jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

Henri de La Rochejaquelein



Quomodo cecidit potens qui salvum faciebat populum Israel ?
« Comment a-t-il pu mourir, cet homme puissant qui était le salut d'Israël ?»
(I Mach., IX, 21.)


Il avait vingt-deux ans, le héros que je chante ;
D'une vierge chrétienne il avait l'âme aimante
Et la douce beauté.
Comme elle il était simple, et timide comme elle ;
Mais dans son cœur pourtant se trouvait l'étincelle
De l'intrépidité.

Cette flamme jaillit, quand la noire tempête,
Du roi, sur l'échafaud, eut fait tomber la tête,
Quand la France trembla.
Pour soutenir le trône et défendre l'Église,
Ce jeune homme accourut au moment de la crise,
Henri se trouva là.

Il releva son front ; il redressa sa taille ;
Il prononça ces mots : « Moi, j'aime la bataille,
Je vénère mon roi ;
A partir d'aujourd'hui, je veux, et je le jure,
Combattre pour le Christ et venger son injure,
Et mourir pour ma foi ! »

Il avait vingt-deux ans, mais chez lui le courage
Se montra de bonne heure et dépassa son âge.
Son génie était mûr,
Il avait de Condé la sublime hardiesse,
De Turenne le cœur et la vieille sagesse :
Son coup d'œil était sûr.

Les Vendéens, debout contre la République,
Joyeux, dirent alors au jeune homme héroïque :
« Venez ! Monsieur Henri. »
Il partit avec eux, et tous, pleins d'espérance,
Pour le Christ et sa croix, pour le trône et la France,
Poussèrent un grand cri.

Henri, comme un éclair qui traverse l'espace,
Poursuit les ennemis, les harcèle et les lasse,
Les fait trembler de peur.
Son nom seul fait pâlir ; son nom seul effarouche ;
Ses glorieux exploits volent de bouche en bouche,
Et font battre le cœur.

Il avait vingt-deux ans... Au combat il s'élance,
Disant à ses soldats : « Suivez-moi si j'avance,
Pour le Christ et le roi !
Tuez-moi si j'hésite ! on fusille le lâche,
Qui refuse un instant de marcher à sa tâche ;
Si je meurs, vengez-moi ! »

Lorsque, dans les assauts, la solide muraille
Faisait parfois durer trop longtemps la bataille,
Pour cet ardent guerrier,
Par-dessus les remparts, il lançait sa cocarde.
« Qui monte la chercher ?... Quoi ! disait-il, on tarde ! »
Il grimpait le premier.

Et ses soldats suivaient, en respirant sa flamme :
Son feu les enivrait et passait dans leur âme ;
Ils prenaient les remparts.
Car devant ces héros à l'ardeur triomphante,
Les ennemis pliaient et, glacés d'épouvante,
Fuyaient de toutes parts.

Il avait vingt-deux ans... De victoire en victoire
Il marchait, recueillant les rayons de la gloire,
De la célébrité.
Par tous il est loué ; même ses adversaires
Ont chanté ses vertus, ses talents militaires,
Son intrépidité.

Il avait vingt-deux ans... C'est alors qu'il succombe...
Celui qui renversa ce héros dans la tombe
Était un inconnu.
Napoléon premier, malgré sa grande haine,
Disait, en admirant ce jeune capitaine :
« Que fût-il devenu ? »


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)