jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

Le dernier coup de fusil



Ille Iterum verberabat.
« C'était pour la seconde fois qu'il frappait. »
(Num., XXII, 25.)


Trois fois les Vendéens avaient saisi les armes,
Pour venger de leurs rois la douleur et les larmes,
Pour obéir au ciel.
Trois fois ces paysans, ces âmes plébéiennes,
N'avaient pas refusé le sang pur de leurs veines
Pour protéger l'autel.

Ils s'étaient tous levés aux paroles guerrières
Que fit entendre, un jour, au seuil de leurs chaumières,
Cathelineau d'Anjou.
Car c'est lui, le premier, sous une ardeur divine,
Qui prit le Cœur du Christ, le mit sur sa poitrine,
Et leur cria : « Debout ! »

Lui, le premier de tous, il avait dit : « Arrière ! »
Et tiré sur les Bleus, à La Poitevinière,
Le premier coup de feu.
Avant tous il avait combattu dans l'arène,
Allumé le courage en l'âme vendéenne,
Pour la France et pour Dieu !

En marchant sur ses pas, la Vendée héroïque
Avait lutté, six ans, contre la République,
Toujours avec honneur.
Contre Napoléon, elle voulut combattre ;
Celui-ci la vainquit, mais il ne put l'abattre
Ni lui briser le cœur.

Et l'Europe admirait cette lutte géante,
Ce courage chrétien, cette valeur ardente,
Ces combats de héros.
Elle battait des mains et disait : « La Vendée,
Du sang de ses martyrs saintement fécondée,
A vaincu ses bourreaux. »

Elle a vaincu, c'est vrai, cette terre fidèle,
Car a elle su garder toujours pure chez elle
La foi de Jésus-Christ.
Ses ennemis n'ont pu débaptiser son âme,
Ni de son cœur sanglant voir s'éteindre la flamme,
Pour le royal proscrit.

Elle a su, de sa main désarmée et brisée,
Relever cette croix de son sang arrosée,
La faire resplendir.
Un peuple aussi chrétien, d'une aussi haute taille,
Peut bien être accablé, dans un jour de bataille,
Mais il ne peut mourir.

Dix-huit cent trente-deux mit la dernière gloire
Et le dernier rayon aux pages de l'histoire
De ce peuple chrétien,
Car c'est alors qu'il dit au fils du régicide :
« Quoi que pour ton honneur la révolte décide,
« Va ! pour moi tu n'es rien !

En l'an quatre-vingt-treize, on vit avec ivresse
Du grand Cathelineau la balle vengeresse
Tuer le premier Bleu ;
Dix-huit cent trente-deux vit terminer la guerre
Par un Cathelineau tirant avec colère
Le dernier coup de feu (1) !

(1) Henri de Cathelineau, au combat de La Grande-Roche (1832).


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)