Il est bien triste et
navrant de reprendre un peu la plume – on me passera, je l'espère,
cette métaphore pour mon clavier sans fil – après le
bouleversement du 7 janvier 2015, dans un contexte pétri de violence
et de naïveté à la fois, en un début d'année qui annonce un 2015
douloureux après un 2014 tellement maussade. Si j'emploie le mot
bouleversement, c'est parce qu'il n'est pas exagéré d'un
point de vue émotionnel ; en effet, l'assassinat des
dessinateurs caricaturistes et autres amis et collaborateurs de
Charlie Hebdo, sans négliger – surtout pas – les policiers ayant
payé le prix ultime de leur vie dans l'exercice de leur métier, est
en train de provoquer un traumatisme dans une opinion dont la
capacité à s'émouvoir tout d'un coup à propos de ce qui était
pourtant sous son nez depuis des années, et malgré les
avertissements de prétendus prophètes de malheur et autres
corbeaux, n'est plus à démontrer. De bouleversement réel,
il n'y en a pas vraiment, il s'agit plutôt de l'accomplissement
d'une menace, ou plutôt d'une étape de cette guerre de civilisation
qui progresse, hélas, lentement mais sûrement, alors que les
éléments se mettent en place inéluctablement, telle la Machine
infernale de Cocteau, alors que si l'on peut espérer comme
Giraudoux que la Guerre de Troie n'aura pas lieu, cela
demeurera un vœu pieux. Mais à qui la faute ?
Au temps jadis, alors que
les Grandes Invasions – que certains historiens qualifient
désormais de grandes migrations, ébranlaient l'empire romain, on
parlait de peuples barbares, le barbare étant l'étranger par
excellence, un étranger qui n'était pas soluble dans sa
civilisation. Et pourtant, ces peuples germaniques contre lesquels
les romains avaient lutté, s'étaient avérés bien utiles comme
auxiliaires militaires aux côtés des dites invincibles légions
romaines : César n'avait-il pas déjà vaincu nos ancêtres les
Gaulois en bonne partie grâce à la cavalerie des germains, sans
remettre en cause ses qualités de stratège pour autant ? Il
n'empêche que l'empire romain, tout supérieur qu'il était ou qu'il
se pensait au regard des cultures celtiques et germaniques, souffrait
de graves lésions intérieures dont les barbares ont fini par
profiter puis par triompher, et c'est à cela que nous devons
l'émergence de la France, quand Clovis régénéra le territoire
d'anciennes provinces romaines jadis terres de tribus gauloises, à
travers son baptême catholique. Ces barbares ont pu le faire parce
qu'ils enviaient l'opulence et le prestige romains et qu'au cours de
leurs services militaires de plus en plus fréquents, ils finissaient
par être des romains en puissance, leurs chefs par acquérir des
grades militaires. Rome faisait rêver, on ne voulait pas vraiment la
détruire mais se l'approprier. Il en va bien autrement de la France
et des barbares actuels.
Les barbares auxquels
nous avons affaire aujourd'hui, n'ont rien à voir avec ceux de
jadis, et pourtant notre contrée décadente – j'ai nommé la
république, nous présente nos « grandes migrations »
comme aussi nécessaires, que ce soit par des prétextes
démographiques, économiques ou même symboliques, au nom de la
« grande » concorde religieuse et ethnique. Les barbares
antiques étaient des peuples qui faisaient la guerre pour des
raisons pragmatiques, pour des raisons qui ont toujours eu cours
pendant la longue histoire de l'humanité. Les barbares que d'aucuns
nomment islamistes, la font au nom d'une religion, l'islam, d'un
prophète, Mahomet. Ils sont des barbares à ce titre qu'ils ont
assassiné des civils sans défense de manière impitoyable, et
ceux-ci méritent notre compassion la plus sincère pour cette raison
fort simple que personne ne mérite de mourir ainsi. Mais il ne
s'agit pas seulement d'une action terroriste, car il n'est pas
question de revendiquer quelque chose de ponctuel et de précis à
l'état républicain, mais au contraire de s'inscrire dans une guerre
au nom de l'islam, car c'est bien d'un acte de guerre dont il faut
parler pour ces soldats entraînés, pourvus d'armes d'assaut contre
lesquelles les policiers ne pouvaient rien, encore moins avec le
désavantage de la surprise. Nos barbares nous sont non seulement
étrangers, mais ils ne souhaitent pas s'intégrer, ni encore moins
s'assimiler : ils éprouvent une détestation profonde pour la
France, pour son histoire, pour ses héros, pour son patrimoine, et
loin de vouloir la glorifier, ils désirent ardemment sa destruction.
