Cette description de l'apparence de Robespierre par Alfred de Vigny, si elle s'inscrit dans une oeuvre de fiction, Stello, qui plus est largement postérieure à la vie du terroriste, me semble transcrire de belle manière l'inhumanité presque palpable du père de la Terreur qui, s'il est surnommé l'incorruptible, devrait être plus justement appelé l'inhumain. La prétendue vertu du personnage n'est ici qu'un masque craquelé par les bouffissures d'un orgueil qui jaillit à même un visage affublé du rictus du Diable.
"Vous pouvez très bien vous représenter Robespierre. On voit beaucoup d’hommes de bureau qui lui ressemblent, et aucun grand caractère de visage n’apportait l’émotion avec sa présence. Il avait trente-cinq ans, la figure écrasée entre le front et le menton, comme si deux mains eussent voulu les rapprocher de force au-dessus du nez. Ce visage était d’une pâleur de papier, mate et comme plâtrée. La grêle de la petite vérole y était profondément empreinte. Le sang ni la bile n’y circulaient. Ses yeux petits, mornes, éteints, ne regardaient jamais en face, et un clignotement perpétuel et déplaisant les rapetissait encore, quand par hasard ses lunettes vertes ne les cachaient pas entièrement. Sa bouche était contractée convulsivement par une sorte de grimace souriante, pincée et ridée, qui le fit comparer par Mirabeau à un chat qui a bu du vinaigre. Sa chevelure était pimpante, pompeuse et prétentieuse. Ses doigts, ses épaules, son cou étaient continuellement et involontairement crispés, secoués et tordus lorsque de petites convulsions nerveuses et irritées venaient le saisir. Il était habillé dès le matin, et je ne le surpris jamais en négligé. Ce jour-là, un habit de soie jaune rayée de blanc, une veste à fleurs, un jabot, des bas de soie blancs, des souliers à boucles, lui donnaient un air fort galant."
Alfred de Vigny, Stello (1832)
1 commentaires:
Comme quoi la grande littérature est parfois faite par de mauvais historiens !
Enregistrer un commentaire