C'est ainsi qu'il mourut, si c'était là mourir.
(Lamartine, Méditations)
La joie aux cœurs des Bleus arrache de grands cris :
L'écho redit au loin leur triomphe et leur gloire.
Enfin, la trahison leur donne la victoire :
Stofflet, Stofflet est pris!
Le héros était seul, il reposait tranquille
Chez de bons paysans ; c'était pendant la nuit.
Stofflet étant vendu, les Bleus viennent sans bruit
Entourer son asile.
Deux cent dix fantassins et vingt-cinq cavaliers
S'élancent pour saisir un homme privé d'armes,
Mais cependant encore ils palpitent d'alarmes,
Ces hardis chevaliers.
De ses poings vigoureux, Stofflet s'ouvre un passage ;
Devant tant d'ennemis, Stofflet ne tremble pas ;
Mais il tombe bientôt sous les coups des soldats,
Malgré son grand courage.
Par ses bourreaux joyeux Stofflet est garrotté :
On lui lance l'affront, on lui crache au visage ;
Mais Stofflet, en chrétien supportant cet outrage,
Garde sa dignité.
On jette sur son dos un vêtement sordide ;
Il s'avance pieds nus, au milieu d'étrangers,
Suit les cruels bourreaux dans la ville d'Angers,
Mais les suit intrépide.
De son ivresse encore à peine réveillé,
Un juge le condamne et lit cette sentence :
Stofflet, chef des brigands, est hostile à la France,
Il sera fusillé.
« Si je meurs aujourd'hui, c'est pour Dieu que je tombe,
Dit Stofflet en poussant ce cri : Vive le roi !
Si je meurs aujourd'hui, merci ! c'est pour ma foi !
Allez creuser ma tombe !
« Sachez-le, devant vous, je serai toujours fort.
Mais, dans mon âme, il n'est de haine pour personne.
Vous m'avez fait du mal, mais moi, je vous pardonne,
Et j'accepte la mort. »
Puis, regardant la foule : « Au sol qui me vit naître
Je pense, amis, dit-il ; trouverai-je un Lorrain
Parmi vous ? Qu'il s'approche et qu'il touche ma main
Je veux le voir paraître ! »
Un soldat s'avança : « Garde ce souvenir,
Dit Stofflet, en donnant sa montre au militaire ;
Fais savoir au pays ainsi qu'à mon vieux père
Que j'ai bien su mourir. »
Les durs exécuteurs avaient chargé leurs armes,
Et le tambour soudain fit entendre un signal :
Quelqu'un dit à Stofflet : « Avancez, général... »
Et l'on versait des larmes.
Un soldat voulut mettre un bandeau sur ses yeux ;
Stofflet le repoussa de sa main mutilée :
« Pour moi, dit-il, la mort ne sera point voilée,
Moi, je veux voir les cieux.
« Que maintenant, soldats, vos âmes soient loyales !
Je resterai debout, c'est là mon dernier vœu.
Sachez qu'un Vendéen qui tombe pour son Dieu
N'a pas peur de vos balles. »
Alors Stofflet, debout, sans orgueil, sans effroi,
Portant des grands chrétiens, sur son front, l'auréole,
Aux soldats cria : « Feu ! » puis cette autre parole :
« Je meurs ! vive le roi ! »
Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)
Chez de bons paysans ; c'était pendant la nuit.
Stofflet étant vendu, les Bleus viennent sans bruit
Entourer son asile.
Deux cent dix fantassins et vingt-cinq cavaliers
S'élancent pour saisir un homme privé d'armes,
Mais cependant encore ils palpitent d'alarmes,
Ces hardis chevaliers.
De ses poings vigoureux, Stofflet s'ouvre un passage ;
Devant tant d'ennemis, Stofflet ne tremble pas ;
Mais il tombe bientôt sous les coups des soldats,
Malgré son grand courage.
Par ses bourreaux joyeux Stofflet est garrotté :
On lui lance l'affront, on lui crache au visage ;
Mais Stofflet, en chrétien supportant cet outrage,
Garde sa dignité.
On jette sur son dos un vêtement sordide ;
Il s'avance pieds nus, au milieu d'étrangers,
Suit les cruels bourreaux dans la ville d'Angers,
Mais les suit intrépide.
De son ivresse encore à peine réveillé,
Un juge le condamne et lit cette sentence :
Stofflet, chef des brigands, est hostile à la France,
Il sera fusillé.
« Si je meurs aujourd'hui, c'est pour Dieu que je tombe,
Dit Stofflet en poussant ce cri : Vive le roi !
Si je meurs aujourd'hui, merci ! c'est pour ma foi !
Allez creuser ma tombe !
« Sachez-le, devant vous, je serai toujours fort.
Mais, dans mon âme, il n'est de haine pour personne.
Vous m'avez fait du mal, mais moi, je vous pardonne,
Et j'accepte la mort. »
Puis, regardant la foule : « Au sol qui me vit naître
Je pense, amis, dit-il ; trouverai-je un Lorrain
Parmi vous ? Qu'il s'approche et qu'il touche ma main
Je veux le voir paraître ! »
Un soldat s'avança : « Garde ce souvenir,
Dit Stofflet, en donnant sa montre au militaire ;
Fais savoir au pays ainsi qu'à mon vieux père
Que j'ai bien su mourir. »
Les durs exécuteurs avaient chargé leurs armes,
Et le tambour soudain fit entendre un signal :
Quelqu'un dit à Stofflet : « Avancez, général... »
Et l'on versait des larmes.
Un soldat voulut mettre un bandeau sur ses yeux ;
Stofflet le repoussa de sa main mutilée :
« Pour moi, dit-il, la mort ne sera point voilée,
Moi, je veux voir les cieux.
« Que maintenant, soldats, vos âmes soient loyales !
Je resterai debout, c'est là mon dernier vœu.
Sachez qu'un Vendéen qui tombe pour son Dieu
N'a pas peur de vos balles. »
Alors Stofflet, debout, sans orgueil, sans effroi,
Portant des grands chrétiens, sur son front, l'auréole,
Aux soldats cria : « Feu ! » puis cette autre parole :
« Je meurs ! vive le roi ! »
Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)
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