samedi 13 mars 2010 | By: Mickaelus

Edit du roi Henri II contre l'infanticide (1556), réaffirmé sous Louis XIV

ÉDIT du roi Henry II qui prononce la peine de mort contre les filles qui, ayant caché leur grossesse et leur accouchement, laissent périr leurs Enfants sans qu'ils aient reçu le baptême.


Du mois de février 1556.


Henry, par la grâce de Dieu, roy de France : à tous présents et à venir, salut. Comme nos prédécesseurs et progeniteurs très-chrétiens rois de France, ayent par actes vertueux et catholiques, chacun en son endroit, montré par leurs très louables effets qu'à droit et bonne raison ledit nom de très-chrétien, comme à eux propre et péculier, leur avoit été attribué : En quoi les voulant imiter et suivre, ayons par plusieurs bons et salutaires exemples témoigné la dévotion que avons à conserver et garder ce tant célèbre et excellent titre, duquel les principaux effets sont de faire initier les créatures que Dieu envoyé sur terre en nostre royaume, pais, terres et seigneuries de nostre ohéissance, aux sacremens, par lui ordonnez : Et quant il lui plaist les rapeller à soi, leur procurer curieusement les autres sacremens pour ce instituez, avec les derniers honneurs de sépulture. Et estant duement avertis d'un crime très-énorme et exécrable, fréquent en nostre royaume, qui est, que plusieurs femmes ayant conceu Enfant par moyens deshonestes ou autrement, persuadées par mauvais vouloir et conseil, déguisent, occultent et cachent leurs grossesses, sans en rien découvrir et déclarer : Et avenant le temps de leur part, et délivrance de leur fruit, occultement s'en délivrent puis le suffoquent, meurdrissent, et autrement suppriment, sans leur avoir fait impartir le saint sacremeat du baptême : ce fait, les jettent en lieux secrets et immundes, ou enfouissent en terre profane ; les privans par tel moyen de la sépulture coûtumière des chrétiens. De quoy estans provenues et accusées pardevant nos juges, s'excusent, disant avoir eu honle de déclarer leur vice, et que leurs Enfans s'ont sortis de leurs ventres morts, et sans aucune apparence ou espérance de vie : tellement que par faute d'autre preuve, les gens tenans tant nos cours de Parlemens, qu'autres nos juges, voulans procéder au jugement des procès criminels faits à l'encontre de telles femmes, sont tombez et entrez en diverses opinions, les uns concluans au supplice de mort, les autres a question extraordinaire, afin de sçavoir et entendre de leur bouche si à la vérité le fruit issu de leur ventre estoit mort ou vif. Après laquelle question endurée, pour n'avoir aucune chose voulu confesser, leur sont les prisons le plus souvent ouvertes, qui a esté et est cause de les faire retomber, récidiver et commettre tels et semblables délits, à notre très-grand regret et scandale de nos sujets : A quoi pour l'avenir, nous avons bien voulu pourvoir.

