dimanche 27 juillet 2014 | By: Mickaelus

Louis de Bourbon, duc d'Anjou : 800ème anniversaire de la Bataille de Bouvines

Horace Vernet, la Bataille de Bouvines


1214-2014. Huit cents ans séparent ces deux dates et Bouvines demeure un repère essentiel dans l'histoire de France. Une date charnière. Croyez bien que je ressens un grand honneur d'avoir été invité à cet anniversaire. J'y suis comme successeur, bien lointain il faut le dire, puisque tant de siècles nous séparent de Philippe-Auguste, le vainqueur de Bouvines.

De telles commémorations nous font entrer profondément au cœur de l'histoire de notre pays. Il y a quelque chose d'exceptionnel pour notre nation que de pouvoir s'inscrire dans une si longue durée qui est aussi une occasion de réfléchir à notre destinée.

Pourquoi nous souvenons-nous de Bouvines, alors que les mots ont changé de sens, alors que des concepts nouveaux sont apparus, forgés par les événements si nombreux vécus par notre pays ? Ainsi, que dire, après 800 ans, d'encore audible pour nos concitoyens ? Au-delà de la victoire elle-même, victoire un peu miraculeuse, puisque les troupes royales étaient deux fois moins nombreuses que celles des coalisés du roi Plantagenêt et de l'Empereur, nous pouvons retenir trois enseignements de Bouvines.

Le premier est l'affirmation de l'État. Cela paraît à la fois lointain et, parfois aussi, très présent. Lointain, car nous avons du mal à nous imaginer ce qu'était la société féodale, divisée en de multiples souverainetés, avec quelques grands féodaux essayant de conquérir toujours plus de pouvoirs. Le Roi de France, qui était le plus petit des grands, les a vaincus à Bouvines. Philippe, en ce jour de juillet 1214, a affirmé, pour son temps comme pour le nôtre, qu'au-dessus des intérêts particuliers il y a le bien commun dont la fonction royale est garante. Ce n'est pas un hasard si la renommée lui a donné le surnom de « Auguste » [Philippe-Auguste], lui reconnaissant ce vieux titre hérité de Rome qui restait encore le modèle de l'État, c'est-à-dire d'un pouvoir non dépendant des hommes et de leurs égoïsmes passagers. Oui, Bouvines marque la renaissance de l'État.

Le second vient de la nouveauté de la bataille de Bouvines où, au-delà des troupes habituelles des chevaliers et de leurs servants, ce qui fit la différence, ce furent les milices bourgeoises des communes. Pour la première fois, la société française, organisée en corps constitués autour de ses métiers et de ses chartes communales, se manifestait. À Bouvines, unis sous la bannière de Saint-Denis, sont venus combattre ceux qui étaient fiers de leur autonomie et de leurs libertés à se gérer. Ce droit, qui en avait fait, pour la première fois, de vrais sujets libérés de la tutelle des seigneurs, ils le devaient aux premiers capétiens, qui favorisèrent les chartes de franchise contre la toute-puissance des féodaux. La conscience politique du peuple de France est née à Bouvines.

Ainsi, et c'est le troisième enseignement que je vois dans cette commémoration, se souvenir de Bouvines, huit cents ans après la victoire, permet de comprendre l'intérêt de l'histoire. Parfois la France donne l'impression d'oublier son passé, or, c'est dans le temps long que notre pays s'explique. Il s'est constitué génération après génération. Les grandes dates que les écoliers apprennent [496, l'an 800, 1214, 1515... jusqu'à 1914] sont autant de repères qui donnent du sens à nos vies.

Il faut nous en souvenir pour écrire de nouvelles pages, pour entrer dans l'avenir. Une grande nation est celle qui sait s'inscrire dans le temps. En m'invitant ici, en ce jour, à côté de toutes les autorités, héritier de la dynastie millénaire, j'imagine que c'est, Monsieur le Maire, ce que vous avez souhaité montrer. Soyez remercié de m'avoir permis de le rappeler.

Louis, duc d'Anjou