs fils.
Oui. mon cher ami, votre œuvre était utile et elle naît à son heure. Le peuple, las des mensonges et des promesses vaines, se prend à regretter la vieille chanson qui jadis berçait ses douleurs. Ce n'est pas en vain que cinquante générations de mères sincèrement catholiques avaient pendant des siècles infusé dans son âme les principes et l'amour de la religion du Christ.
Des sophistes et des ambitieux ont pu tromper ce peuple et l'égarer ; il arrive toujours un moment ou le besoin de la vérité se fait sentir.
Malgré toutes les attaques et toutes les défaillances, la foi, qui avait fait notre patrie si grande et si forte, n'est pas morte encore. Voyez tous les sacrifices qu'elle suscite et toutes les oeuvres qu'elle soutient. Espérons donc dans ce renouveau que certaines lueurs semblent présager.
En rappelant la grandeur de ces Vendéens dont nous sommes si fiers de descendre, de ces géants, comme les appelait Napoléon, qui seuls bravaient la tempête révolutionnaire pour défendre leurs autels, vous avez noblement participé, mon cher ami, au travail que nous devons tous entreprendre et poursuivre, et qui consiste à ressusciter chez nos concitoyens le sentiment chrétien, base de notre vieil honneur national.
Henry Savary de Beauregard, député des Deux-Sèvres
Souvenirs du bocage vendéen (1898)
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