C'est à partir du 7 juin 1520, entre Guines et Ardres (villages proches de la Picardie, française, et de Calais, ville anglaise), que se déroule la fameuse entrevue du camp du Drap d'or entre le roi de France, François Ier, et le roi d'Angleterre, Henri VIII, le premier cherchant à s'allier avec le second contre son ennemi Charles Quint. Malgré la magnificence dont firent preuve les deux souverains, l'alliance n'eut pas lieu, le cardinal Wolsey, ministre du roi d'Angleterre, étant déjà en pourparlers avec Charles Quint (peut-être faut-il citer l'anecdote selon laquelle lors d'un combat amical à main nues entre les souverains François Ier l'emporta avec une aisance humiliante pour Henri VIII). Clément Marot, alors dans la suite de la sœur du roi de France, la duchesse d'Alençon (la future Marguerite de Navarre), chante dans cette ballade et ce rondeau cette entrevue qu'il espère utile à la France et à la paix.
Ballade VIII
Du triomphe d'Ardres, et Guines fait par les rois de France, et d'Angleterre.
Au camp des rois les plus beaux de ce monde
Sont arrivés trois riches étendards :
Amour tient l'un de couleur blanche et monde,
Triomphe l'autre avecques ses soudards,
Vivement peint de couleur célestine :
Beauté après en sa main noble et digne
Porte le tiers, teint de vermeille sorte.
Ainsi chacun richement se comporte,
Et en tel ordre et pompe primeraine
Sont venus voir la royale cohorte
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
En ces beaux lieux plus tôt que vol d'aronde
Vient celle amour des célestines parts,
Et en apporte une vive, et claire onde,
Dont elle éteint les fureurs du dieu Mars :
Avecques France, Angleterre enlumine,
Disant : "Il faut qu'en ce camp je domine" :
Puis à son vueil fait bon gué à la porte,
Pour empêcher, que Discorde n'apporte
La pomme d'or, dont vint guerre inhumaine :
Aussi afin que seulement en sorte
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
Pas ne convient, que ma plume se fonde
A rédiger du Triomphe les arcs,
Car de si grands en hautesse profonde
N'en firent onc les belliqueurs Césars.
Que dirai plus ? richesse tant insigne
A tous humains bien démontre et désigne
Des deux partis la puissance très forte.
Bref, il n'est coeur qui ne se réconforte
En ce pays, plus qu'en mer la Sereine,
De voir régner (après rancune morte)
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
Envoi.
De la beauté des hommes me déporte :
Et quant à celle aux dames, je rapporte
Qu'en ce monceau laide serait Hélène.
Parquoi conclus, que cette terre porte
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
Clément Marot, L'Adolescence clémentine (1532)
***
Rondeau XXXII
De la vue des Rois de France, et d'Angleterre entre Ardres, et Guines.
De deux grands Rois la noblesse, et puissance
Vue en ce lieu nous donne connaissance
Que amitié prend courage du lion
Pour ruer jus vieille rébellion,
Et mettre sus de Paix l'éjouissance.
Soit en beauté, savoir, et contenance,
Les Anciens n'ont point de souvenance
D'avoir onc vu si grand perfection
De deux grands Rois.
Et le festin, la pompe, et l'assistance
Surpasse en bien le triomphe, et prestance
Qui fut jadis sur le mont Pélion.
Car de là vint la guerre d'Ilion :
Mais de ceci vient Paix, et alliance
De deux grands Rois.
Clément Marot, L'Adolescence clémentine (1532)
Du triomphe d'Ardres, et Guines fait par les rois de France, et d'Angleterre.
Au camp des rois les plus beaux de ce monde
Sont arrivés trois riches étendards :
Amour tient l'un de couleur blanche et monde,
Triomphe l'autre avecques ses soudards,
Vivement peint de couleur célestine :
Beauté après en sa main noble et digne
Porte le tiers, teint de vermeille sorte.
Ainsi chacun richement se comporte,
Et en tel ordre et pompe primeraine
Sont venus voir la royale cohorte
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
En ces beaux lieux plus tôt que vol d'aronde
Vient celle amour des célestines parts,
Et en apporte une vive, et claire onde,
Dont elle éteint les fureurs du dieu Mars :
Avecques France, Angleterre enlumine,
Disant : "Il faut qu'en ce camp je domine" :
Puis à son vueil fait bon gué à la porte,
Pour empêcher, que Discorde n'apporte
La pomme d'or, dont vint guerre inhumaine :
Aussi afin que seulement en sorte
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
Pas ne convient, que ma plume se fonde
A rédiger du Triomphe les arcs,
Car de si grands en hautesse profonde
N'en firent onc les belliqueurs Césars.
Que dirai plus ? richesse tant insigne
A tous humains bien démontre et désigne
Des deux partis la puissance très forte.
Bref, il n'est coeur qui ne se réconforte
En ce pays, plus qu'en mer la Sereine,
De voir régner (après rancune morte)
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
Envoi.
De la beauté des hommes me déporte :
Et quant à celle aux dames, je rapporte
Qu'en ce monceau laide serait Hélène.
Parquoi conclus, que cette terre porte
Amour, Triomphe, et Beauté souveraine.
Clément Marot, L'Adolescence clémentine (1532)
***
Rondeau XXXII
De la vue des Rois de France, et d'Angleterre entre Ardres, et Guines.
De deux grands Rois la noblesse, et puissance
Vue en ce lieu nous donne connaissance
Que amitié prend courage du lion
Pour ruer jus vieille rébellion,
Et mettre sus de Paix l'éjouissance.
Soit en beauté, savoir, et contenance,
Les Anciens n'ont point de souvenance
D'avoir onc vu si grand perfection
De deux grands Rois.
Et le festin, la pompe, et l'assistance
Surpasse en bien le triomphe, et prestance
Qui fut jadis sur le mont Pélion.
Car de là vint la guerre d'Ilion :
Mais de ceci vient Paix, et alliance
De deux grands Rois.
Clément Marot, L'Adolescence clémentine (1532)
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