jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

Le Chapelet sous les balles



Clamemus in caelum, et miserebitur nostri Dominus, et conteret exercitum istum ante faciem nostram hodie.
« Crions vers le ciel : Le Seigneur aura pitié de nous et il brisera cette armée qui est en notre présence. "
(I Machab., IV, 10.)

Bressuire était aux Bleus... Son antique château,
Bâti par les Anglais sur les flancs d'un coteau,
Aux Vendéens montrait sa solide muraille,
Assise sur le roc, toute en pierres de taille.

Au fond de la vallée, avec fureur, les Blancs
Tiraient sur ces remparts et les frappaient aux flancs :
Mais, malgré leur vaillance et leur terrible étreinte,
Pas une pierre encor ne tombait de l'enceinte.

Ils s'étaient élancés furieux aux remparts,
Les avaient sous le feu cernés de toutes parts ;
Ils avaient fait pleuvoir sur eux leurs projectiles ;
Mais le granit riait de leurs efforts stériles.

Les Vendéens étaient, à cette heure, irrités,
De se voir par un mur si longtemps arrêtés ;
La rage, de leurs yeux, faisait tomber des larmes.
Et, pris de désespoir, plusieurs brisaient leurs armes.

Et les Bleus triomphaient... Sur leurs épaisses tours,
Ils chantaient : « Les brigands sont vaincus pour toujours,
Il faudra désormais que leur orgueil se taise ! »
Et, moqueurs, ils hurlaient l'ignoble Marseillaise.

Soudain, sur le vieux pont, on vit des Vendéens,
Nombreux, serrés, ardents : c'étaient les Poitevins ;
Près d'eux était leur chef, le marquis de Lescure :
On le reconnaissait à sa douce figure.

Sans craindre la mitraille et sans peur des boulets,
Ces courageux chrétiens prirent leurs chapelets.
Quand sur eux des canons s'abattait la furie,
Ils redisaient : « Priez pour nous, Vierge Marie ! »

En voyant, des remparts, ces hommes à genoux,
Les Bleus, pleins de mépris, multipliaient leurs coups.
Les Vendéens disaient : « Pensez à nous, ô Mère,
Et donnez à nos bras votre aide salutaire ! »

Tout à coup, Marigny, l'intrépide soldat,
Fond sur eux en criant : « Au combat ! au combat !
Il faut vaincre ou mourir ! Poitevins, le temps presse !
Il faut chasser les Bleus, prendre la forteresse !

— Laissez-les, dit Lescure, en regardant les cieux,
Oh ! laissez-les prier ! ils s'en battront bien mieux !
Quand un homme au Seigneur sait dire une prière,
Cet homme est invincible, à lui la terre entière ! »

Lescure se relève et, le front rayonnant :
« Soldats de Dieu, dit-il, à l'assaut, maintenant !
Le moment est venu ! c'est l'heure solennelle !
Fiers chrétiens, en avant ! c'est Dieu qui vous appelle ! »

Les Poitevins alors, à cet ordre divin,
S'élancent aux remparts qu'avait pris Duguesclin,
Les prennent à leur tour, mettent les Bleus en fuite,
S'emparent de la ville et vont prier ensuite.


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)