lundi 8 octobre 2007 | By: Mickaelus

Tests ADN et incapacité républicaine

S'il y a bien une mesure du gouvernement qui fait couler beaucoup d'encre en ce moment et qui nous rappelle douloureusement comment Nicolas Sarkozy a cocufié un électorat patriote, nationaliste et réactionnaire étrangement docile pour se faire élire plus aisément, c'est bien celle-ci, puisqu'elle concerne directement l'un des thèmes majeurs de la prétendue extrême droite, l'immigration, cette immigration dont les effets concernent pourtant tout le peuple français.

La droite sarkozyste ne semble pas a priori hostile dans ses déclarations à un certain contrôle de l'immigration, même si personne n'est dupe - dans le camp de la droite de la droite du moins - de ses véritables intentions. Ainsi ces tests ADN sont-ils l'une de ces mesurettes insuffisantes censées faciliter ce contrôle, vain bricolage qui traduit une position défensive envers un phénomène qu'on n'essaie pas sérieusement d'endiguer. Car de même que l'objectif des 25000 reconduites à la frontière est ridicule en comparaison des clandestins déjà présents sur le territoire et qui continuent d'affluer, de même cette mesurette ADN en soi n'est qu'une concession grotesque pour atténuer ce qu'il faut supprimer : le regroupement familial. En ce sens, François Fillon a eu raison de parler de détail, même si je doute fort qu'il ait parlé dans la même optique que moi.

Si on sait donc que la volonté de façade affichée par le gouvernement quant à la lutte contre l'immigration clandestine n'est pas sérieuse, intéressons-nous tout de même un instant à ces tests ADN, dont la contestation jusque dans les rangs de la droite révèle le dysfonctionnement du système républicain, ou dans un sens sa malheureuse cohérence. On passera sur le sous-entendu d'un Charles Pasqua à qui cela rappelle le nazisme : les tests ADN traduisent plutôt le progrès scientifique et les nouvelles possibilités, les nouveaux moyens de notre époque, que le passé historique. Car l'important est ce que l'on souhaite en faire, c'est-à-dire ici contrôler les conditions d'accès au regroupement familial en vue d'empêcher les nombreuses fraudes, qui tournent au moins à 50 % selon les chiffres, pour aller jusqu'à 80 % des entrées. On ne voit pas bien le lien avec le nazisme dans tout cela, sauf à faire preuve de la plus méprisable mauvaise foi - et on la sait malheureusement intéressée, cette mauvaise foi.

La critique porte évidemment ensuite sur la définition de la famille, et beaucoup s'insurgent de la voir réduite à une dimension biologique. Et pourtant, la filiation par le sang reste, il faut l'avouer, malgré la dégénérescence de notre époque, la norme. De plus, si le regroupement familial n'est pas restreint à ce sens normatif et de bon sens, il ne connaît plus aucune limite et serait mieux nommé ainsi : regroupement ethnique. Si toute personne peut se réclamer moralement d'une famille, le regroupement familial n'a plus de sens, puisque toute personne peut alors de facto venir en France en ne manquant pas d'être reconnue par ses congénères qui résident déjà en France. Tout cela sans compter que la république française tolère sur son territoire les familles polygames, ce qui n'arrange rien, et justifie presque ceux qui pestent contre ces tests ADN : les sarkozystes, si on ne les savaient pas déjà hypocrites, apparaîtraient là bien incohérents. De toute façon, la partie est quoiqu'il en soit déjà abandonnée puisque l'amendement a été révisé et que le test ne saurait plus être que volontaire, ce qui constitue, comme le rappelait de façon désespérée Bernard Debré samedi soir chez Ruquier, une façon d'aider le regroupement familial en France. Comme s'il ne l'était pas déjà assez, on aura tout vu !

Surtout, cette petite affaire traduit bien l'incapacité foncière du système républicain à pouvoir gérer le défi de l'immigration, à ne serait-ce que le vouloir même. Tous les opposants à ces tests ADN s'appuient sur les mêmes arguments : ils seraient inconstitutionnels, ils entreraient même en opposition avec les valeurs de la France (comprendre : la république qui a remplacé la France depuis la Révolution). De même qu'on peut soupçonner le gouvernement Sarkozy d'avoir lancé cette mesure, tout en sachant qu'elle ne pouvait aboutir, pour contenter son électorat droitier ("vous voyez, on essaie, ce n'est pas notre faute"), de même il ne faut pas perdre de vue que tout gouvernement élu au suffrage universel et qui tenterait, au contraire du gouvernement de Fillon, de lutter efficacement contre l'immigration, entrerait en conflit avec les valeurs et la constitution de la république. Imagine-t-on Villiers ou Le Pen présidents d'une république qui leur interdirait par ses fondements de mettre en oeuvre leur programme ? En vérité, toute véritable politique de droite, réactionnaire et patriote, entraînerait une crise politique et institutionnelle profonde. Elle ne se pourrait mettre en oeuvre qu'en brisant la république et ses fondamentaux relativistes, de même qu'en mettant au ban les remontrances de l'Europe et le poids des Droits de l'homme. Ce n'est pas enfin dans un néo-fascisme, dans une république de type césariste et dictatoriale, qu'il faudrait retrouver un équilibre institutionnel qui permette de promouvoir vraiment la France et de la protéger. C'est la royauté traditionnelle qui seule a la faculté d'ériger en principe la France, en liant le destin du Prince a celui de l'intérêt de son pays. Bien au contraire de cela, la république est le principe même de la trahison de soi, qui entraîne notamment cette immigration incontrôlée qui se conjugue à des pulsions de mort et d'auto-destruction.