jeudi 11 octobre 2007 | By: Mickaelus

La monarchie espagnole attaquée ou la fragilité de la monarchie parlementaire

On connaît déjà la situation très difficile de la monarchie belge qui peine à voir se former un gouvernement, mais il faut aussi compter désormais avec une contestation grandissante de la monarchie espagnole. Evidemment, le problème de cette dernière est tout différent et est le fait principalement d'une part des séparatistes basques et de l'ETA, mais aussi de groupuscules catalans républicains indépendantistes. Dans les faits, la contestation de ces derniers est beaucoup plus pacifique et idéologique que celle des premiers, et réside dans le fait d'avoir brûlé des représentations du roi d'Espagne, Juan Carlos, notamment le 13 septembre à Gérone. Cela n'est pas rien dans un pays où les injures faites à la famille royale sont passibles de peines et d'amendes relativement lourdes. La personne du roi est cependant aussi attaquée, ce qui peut sembler plus étonnant, par une frange dure de la droite espagnole, par l'entremise du présentateur de la Cope (radio privée dirigée par l'Eglise espagnole) Federico Jimenez Losantos, qui réclame son abdication pour renforcer l'institution.

C'est dans ce climat que le Roi s'est exprimé pour défendre les atouts du retour de la monarchie en Espagne en ces termes : "la monarchie a permis à l'Espagne de vivre sa plus longue période de stabilité et de prospérité en démocratie". On peut comprendre d'un point de vue formel que le Roi se soit exprimé de telle manière au vu de la teneur de l'institution espagnole actuelle qui fait suite à quarante années de franquisme et du rôle du monarque dans l'échec du putsch militaire de 1981. Mais, sans vouloir nier une certaine prospérité économique espagnole, l'association de la monarchie et de la démocratie me paraît conceptuellement gênante dès lors qu'on en fait l'argument principal, le fondement même du régime, et il n'est dès lors pas si étonnant qu'une certaine droite dure catholique espagnole éprouve de la gêne, de la réserve face à l'institution. On a même l'impression qu'il faudrait écrire dans ce cas précis que c'est la monarchie qui est au service de la démocratie et pas l'inverse, et si on sait que les Espagnols sont considérés comme plus juancarlistes que royalistes, il y a tout à craindre pour un pouvoir qui repose plus sur la personnalisation que l'institution.

Je rejoins personnellement la crainte de la droite dure espagnole, pour une raison simple : je pense que l'institution monarchique est la meilleure quand elle ne renie pas sa dimension traditionnelle et qu'elle conserve sa légitimité transcendante. Une monarchie parlementaire est faible quand elle fait reposer son principe d'action sur les procédés les plus démocratiques, ce dont témoigne la possibilité même de la mise en place d'un gouvernement socialiste, possibilité qui m'apparaît comme aberrante. On a vu que la faiblesse de Zapatero face à l'ETA, que le vote des lois les plus immorales ayant pour but la destruction de la tradition catholique espagnole, confirment cela, sans parler de la régularisation massive irresponsable de clandestins. Le Roi, au lieu de se faire le garant de la démocratie, ferait mieux de se faire le garant de la tradition et se souvenir des Rois Catholiques. Non seulement c'est la vocation de toute monarchie rayonnante, mais c'est s'assurer le soutien indéfectible des seuls alliés sûrs de toute couronne légitime : les conservateurs et les réactionnaires. A force de vouloir contenter ceux qui de toute façon abusent du Roi dans leurs revendications d'indépendance comme les Catalans, ceux qui sont les apôtres du relativisme et du modernisme, le fait de se couper des réactionnaires et autres nostalgiques du franquisme risque fort de faire mûrir l'opposition républicaine. Une monarchie catholique est nécessairement tradition, elle ne peut être pure démocratie, cela signifiant se soumettre aux quatre vents de la mode et de l'opinion. Mais cela est le problème de toutes les monarchies européennes : la contamination par les idéaux de la Révolution française, sans compter la domination de l'Europe dont l'institution en est l'expression la plus achevée. Ce n'est évidemment pas ce type de royauté que j'appelle de mes voeux en France.


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