Tout part de malentendus
regrettables et d'hypocrisies criminelles au sujet des principes de
la France, de la laïcité, de la république et de l'islam. La place
de cette dernière religion en France est problématique en ce
qu'elle véhicule des principes et des dogmes qui sont profondément
contraires aussi bien à la France monarchique traditionnelle qu'à
la république relativiste d'aujourd'hui, c'est pourquoi, afin de
faire accroire au peuple que tout peut encore aller bien, on a pris
soin, un peu partout dans le monde, de distinguer commodément
l'islam de l'islamisme, ce dernier étant supposé être une
idéologie politique n'ayant rien à voir avec son origine
religieuse. Alors, les barbares de 2015 sont-ils musulmans ou
islamistes, et cela revient-il à imputer ce crime à tous les
musulmans ? Il convient d'être clair à ce sujet : il
n'existe qu'un Coran et qu'un seul Islam, mais il existe tout autant
des degrés de pratique religieuse et d'application concrète des
dogmes plus ou moins forts, plus ou moins nuancés. Ce qu'on appelle
islamisme n'est jamais qu'une application violente et littérale de
l'islam qui, il faut le rappeler, s'est répandu par la violence
depuis ses origines, jusqu'en Europe, alors que la France a échappé
au sort de l'Espagne grâce à quelques défenses vigoureuses comme
celles de Charles Martel. Les assaillants de Charlie Hebdo et de
l'épicerie Hyper Cacher de la Porte de Vincennes sont donc bien des
musulmans, ayant suivi les voies guerrières de leur prophète et de
ses successeurs. Cela ne signifie pas que tous les musulmans soient
de tels guerriers saints de leur religion, mais celle-ci est ainsi
faite qu'elle prescrit la conversion du monde entier à l'islam par
la force si possible, par la ruse au besoin : il n'existe que
deux régions véritables d'après cette vision, les terres d'islam
et le reste du monde. Voilà la guerre qui a cours.
La république et son
principe de laïcité sont-ils aptes à nous défendre face à ces
attaques qui pourraient très bien se radicaliser plus encore pendant
les prochaines années ? La réponse est non, et cela pour de
nombreuses raisons. On a pu constater, de manière très pragmatique,
combien les forces de l'ordre étaient démunies à cause de
l'angélisme républicain et de sa politique de l'autruche. Les
policiers sont quasiment désarmés et ont à peine le droit de se
servir de leurs armes, des territoires entiers sont perdus dans les
banlieues où des armes de guerre circulent, la justice, minée par
un groupe de juges à l'idéologie de gauche, se fait laxiste face à
la délinquance, les réseaux se forment dans les prisons et sur
internet, tandis qu'on apprend même ces jours-ci que de petits
terrains d'entraînement djihadistes existent à la campagne dans des
territoires isolés. Et pourtant, depuis combien d'années l'impunité
des criminels n'est-elle pas dénoncée, depuis combien de temps ne
réclame-t-on pas la reprise des quartiers, par des moyens militaires
s'il le faut ? Mais nous ne sommes pas en guerre, répondait-on
alors : et pourtant ! Le gouvernement s'émeut bien vite
maintenant, pour récupérer la colère populaire et s'en faire un
halo de sainteté, de ce qu'il savait très bien pouvoir se produire,
n'importe où, n'importe quand. Le laisser-faire de la république
n'est pas que pratique, il est idéologique, naturellement, et même
religieux. Au nom de la liberté religieuse, on tolère sur le sol de
la république une religion dont les principes sont profondément
contraires à ce principe de liberté, mais cela pour une raison très
simple et bien triste. C'est parce que les motivations de la
république ne sont pas seulement de faire valoir sa triade
dogmatique de liberté, égalité et fraternité, mais de détruire
les ruines encore subsistantes de la France d'avant, celle qui a
donné tant de héros et de saints à notre histoire, et Dieu sait si
l'islam, avec le relativisme et le consumérisme, sont une arme pour
empêcher tout retour de cette France-là. Une arme bien dangereuse,
toutefois. Michel Houellebecq l'a imaginé tout récemment dans son
roman Soumission, qui évoque judicieusement la possibilité
de l'accouplement monstrueux de la démocratie et de l'islam qui
pourrait prendre le pouvoir par les urnes, légalement,
pacifiquement, en laissant la « grande migration »
orchestrée par la république porter ses fruits avec le temps,
pendant qu'on encourage les Français dits de souche à l'avortement
de masse. Mais pourquoi la république prendrait-elle ce risque ?
Parce qu'elle et la
franc-maçonnerie sont une religion sans Dieu, tout autant qu'une
institution, tout paradoxal que celui puisse paraître, et qui a la
même prétention messianique et universelle que peut l'avoir le
catholicisme, c'est pourquoi ce dernier, comme religion légitime de
la France, a toujours été l'ennemi premier. Il ne faut donc pas
s'étonner qu'à cette heure où l'on commémore les victimes du
terrorisme, on ne s'émeut toujours pas du génocide vendéen de
1793-94 ; ah non, c'étaient des catholiques traditionnels, non
pas des anarchistes, des libertaires et des francs-maçons, que
certains envisagent déjà de faire entrer au Panthéon. A la
grand'messe universelle et médiatique, ne manquaient plus que les
saints et les martyrs de la république. Et de glorifier le sacrifice
de ces combattants de la liberté, quand on dit à peine un mot des
militaires français tombés au champ d'honneur (le véritable),
ainsi que la liberté d'expression, quand tous les bien-pensants se
réjouissaient encore récemment de l'éviction d'Eric Zemmour
d'i-Télé. Mais c'est que lui, comme les Vendéens de jadis quoi que
d'une manière différente, ne pense pas « comme il faut. »
La religion républicaine a en effet ses pontifes politiciens, ses
prêcheurs et moralistes médiatiques, et ses dogmes tout relatifs.
