Singulos illorum hortabatur voce patria fortiter.
« Elle encourageait chacun d'eux d'une voix forte. »
(II Mach., VII.)
Le massacre passait dans toute la Vendée ;
La colonne infernale allumait ses brûlots,
Elle incendiait tout, versait le sang à flots ;
Notre pauvre province en était inondée.
Dans dix combats vaincus par les soldats du roi,
Qu'ils avaient méprisés et qu'ils traitaient d'infâmes,
Ces fiers républicains tuaient enfants et femmes,
Dont le seul crime était d'avoir encor la foi.
Le général Grignon, cet homme sans entrailles,
Et qui n'eut d'autre loi que sa férocité,
Massacrait par plaisir, vantait sa cruauté ;
Ayant soin de s'enfuir la veille des batailles.
Un jour, il se trouvait au village du Pin.
Les habitants tremblaient, car ils étaient sans armes.
Et, pour fléchir le monstre, ils viennent avec larmes
Offrir à ce bourreau leur argent et leur pain.
Et le brigand riait, d'un rire satanique,
Devant ces malheureux implorant sa pitié :
« Je veux bien vous donner, dit-il, mon amitié,
Mais criez tout d'abord : Vive la République ! »
Il entendit monter ce cri : « Vive le Roi !
De Louis nous portons tous la blanche cocarde ;
Frappe-nous, si tu veux, chacun de nous la garde ;
Nous mourrons en chrétiens, sans regrets, sans effroi ! »
Grignon, surexcité par ce trait d'héroïsme,
En lançant un juron fixe aussitôt leur sort :
« Que ces pieux bandits soient conduits à la mort !
Tuez-les lentement », dit-il avec cynisme.
Et parmi ces chrétiens, ces généreux martys,
Une femme était là, sublime de courage :
Un doux rayon du ciel éclairait son visage,
Elle avait pour la mort d'ineffables désirs.
« Soyez forts, disait-elle, et ne craignez personne !
Frères, Dieu vous attend pour couronner vos fronts ;
Embrassez vos liens et buvez vos affronts ;
Dans le ciel entr'ouvert, voyez-vous la couronne ?
« Pour régner avec Dieu, vaillants chrétiens, il faut
Que du courage en nous se ranime la flamme ;
Notre Christ a voulu sur un gibet infâme
Mourir, et notre roi monta sur l'échafaud. »
Et les bourreaux frappaient ces chrétiens sans défense.
Leurs longs sabres passaient et repassaient sanglants.
En disant des horreurs, ils entrouvraient les flancs
Des femmes qui tombaient en priant pour la France.
Julie était debout ; ô spectacle cruel !
Elle avait vu mourir son époux et son père,
Son enfant et sa sœur, son beau-père et sa mère :
Elle disait toujours : « Chrétiens, montez au ciel ! »
Et, couverte du sang de ses quinze blessures,
Elle dit au bourreau : « J'ai vu les miens périr,
Je suis seule sur terre, allons ! fais-moi mourir !
Dieu garde le bonheur aux âmes qui sont pures. »
Mais Grignon refusa ; son esprit infernal,
Pour la faire souffrir, voulut la laisser vivre.
« Tu veux aller au ciel, et ce désir t'enivre.
Tu n'y monteras pas ! » dit-il, d'un ton brutal.
Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire