L'avant propos à la nouvelle édition par l'auteur :
"Vingt ans après, je me souviens d'avoir pris conscience de l'énormité du crime commis en Vendée en lisant le registre clandestin de l'abbé Pierre-Marie Robin (1748-1805), recteur de La Chapelle-Basse-Mer. Scrupuleusement, il avait enregistré, conformément au droit canon, tous les actes de la vie de ses paroissiens: baptême, mariage, sépulture. Ces actes décrivent méticuleusement les conditions et les circonstances des décès. La première fois, j'ai été tellement choqué qu'au bout de quelques pages, j'ai dû m'arrêter. Comment ne pas être bouleversé par le massacre de femmes, parfois enceintes, d'enfants, de vieillards... Comment rester insensible lorsque 421 massacres sur une population estimée à 3 200 personnes ont été enregistrés ? Mais, quand 770 communes sont concernées, on est acculé à se poser des questions de fond. On dit que l'histoire doit être traitée froidement -en l'occurrence, était-ce humainement possible ? Que l'on ne vienne pas me parler de tradition en matière d'horreur; en Vendée, l'impensable y a été fait (tanneries de peaux humaines, fonte des graisses. ..) ; l'inimaginable a été essayé ( mines antipersonnel, empoisonnement à grande échelle, gazage...). La Vendée a été un laboratoire grandeur nature, d'ailleurs conçu comme tel Sans doute, l'objectivité en histoire est-elle difficile à atteindre, mais au-delà des préjugés, il reste les hommes et les faits que rien ni personne ne peut, ne doit justifier.Le professeur Jean Meyer, mon directeur de thèse, au début de ma recherche, m'avait dit de ne travailler que les textes, rien que les textes. C'est ce que j'ai fait et, pour comprendre la réalité locale, j'ai dû reconstituer la courroie de transmission afin de répondre aux questions de fond: qui ? Pourquoi ? Comment ? Personne à l'Université ne s'était jamais posé de telles questions. En pays de droit, la décision n'avait pu être prise qu'au plus haut niveau de l'État, c'est-à-dire par la Convention. Phénomène unique dans l'histoire et comble du paradoxe, la décision d'anéantir le territoire de la Vendée et d'exterminer sa population a bien été prise par les représentants du peuple souverain (lois des 1 août et 1 octobre I793). Tout le reste n'est que planification et conséquence. C'est d'ailleurs si vrai que quelques contemporains s'en sont émus, tels l'avocat Villenave qui, à l'occasion du procès Carrier, s'interrogeait sur le terme idoine pour caractériser ce crime, à sa connaissance, unique en son genre.
En 1985, je ne m'expliquais pas pourquoi on voulait réduire le fait vendéen à un massacre, voire à une bavure. Je m'étonnais encore plus des propositions avancées pour acheter mon silence: argent, honneurs, poste à l'Université, au nom d'une pseudo-raison d'Etat. Il faut dire que nous étions à la veille du bicentenaire de la Révolution.
Comment pouvait-on imaginer que je puisse vendre mon âme ? Renier le fruit de mes recherches et la confiance de mes professeurs ? Comme je n ' avais pas mordu aux appâts, calomnies et rumeurs leur ont succédé. Heureusement, j'avais été mis en garde par le professeur Pierre Chaunu, membre de mon jury, qui avait matérialisé son pressentiment par écrit à l'occasion de son rapport relatif à ma soutenance de thèse, le 21 septembre I985 : « Ce travail sera bientôt publié. Nul ne peut douter que le succès qu'il remportera vaudra à son auteur la haine tenace de ceux qui voient petit et pensent sur commande. C'est dire que la carrière de Reynald Secher dans l'enseignement supérieur, où il a sa place, sera, selon toute vraisemblance, efficacement entravée par ceux qui sont, comme chacun sait, orfèvres en la matière. » La suite des événements lui a malheureusement donné raison. Qu'importe!
Aujourd'hui, je sais qu'on tentait d'étouffer un double scandale: d'un génocide et d'un mémoricide, crime imprescriptible pour le premier et qui pour le second sera, à plus ou moins brève échéance, considéré comme crime contre l'humanité.
Comment peut-on encore refuser à la Vendée la reconnaissance de ce génocide ? Comment peut-on imaginer que des criminels contre l'humanité comme Robespierre, Carnot aient donné leur nom à des collèges, à des lycées, à des rues; ou d'autres, comme Amey, Turreau... aient leur nom sur l'Arc de triomphe ? Comment peut-on accepter que l'histoire officielle, notamment celle enseignée aux élèves, fasse des bourreaux des « saints laïcs » et des victimes des brigands, des traîtres à ta patrie ? Cette inversion tenace des faits n'est pas seulement intolérable, elle justifie, à mon sens, que ce livre continue d'être lu et discuté".
Edition Perrin - 351 pages - 23€
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1 commentaires:
Vous avez fait quelques points gentil là. J'ai fait une recherche sur le sujet et se trouvent surtout les gens accord avec votre blog.
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