jeudi 29 septembre 2011 | By: Mickaelus

Cathelineau



Date animas vestras pro testamento patrum vestrorum.
« Donnez votre vie pour la foi de vos aïeux.»
(I Machab., II, 50.)

Louis Seize était mort. Les conscrits de Jallais,
Du Pin, de Saint-Florent, de La Poitevinière,
Méditent la vengeance au fond des bois épais...
Ils ont tous refusé d'aller à la frontière
Et de tirer au sort. De leur rébellion
Ces gas audacieux s'étonnent à cette heure,
Sans regrets cependant, ils ont cœur de lion...
Mais quoi faire ? Ils sont seuls ! Et leur courage en pleure.

Un homme, un artisan, visage doux et beau,
Taille athlétique, voix majestueuse et pleine,
Se présente aux conscrits... C'était Cathelineau.
Ce futur général était cardeur de laine.
Un même sentiment jaillit du cœur de tous :
« Marchez, lui disent-ils, indiquez-nous la voie ;
Pour la cause du ciel, nous mourrons avec vous !
Vous êtes notre chef !... C'est Dieu qui vous envoie. »

Cathelineau sur eux promène lentement
Son regard inspiré. « Je vois, dans vos poitrines,
Pour la liberté sainte un entier dévouement,
Une foi généreuse en nos vieilles doctrines.
Conscrits, êtes-vous prêts à lutter, à souffrir ?
Cinq cents voix jusqu'au ciel répondent : « Nous le sommes !
— Pour la cause de Dieu, conscrits, s'il faut mourir ?...
— Dieu peut compter sur nous. — Bien ! vous êtes des hommes,

Venez !... » Cathelineau, des conscrits entouré,
Vole sur le chemin ; puissamment il entonne
Le Vexilla Regis ; ce cantique sacré,
Redit par ces grands cœurs, dans les vallons résonne.
C'est un chant de victoire ! Et pourtant quels soldats !
Des guerriers en sabots et n'ayant d'autres armes
Que des bâtons noueux. — « Les fusils sont là-bas,
Leur dit Cathelineau, la lutte aura des charmes ;

Avec Dieu, ces fusils, bientôt, nous les aurons ! »
Les conscrits, à ces mots, sur leurs faux affilées
Raidissent leurs poignets ; la joie est à leurs fronts
Et leur pas est moins lourd, sur les herbes foulées.
Ils marchent à Jallais, et les républicains,
Réunis dans ce bourg, sont saisis par la crainte ;
Ils se cachent honteux aux fossés des chemins.
La lâcheté sur eux grave sa vile empreinte.

Jallais est pris d'assaut... Le front ensoleillé
D'un céleste rayon, Cathelineau s'élance,
Avec ses fiers conscrits, aux murs de Chemillé.
Il les a vus à l'œuvre, il connaît leur vaillance.
Il est plus brave encor, lui, cet humble artisan,
Devenu général ; brandissant une pique,
Il se jette aux canons... et déjà le présent
Indique l'avenir de cette âme héroïque.

Il s'empare, lui seul, au sommet d'un coteau,
De dix républicains et de trois couleuvrines.
« Courage, mes enfants ! clame Cathelineau,
Signez-vous de la croix et donnez vos poitrines
A la mort des vaillants ; il faut vaincre ou mourir ! »
Perdriau suit son chef, au fort de la mêlée ;
Tous ces audacieux ont juré de périr...
C'est fait ! Encore un coup, l'armée est ébranlée...

Les ennemis ont peur ; ils ont cessé le feu...
Le combat a pris fin ; les conscrits ont la ville...
La victoire est à nous ! « A genoux ! Vive Dieu ! »
Dit l'humble capitaine à sa troupe virile.
Et les jeunes conscrits, les bras rouges de sang,
Jettent cette clameur aux échos de la lande :
« Toi qu'un jour de combat fit si noble et si grand,
« Marche, Cathelineau ! Sois notre chef ! Commande ! »


Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)



Chaumière de Cathelineau