Sçavoir faisons, que nous désirans extirper et du tout faire cesser lesdits exécrables et énormes crimes, vices, iniquitez et délits qui se commettent en notredit royaume, et oster les occasions et racines d'iceux d'oresnavant commettre, avons (pour à ce obvier) dit, statué et ordonné, et par édit perpétuel, loi générale et irrévocable, de notre propre mouvement, pleine puissance et autorité royale, disons, statuons, voulons, ordonnons et nous plaît, que toute femme qui se trouvera deuement atteinte et convaincue d'avoir celé, couvert et occulté, tant sa grossesse que son enfantement, sans avoir déclaré l'un ou l'autre, et avoir prins de l'un ou de l'autre témoignage suffisant, même de la vie ou mort de son enfant, lors de l'issue de son ventre, et qu'après se trouve l'Enfant avoir esté privé tant du saint sacrement de baptême, que sépulture publique et accoutumée, soit telle femme tenue et réputée d'avoir homicide son Enfant. Et pour réparation, punie de mort et dernier supplice, et de telle rigueur que la qualité particulière du cas le méritera : afin que ce soit exemple à tous, et que ci-après n'y soit aucune doute ne difficulté. Si donnons en mandement par ces présentes à noz amez et féaux conseillers les gens tenans nos cours de parlement, prévost de Paris, baillifs, séneschaux et autres nos officiers et justiciers, ou à leurs lieutenants et à chacun d'eux, que cette présente ordonnance, édit, loy et statut, ils fassent chacun en droit soy lire, publier et enregistrer, et incontinent après la réception d'icelui, publier à son de trompe et cri public, par les carrefours et lieux publics, à faire cris et proclamations, tant de notre ville de Paris, qu'autres lieux de notre royaume ; et aussi par les officiers des seigneurs hauts justiciers en leurs seigneuries et justices, en manière qu'aucun n'en puisse prétendre cause d'ignorance, et ce de trois mois en trois mois. Et outre, qu'il soit leu et publié aux prônes des messes parrochiales desdites villes, pais, terres et seigneuries de notre obéissance, par les curez ou vicaires d'icelles ; et icelui édit gardent et observent, et fassent garder et observer de point en point selon sa forme et teneur, sans y contrevenir. Et pour ce que de cesdites présentes l'on pourra avoir affaire en plusieurs lieux, nous voulons qu'au vidimus d'icelles, fait sous scel royal, foy soit ajoutée comme à ce présent original, auquel en témoin de ce, afin que soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre scel. Donné à Paris au mois de février, l'an de grâce mil cinq cens cinquante-six ; et de notre règne le dixième. Ainsi signé sur le repli, par le Roy en son conseil, CLAUSSE. Lecta, pubicata et registrata, audito et requirente Procuratore generali Regis, Parisiis in Parlamento, quarto die martii, anno Domini millesimo quingentesimo quinquagesimo sexto. Sic signatam, Du TILLET. Collation est faite à l'original, ainsi signé, Du TILLET.

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DÉCLARATION du roy Louis XIV, qui ordonne la publication au prône des messes paroissiales de l'édit du roi Henry Second, du mois de février 1556, qui prononce la peine de mort contre les femmes qui, ayant caché leur grossesse et leur accouchement, laissent périr leurs Enfants sans recevoir le baptême.


Donnée à Versailles le 25 février 1708.


Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre : à tous ceux qui ces présentes verront, SALUT. Le roy Henry Second ayant ordonné par son édit du mois de février 1556 que toutes les femmes qui auroient celé leur grossesse et leur accouchement, et dont les Enfans seraient morts sans avoir reçu le saint sacrement de baptesme, seraient présumées coupables de la mort de leurs Enfans et condamnées au dernier supplice. Ce prince crût en mesme temps qu'on ne pouvoit renouveller dans la suite avec trop de soin le souvenir d'une loy si juste et si salutaire ; ce fût dans cette vue qu'il ordonna qu'elle serait lue et publiée de trois mois en trois mois, par les curez ou leurs vicaires aux prônes des messes paroissiales ; mais quoy que la licence et le dérèglement des moeurs qui ont fait de continuels progrez depuis le temps de cet edit, en rendent tous les jours la plublication plus nécessaire, et que nostre parlement de Paris l'ait ainsi jugé par un arrest du 19 mars de l'année 1698, qui renouvelle à cet égard l'exécution de l'edit de l'année 1556. Nous apprenons néanmoins que depuis quelque temps plusieurs curez de nostre royaume ont fait difficulté de publier cet edit, sous prétexte que par l'article XXXII de nostre edit du mois d'avril 1695, concernant la juridiction ecclésiastique, nous avons ordonné que les curez ne seroient plus obligez de publier aux prônes ny pendant l'office divin, les actes de justice et autres qui regardent l'interest particulier de nos sujets, à quoy ils ajoustent encore, que nous avons bien voulu étendre cette règle à nos propres affaires, en ordonnant par nostre déclaration du 16 décembre 1698 que les publications qui se feroient pour nos interest ne se feroient plus au prône, et qu'elles seroient faites seulement à l'issue de la messe paroissiale, par les officiers qui en sont chargez ; et quoy qu'il soit visible que par là nous n'avons eu intention d'exclure que les publications qui se faisant pour des affaires purement séculières et profanes, ne doivent pas interrompre le service divin, comme nous l'avons assez marqué par nostredite déclaration du 16 décembre 1698. Nous avons crû néanmoins, pour faire cesser jusqu'aux moindres difficultez dans une matière si importante, devoir expliquer nos intentions sur ce point d'une "manière si précise, que rien ne put empescher à l'avenir une publication qui regarde non l'interest particulier de quelques uns de nos sujets ou le nostre mesme, mais le bien temporel et spirituel de nostre royaume, et que l'Eglise devrait nous demander si elle n'estoit pas encore ordonnée, puisqu'elle tend à assurer non seulement la vie, mais le salut éternel de plusieurs Enfans conçus dans le crime, qui periroient malheureusement sans avoir reçu le baptême, et que leurs meres sacrifieraient à un faux honneur, par un crime encore plus grand que celuy qui leur a donné la vie, si elles n'estoient retenues par la connoissance de la rigueur de la loy, et si la crainte des châtimens ne faisoit en elles l'office de la nature. A ces causes et autres à ce nous mouvans, de nostre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons, par ces présentes signées de nostre main, dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons, voulons et nous plaist, que l'edit du roy Henry second du mois de février 1556 soit exécuté selon la forme et teneur ; ce faisant que ledit edit soit publié de trois mois en trois mois, par tous les curez ou leurs vicaires, aux prônes des messes paroissiales. Enjoignons ausdits curez et vicaires, de faire ladite publication, et d'en envoyer un certificat signé d'eux à nos procureurs des bailliages et seneschaussées, dans l'étendue desquels leurs paroisses sont situées. Voulons qu'en cas de refus, ils puissent y estre contrains par saisie de leur temporel, à la requeste de nos procureurs généraux en nos cours de parlemens, poursuite et diligence de leurs substituts chacun dans leur ressort. Si donnons en mandement à nos amez et féaux, les gens tenans nostre cour du parlement de Paris, que ces présentes ils ayent à faire lire, publier et enregistrer, et le contenu en icelles exécuter, garder et observer selon leur forme et teneur, nonobstant tous edits, déclarations, arrests, reglemens et autres choses à ce contraires, ausquels nous avons dérogé et dérogeons par ces présentes : car tel est nostre plaisir ; en témoin de quoy nous avons fait mettre nostre scel à cesdites présentes. Donné à Versailles le vingt cinquième jour de février, l'an de grâce mil sept cens huit ; et de nostre règne le soixante-cinquième. Signé Louis. Et plus bas, par le roy, PHELYPEAUX. Et scellé du grand sceau de cire jaune. Registrées, ouy, et ce requérant le procureur gênerai du roy, pour estre exécutées selon leur forme et teneur, et copies collationnées envoyées dans les baillages et sénéchaussées du ressort, pour y estre lues, publiées et registrées ; enjoint aux substituts du procureur general du roy d'y tenir la main, et d'en certifier la Cour dans un mois, suivant l'arrest de ce jour. A Paris, en Parlement, le deux mars mil sept cens huit. Signé DONGLOIS.


Source : Travaux de la commission des Enfants-Trouvés instituée le 22 août 1849 (tome II)

1 commentaires:

Unknown a dit…

Sévère, mais tout à fait en rapport avec les mœurs, us et coutumes de l'époque, dans un état où les lois de l'église avaient autant de poids que celle du roi. à noter, cependant,que les officiers de justice chargés d'appliquer ces édits se montraient bien plus laxistes lorsque l'enfant en question était une fille.