L'essentiel pour elle est de faire le vide de tout ce qui est
français, pour favoriser le nihilisme athée et le consumérisme, ou
encore le mondialisme, aussi on peut difficilement attendre quoi que
ce soit de sa conception de la laïcité ; on commémore le vide
au nom du vide, et l'on comprend presque pourquoi tant de musulmans
peinent à adhérer à une France présentée de manière aussi vile.
Non pas qu'ils en deviennent plus excusables, mais enfin, comment
faire chérir à de nouveaux arrivés l'histoire d'un pays, au sujet
duquel on raconte dans les écoles que tout ce qu'il a véhiculé
avant la Révolution était méprisable ? La laïcité
républicaine méprise les racines et ne promeut pas de messianisme
véritable, ni de direction, aussi les Français d'aujourd'hui ne
parviennent-ils pas à se reconnaître dans un projet d'avenir ni
dans une civilisation, et c'est pourquoi ils se replient dans des
communautés diverses et parfois adverses, d'où surgissent parfois
des radicaux. En ce sens, il s'agit bien d'un suicide français,
titre du roman de Zemmour, mais il a cours depuis bien plus de
quarante ans, de par des institutions et des contre-valeurs qui
portaient les germes de notre destruction.
La laïcité française,
je veux dire la laïcité royale et catholique, était au contraire
celle qui défendait le principe d'une civilisation se reconnaissant
elle-même, dans son passé, son présent, et son avenir entrevu,
comme sources de vitalité. Un pays qui renie son passé porte en
germe la détestation de soi pour les générations futures ; un
pays qui accueille les ennemis de sa civilisation, porte la
responsabilité de sa destruction ; un pays qui ne fait plus
valoir ses principes, est un pays à la dérive, dont les habitants
n'ont plus d'espoir. La France a pourtant connu beaucoup de périodes
difficiles, mais toujours des héros ou des saints ont surgi pour
brandir la bannière du royaume, notamment Henri IV pendant les
guerres de religion. Mais à l'époque, nous avions un roi pour
réunir tous les peuples de France sous la Couronne, et la religion
catholique était celle de l’État, ce qui permettait de donner une
direction civilisationnelle au pays, sans interdire l'aménagement de
certaines libertés, individuelles ou religieuses. Sous Napoléon, la
religion catholique était encore la première religion de l'empire,
et sous les rois restaurés, Louis XVIII et Charles X
(1814/1815-1830), elle redevint celle de l’État, avec des libertés
cultuelles mais une autorité immuable en haut. Hélas, le règne de
Charles X s'échoua contre le principe de liberté en 1830, qui prit
une part dans la chute du royaume, aussi n'est-il pas possible d'être
Charlie pour un légitimiste, s'il ne fallait qu'une seule raison (et
il en est tant d'autres) : la liberté ne saurait être absolue,
car pour un chrétien sincère, c'est la Vérité qui libère.
S'agissant de Charles X, la prise d’Alger fut un dernier acte
important de son règne, laissé bien malheureusement en suspends.
Alors que Napoléon III se montra hésitant tout au long de son règne
quant au statut de l'Algérie, il est n'est pas impensable d'imaginer
qu'une telle conquête conservée par les Bourbons aurait pu
s'accompagner par un véritable élan missionnaire et chrétien dans
la patrie de saint Augustin. N'est-ce pas là une partie de la
solution, parfaitement antagoniste au relativisme mortifère et
libertaire de la république, qui se veut universalisme nihiliste et
source de détestation de soi, les uns contre les autres ? Si
l'on part du principe que l'islam contient, hélas, irréductiblement
ces principes de conquête inscrit dans un Coran dicté par Allah et
donc immuable, et que certains musulmans n'ont point ce désir en
eux, pourquoi ne pas prôner le retour de ces populations au
christianisme ? Quelques milliers de musulmans ont le courage de
se convertir dans les pays arabes, et il faut saluer cette volonté.
Voilà une intégration à la France qui serait belle et spirituelle,
à mille lieues de l'hypocrisie et du vide républicains.
L'assimilation dont on parle tant ne saurait être que civile, elle
doit être morale et spirituelle, sans cela, ne demeurera que le
communautarisme source de conflits voire de guerre civile.
En ce début d'année
2015, on ne peut que prier pour le retour du roi, dans l'espérance
d'une France catholique régénérée, loin des célébrations
républicaines qui acclament les principes responsables de nos maux
et qui résonnent comme un glas funèbre. « Dieu
se rit de ceux qui déplorent des effets dont ils continuent de
chérir les causes », disait Bossuet.
Lire aussi :
- La laïcité ;
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire