Pourquoi le prononcer, ce nom de la patrie ?..
Il résonne de loin dans mon âme attendue,
Comme les pas connus ou la voix d'un ami.
(Lamartine, Harmonies poétiques, liv. III.)
A l'ouest de la France, en deçà de la Loire,
Est un pays antique, un vieux sol de granit.
Ce pays s'est écrit une page de gloire ;
Par tous les cœurs chrétiens son nom sera béni.
Les Deux-Sèvres, l'Anjou, la féconde Vendée,
Y viennent s'embrasser et s'y donner la main ;
D'éternels souvenirs cette terre inondée
Au front porte ce nom : Bocage Vendéen.
Là, nous n'avons point vu la hache destructrice,
Promener son ravage au milieu de nos bois.
L'arbre projette encor son ombre protectrice ;
Nous avons les buissons, touffus comme autrefois.
De nos champs le progrès n'a point fait une plaine
Uniforme partout, immense et sans beauté.
Chez nous des niveleurs l'espérance fut vaine :
Ce qu'ont fait nos aïeux par nous est respecté.
Nous aimons mieux avoir des chênes centenaires,
Des frênes élancés, des ormeaux verdoyants.
Nous vivons sans procès, en limitant nos terres
Avec les troncs moussus de tous ces vieux géants.
Aux treillis contournés, nous préférons nos haies
D'aubépines, de houx, et hautes de dix pieds.
Aux barrières de fer, nous préférons les claies
Que font nos rudes mains, de branches d'églantiers.
Nous goûtons, rajeunis, la fraîcheur du feuillage ;
Quand nous nous reposons, au milieu des travaux,
Nous aimons écouter l'éternel babillage,
Voir les nids suspendus de nos petits oiseaux.
L'été, quand, inclinés sur la terre brûlante,
Aux sillons de nos champs nous versons nos sueurs,
Notre poitrine aspire, heureuse et haletante,
Un air tout imprégné de nos buissons en fleurs.
En rêvant au passé, sous les chênes antiques,
Sur un sanglant dolmen, on peut s'asseoir parfois,
On se rappelle alors les prêtres druidiques,
Et leur culte barbare, au fond de nos grands bois.
Car ils y sont venus, ces prêtres sanguinaires,
Comme en Bretagne ils ont dressé là des autels ;
Hésus fut adoré, sur ces rocs séculaires,
Taranis y reçut le sang noir des mortels.
Parmi nos souvenirs, un surtout nous enflamme,
Nous donne la fierté, porte nos fronts aux cieux,
La guerre, la grand'guerre, et la sainte oriflamme,
Les combats immortels de nos vaillants aïeux.
J'ouvrirai les feuillets de cette vaste histoire ;
Vous y lirez les faits des soldats de chez nous,
Oh ! oui, vous bénirez, j'en suis sûr, leur mémoire,
Et devant ces martyrs, vous ploierez les genoux.
Dom Joseph Roux, Souvenirs du bocage vendéen (1898)
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