jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

Le vieux château de Saint-Mesmin



Le jour naît, le combat continue à grand bruit,
La pâle nuit revient, ils combattent ; l'aurore
Reparaît dans les cieux, ils combattent encore.
(Victor Hugo, Légende des siècles.)


Depuis trois jours déjà, depuis trois longues nuits,
Le canon vomissait ses boulets, sa mitraille ;
Les donjons du castel étaient presque détruits :
Il ne restait debout qu'un vieux pan de muraille.

Des soldats vendéens défendaient ces débris ;
Les Bleus tiraient sans cesse... ils étaient quatre mille.
La rage, de leur cœur, faisait jaillir des cris,
Mais ne pouvait briser ce rempart si fragile.

Péault, le commandant des défenseurs du roi,
A ses soldats disait « A la mort ! à la gloire !
Combattons sans trembler et mourons sans effroi,
Si nous ne devons point remporter la victoire ! »

Et grandissant leur cœur, dans un sublime effort,
Les Vendéens visaient des vieilles meurtrières ;
Chaque coup de fusil faisait passer la mort ;
Leurs balles portaient bien, mais c'étaient les dernières.

Le sol était jonché des cadavres des Bleus ;
Leur sang coulait à flots au fond de la vallée ;
Ils jetaient vers le ciel des blasphèmes affreux ;
Et leur troupe, un instant, même fut ébranlée.

Le chef républicain voulut parler de paix
A ces rudes chrétiens que l'on ne pouvait prendre,
Mais pour toute réponse il eut ce cri : « Jamais !
Tous ici nous savons mourir, mais non nous rendre ! »

C'était le noble cri des soldats vendéens,
Arraché de leur cœur au milieu des prières ;
Ils repoussaient encor tous les républicains,
Et n'ayant plus de poudre, ils leur lançaient des pierres.

Mais, depuis trois grands jours, ils n'avaient plus de pain !
Et leurs bras commençaient à tomber de faiblesse ;
Sans armes, dévorés par la soif et la faim,
Le silence se fait... et la bataille cesse.

Et les républicains se mirent sur deux rangs ;
L'estime dans le cœur, la louange à la bouche ;
Car, malgré leur colère, ils admiraient les Blancs ;
L'héroïsme en impose au cœur le plus farouche.

Alors, on vit sortir pâles, défaits, poudreux,
Les guerriers vendéens de leur dernier asile.
La besogne fut rude... Eux seuls, quarante-deux,
Ils avaient résisté trois jours à quatre mille.


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)