jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

1873 - Espérance


Il vient, quand les peuples, victimes
Du sommeil de leurs conducteurs,
Errent aux penchants des abîmes,
Comme des troupeaux sans pasteurs.
(Lamartine, Méditations poétiques.)


La France !... Elle est couchée au lit de la douleur ;
Son bras n'a plus d'épée et son front plus d'honneur,
Son cœur ne bat qu'à peine.
Elle est là !... chaque jour la pousse vers la mort ;
Elle souffre et gémit... stérile est son effort,
Pour secouer sa chaîne.

Car des hommes sans nom s'attachent à son flanc,
Et, vampires hideux, lui sucent tout le sang,
L'écrasent sur sa couche.
Au milieu des sanglots, si la France parfois
Veut demander secours, faire entendre sa voix,
Ils lui ferment la bouche.

En face du mépris où nous sommes plongés,
Dans l'abîme sans fond, qui nous tient submergés,
Où nous voyons la France,
Sous les cruels affronts dont couvrent le pays
L'infâme République et ses nombreux bandits,
Est-il quelque espérance ?

Il en est une encor. — Le Christ aime toujours
Le grand peuple des Francs, il veut des anciens jours
Lui retracer l'histoire.
Au signe de son doigt, du ténébreux tombeau,
La France sortira, pour briller de nouveau,
Et retrouver sa gloire.

A la France le Christ n'inflige pas encor
Le sort de la Pologne : il ne veut pas sa mort,
Mais, pour elle, il envoie
Un homme dont la main lavera son affront,
Lui rendra sa grandeur, relèvera son front,
Lui donnera la joie.

Et cet homme est le fils de soixante-neuf rois ;
Son royal étendard est marqué de la Croix,
Avec cette devise :
Je dois baisser mon front devant le Créateur ;
Je dois marcher toujours au chemin de l'honneur,
Pour la France et l'Église.

Mais cet homme sauveur, ce grand roi, quel est-il ?
C'est le dernier Bourbon. — Sur la terre d'exil,
Loin de nous il demeure.
Lui seul, il le sait bien, un jour, nous doit guérir ;
Il a les yeux sur nous, il est prêt à venir,
Mais il attend son heure.

Et cette heure viendra... ; déjà de toutes parts
Vers le noble exilé se portent les regards,
Et bien des cœurs l'appellent.
Déjà de son drapeau l'on voit flotter les plis ;
De pleurs à son aspect bien des yeux sont remplis ;
Les chemins se nivellent.

Et cette heure viendra... ; car déjà l'on peut voir
Dans le peuple passer des symptômes d'espoir,
Le peuple se fatigue...
Des hommes, dégoûtés des hontes, des affronts,
Accourent avec nous, sans rougeur à leurs fronts,
Grossir la sainte Ligue.

Ah ! quel beau jour pour nous, quand nous verrons, joyeux,
Notre roi sur le trône où furent ses aïeux,
A son front la couronne !
Nous pousserons alors jusqu'aux astres ce cri :
Vive Henri notre roi ! Vive le grand Henri !
Vive Dieu, qui le donne !

Allons ! prince, venez, nos regards sont sur vous ;
C'est l'heure d'arracher tout un peuple à genoux
A la désespérance.
Il est temps... oui, venez, pressez, pressez vos pas !
Nos cœurs vont vous chercher ; prince, ne tardez pas !
Venez sauver la France !


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)