Dans la vidéo ci-dessus, extraite de l'émission de Ruquier du 10 mai, on ne s'étonne donc pas de voir Eric Naulleau boire du petit lait quand Nadine Morano se réclame du gaullisme et de la "justice sociale" pour justifier sa vision de la famille, qui va pour le moins à l'encontre de la famille chrétienne et donc de l'unité sociale de base de la société française traditionnelle. En dehors du fait que Morano place une hypothétique justice sociale au-delà de toute question morale, ce qui est assez fort quand on a affaire au domaine familial - et qui montre bien comment le social a supplanté le moral comme référent transcendant -, je vois personnellement surtout une attitude profondément libérale dans son attitude, puisque son laisser-faire opère sous couvert de pragmatisme. A l'écouter, les familles homoparentales existent, donc elles seraient légitimes, ce qui n'est pas autre chose que dire l'impuissance totale du politique et sa séparation parfaite du monde moral le plus élémentaire. Ce que Morano appelle de l'hypocrisie chez Eric Zemmour, c'est le devoir de l'Etat de ne pas légiférer sur des cas particuliers qui s'ils existent bel et bien n'ont pas vocation à être reconnus, pour la simple et bonne raison qu'ils entrent en concurrence morale avec la norme de la société française traditionnelle. Non, tout ce qui existe n'a pas vocation à être reconnu ni même encouragé par l'Etat.
Il faut aller plus loin et reconnaître que ce socialisme (la "justice sociale"), et non gaullisme, et ce libéralisme (la gestion de ce qui existe sans aucune réflexion morale et, somme toute, politique, puisque le politique a vocation à organiser la cité) revendiqués par Morano sont les deux facettes destructrices de la société française héritées de la Révolution française. Le socialisme est particulièrement perceptible dans la volonté de satisfaire toutes les revendications d'où qu'elles proviennent sans prendre la peine d'examiner leur légitimité morale ; l'appel fait au "droit de l'enfant" (on aurait pu parler tout aussi bien du "droit à l'enfant" qui ne saurait tarder dans cette logique) est tout à fait symptomatique quand on mélange le désir d'enfant de couples (et non de familles) non naturelles et le prétexte de défendre un enfant qui n'a rien demandé. Justement, l'aspect libéral est tout à fait lié à cette attitude quand on prend pour base de son attitude politique non pas le groupe famille - dont on ne veut plus se demander la définition puisqu'elle serait par trop gênante - mais l'individu. La famille chez Morano, ce n'est pas un père, une mère et des enfants, mais une association libre d'individus qui, s'ils revendiquent le titre de famille, y ont forcément droit par "justice sociale", par vision égalitariste. Ainsi, l'héritage révolutionnaire travaille à plein : il s'agit d'un égalitarisme forcené travaillant au service de l'atomisation individualiste de la société traditionnelle en vertu de l'idéologie nihiliste de la République. La famille chrétienne ne peut donc être, pour les gens comme Morano et sa famille politique, qu'un reliquat gênant et encombrant.
[P. S. : la vidéo de Dailymotion que j'ai commentée a depuis longtemps été effacée, ce qui n'étonne pas connaissant Nadine Morano, mais le texte vaut toujours pour lui-même.]
2 commentaires:
Analyse concise et bien cadrée. J'avais pour ma part renoncé à l'exercice...
Merci de votre lien sur votre forum, vers "Etre et agir". J'ai eu des entrées par là...
Nul besoin de me remercier, le texte est bon, m'a beaucoup plu, et a toute sa place dans la partie consacrée à la réflexion du forum.
Concernant la vidéo, il y a de quoi renoncer à la commenter au vu de la confusion de Nadine Morano. Mais le fait est qu'elle m'a tellement agacé que je me suis fait plaisir en démontant son discours d'un point de vue contre-révolutionnaire (c'est le problème de Zemmour qui, comme il n'est pas royaliste, ne va jamais assez loin même s'il est intéressant).
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