On était en janvier, en l'an quatre-vingt-treize ;
Tous les esprits étaient de terreurs assaillis :
La France, au cœur brisé, respirait mal à l'aise,
Et des voix d'outre-tombe agitaient le pays.
De longs sillons de feu traversaient l'atmosphère,
En marquant l'horizon d'hiéroglyphes sanglants ;
Des tremblements soudains secouaient notre sphère
Les arbres se courbaient sous des souffles brûlants.
Des antiques tombeaux les dalles se fendirent,
Dans cette terre sainte, où sont les trépassés...
Alors, pâles, troublés, les vivants entendirent
Des plaintes et ces mots tristes et cadencés :
« Le sacrifice est fait... Dieu puissant que j'implore,
Si je brise mon cœur, je le brise pour Toi.
Du moins que mon martyre, ô Seigneur, soit l'aurore
D'un avenir plus sûr pour le Christ et le roi.
« Si mes enfants, un jour, acceptent cette épreuve,
Et si la lourde croix leur fait saigner le cœur,
De la honte, ô mon Dieu, barre l'immense fleuve
Qui roule sur la France et souille son honneur.
« Elle viendra, cette heure, où la France endormie,
Pour retourner à Toi, sortira du tombeau ;
Et loin d'elle jetant le haillon d'infamie,
Elle ira prendre encor la croix pour son drapeau.
« Mes pauvres paysans, sans connaître la guerre,
Des ennemis du ciel sauront vaincre l'orgueil ;
Dans leur cœur passera ta trop juste colère,
Et leurs mains des méchants fermeront le cercueil.
« Quand leur vaillance aura partout sonné l'alarme,
On les verra pour Dieu délaisser leurs sillons.
Les vieillards rajeunis se saisiront d'une arme,
Et viendront de partout grossir les bataillons.
« Chrétiens, sachez mourir pour Dieu, pour la patrie,
Français, jusqu'à la mort, défendez votre roi.
La source de la force, en vous, n'est point tarie,
Luttez pour conserver et grandir votre foi !
« C'est le jour du danger, l'heure de la bataille,
De vos rois bien-aimés arborez l'étendard.
Pour conserver les lis, que pas un ne défaille,
Que l'honneur soit chez vous, s'il n'est plus nulle part.
« C'est en vain que sur vous une foule se rue,
Rien ne fera jamais trembler votre valeur.
En glaives façonnez le soc de la charrue ;
Pour combattre, prenez la faux du moissonneur.
« C'est Dieu qui vous le dit ; c'est Dieu qui vous appelle,
Debout ! Ne craignez rien ! Le Christ est avec vous.
Que mon vieux peuple au moins lui demeure fidèle ;
Si vous devez mourir, que ce soit à genoux.
« Sur le champ de l'honneur, si le Maître suprême
Demande votre sang et vos derniers soupirs,
Vous crierez en tombant : Vive le roi quand même !
Au ciel, moi, je dirai : Saluez mes martyrs ! »
Et cette voix se tut... Mais une grande idée
Fit tressaillir le peuple à son éclat de feu,
Car cette voix c'était l'âme de la Vendée,
Sur son sol de granit parlant au nom de Dieu !
Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)
Tous les esprits étaient de terreurs assaillis :
La France, au cœur brisé, respirait mal à l'aise,
Et des voix d'outre-tombe agitaient le pays.
De longs sillons de feu traversaient l'atmosphère,
En marquant l'horizon d'hiéroglyphes sanglants ;
Des tremblements soudains secouaient notre sphère
Les arbres se courbaient sous des souffles brûlants.
Des antiques tombeaux les dalles se fendirent,
Dans cette terre sainte, où sont les trépassés...
Alors, pâles, troublés, les vivants entendirent
Des plaintes et ces mots tristes et cadencés :
« Le sacrifice est fait... Dieu puissant que j'implore,
Si je brise mon cœur, je le brise pour Toi.
Du moins que mon martyre, ô Seigneur, soit l'aurore
D'un avenir plus sûr pour le Christ et le roi.
« Si mes enfants, un jour, acceptent cette épreuve,
Et si la lourde croix leur fait saigner le cœur,
De la honte, ô mon Dieu, barre l'immense fleuve
Qui roule sur la France et souille son honneur.
« Elle viendra, cette heure, où la France endormie,
Pour retourner à Toi, sortira du tombeau ;
Et loin d'elle jetant le haillon d'infamie,
Elle ira prendre encor la croix pour son drapeau.
« Mes pauvres paysans, sans connaître la guerre,
Des ennemis du ciel sauront vaincre l'orgueil ;
Dans leur cœur passera ta trop juste colère,
Et leurs mains des méchants fermeront le cercueil.
« Quand leur vaillance aura partout sonné l'alarme,
On les verra pour Dieu délaisser leurs sillons.
Les vieillards rajeunis se saisiront d'une arme,
Et viendront de partout grossir les bataillons.
« Chrétiens, sachez mourir pour Dieu, pour la patrie,
Français, jusqu'à la mort, défendez votre roi.
La source de la force, en vous, n'est point tarie,
Luttez pour conserver et grandir votre foi !
« C'est le jour du danger, l'heure de la bataille,
De vos rois bien-aimés arborez l'étendard.
Pour conserver les lis, que pas un ne défaille,
Que l'honneur soit chez vous, s'il n'est plus nulle part.
« C'est en vain que sur vous une foule se rue,
Rien ne fera jamais trembler votre valeur.
En glaives façonnez le soc de la charrue ;
Pour combattre, prenez la faux du moissonneur.
« C'est Dieu qui vous le dit ; c'est Dieu qui vous appelle,
Debout ! Ne craignez rien ! Le Christ est avec vous.
Que mon vieux peuple au moins lui demeure fidèle ;
Si vous devez mourir, que ce soit à genoux.
« Sur le champ de l'honneur, si le Maître suprême
Demande votre sang et vos derniers soupirs,
Vous crierez en tombant : Vive le roi quand même !
Au ciel, moi, je dirai : Saluez mes martyrs ! »
Et cette voix se tut... Mais une grande idée
Fit tressaillir le peuple à son éclat de feu,
Car cette voix c'était l'âme de la Vendée,
Sur son sol de granit parlant au nom de Dieu !
Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire