mardi 27 novembre 2007 | By: Mickaelus

Villiers-le-Bel : nouvelle furie barbare et incompétence gouvernementale

Cela va devenir un triste rituel en France, que la mort accidentelle de deux jeunes arabes écervelés doive s'ensuivre d'émeutes dont les scènes soient dignes d'une véritable guérilla urbaine (voir le récit des événements de la nuit dernière dans cet article du Monde).

Après les tristement célèbres révoltes anti-françaises de 2005 et les événements de Saint-Dizier, dont j'avais parlé un peu sur ce blogue, nous voici ces jours-ci invités à contempler Villiers-le-Bel, une ville située dans une zone poudrière bien connue. Villiers-le-Bel, un nom qui laisse rêveur et qui fait penser à la fois à Philippe de Villiers et à Philippe le Bel, mais dont les événements et la façon dont ils sont et seront gérés auront tôt fait de démontrer - et c'est déjà plus qu'à moitié fait - que Nicolas Sarkozy et son gouvernement sont incompétents et incapables, abrutis qu'ils sont par "leur fermeté dans le dialogue" - expression qu'on nous ressort à toutes les sauces, que ce soit à l'occasion de révoltes sociales ou anti-françaises, résumé parfait de la "république des Bisounours". Quand les prétendus droitiers de l'UMP trouvaient excuse à Sarkozy en 2005 parce qu'il n'était "que" ministre de l'Intérieur, on se demande quel prétexte ils vont nous trouver aujourd'hui, mais il semble bien que le fait que Sarkozy doive se montrer comme la pure continuité de Chirac en matière d'efficacité va se confirmer de plus en plus.

Car de quoi s'agit-il aujourd'hui ? Deux adolescents roulent sans casque à moto, ratent une priorité et sont renversés par des policiers, qui bien évidemment sont désignés comme coupables par une population qui attend le moindre prétexte pour défier les autorités républicaines, la preuve en étant la rapidité avec laquelle les plus jeunes s'organisent avec barres de fer et cie. De fait, il est avéré que dans ces zones de non droit, de véritables légions barbares sont mobilisables à tout instant et que des caches d'armes nombreuses existent. Comment expliquer sinon un bilan qui fait mention d'une violence aggravée par rapport aux révoltes de 2005, d'environ 82 policiers blessés dont quelques-uns gravement pour avoir essuyé des coups de fusils à pompe et de chevrotine - et je ne parle même pas des vitrines et magasins pillés, de l'école maternelle incendiée ?

Aujourd'hui, on ne peut plus se contenter de saluer aussi niaisement que Michelle Alliot-Marie le "sang-froid" de la police ni réclamer la sanction par la justice (discours exactement identique sur le fond à celui de Sarkozy en 2005), ou encore parler de manière tout à fait déplacée et inappropriée de "criminels" comme l'a fait François Fillon. Il ne s'agit évidemment plus dans ce contexte d'une addition d'individus, d'une simple bande de voyous qu'il suffirait d'arrêter et d'emprisonner ; non, il s'agit bien plutôt des germes d'une guerre civile et d'une guérilla, et quand on se trouve en situation de guerre, on agit et on s'exprime en conséquence, en osant affronter ce qu'est la réalité. La méthode n'est pas compliquée, il faut s'inspirer de la façon dont Louis XIV a géré ses émeutes dans son royaume : frapper vite et fort les émeutiers quitte à gracier ensuite s'il y a repentance. Aujourd'hui, cela doit se traduire par le renforcement du dispositif policier - ce qui a été annoncé - mais aussi et surtout, sans quoi tout le reste serait inutile, le tir à balles réelles après une sommation claire et nette de se rendre. Il ne faut pas qu'une société craigne de faire usage de la force face à un constituant étranger et barbare qui ne veut pas s'intégrer, et qu'on ne devrait pas même imaginer pouvoir intégrer. Se montrer faible est la meilleure manière pour un Etat d'être constamment défié. Cependant, là où Louis XIV pouvait gracier des sujets français, ce geste devrait consister dans notre cas à expulser du territoire français les barbares. Mais cela, il n'est pas difficile de deviner que ce n'est pas sous une république que cela arrivera : nous aurons à nous battre quand la Gueuse sera morte de sa bêtise, pour que la France éternelle et royale vive à nouveau.

vendredi 23 novembre 2007 | By: Mickaelus

Oeuvres de Joseph de Maistre dans la collection "Bouquins" et sur Gallica

"La postérité a retenu de Joseph de Maistre qu’il a été l’un des plus fermes partisans de la contre-révolution. Cet auteur est à redécouvrir, même si l’on n’est pas un « affreux réactionnaire ».

Ses adversaires l’ont peint comme un doctrinaire sectaire, pourfendeur des idées nouvelles. Ce portrait comporte une part de vérité : ennemi déclaré des Lumières, Joseph de Maistre (1753-1821) développe une philosophie de l’autorité, dénonçant l´illusion des droits de l´homme et de la démocratie, qui peut légitimement révolter une conscience moderne. Quelles raisons a-t-on de lire un tel penseur au début du XXIe siècle ? À en croire les meilleurs esprits, ces raisons ne manquent pas. Cioran en propose un usage thérapeutique : il s’agit de parier ironiquement sur les excès d’un dogmatisme « aussi habile à compromettre ce qu’il aime que ce qu’il déteste ». Une autre raison de lire Maistre consiste à chercher dans son œuvre un révélateur, au sens chimique du terme. C’est ce que suggère George Steiner, lorsqu’il affirme que ce penseur est un prophète, qu’il annonce le malaise idéologique de la modernité en montrant la violence inscrite dès l’origine dans l’émancipation révolutionnaire. Mais on peut aussi lire Maistre comme Valéry, à la façon du dilettante, pour la saveur de son écriture. Ses traits d’esprit sont rehaussés par une langue admirable : causticité, imagination, acuité intellectuelle, Maistre séduit jusqu’à ses adversaires.

Ce volume s’adresse aux historiens, aux philosophes, aux juristes et aux amateurs de littérature. Il réunit un choix des œuvres les plus célèbres de Maistre – Considérations sur la France, Essai sur le principe générateur…, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, Éclaircissement sur les sacrifices –, mais aussi des textes moins connus et partiellement inédits – Six Paradoxes, Sur le protestantisme – établis dans le respect des manuscrits. Et, pour la première fois, sous forme de Dictionnaire, une petite encyclopédie de la pensée maistrienne."

Source

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On pourra aussi lire librement Joseph de Maistre (1753-1821) sur Gallica :


- Les soirées de Saint-Pétersbourg, ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la providence, suivis d'un Traité sur les sacrifices : tome 1 ; tome 2

- Essai sur le principe générateur des constitutions politiques et des autres institutions humaines

- Etude sur la souveraineté

- Examen d'un écrit de J.-J. Rousseau sur l'inégalité des conditions

- Lettres à un gentilhomme russe sur l'inquisition espagnole

lundi 19 novembre 2007 | By: Mickaelus

Sonnets de Ronsard pour la naissance du fils aîné d'Antoine de Bourbon

Dans Les Amours, recueil poétique de sonnets amoureux d'inspiration pétrarquiste et platonicienne (mais où la sensualité voire l'érotisme sont loin d'être absents), on ne peut pas dire que Ronsard fasse beaucoup référence à la France (sinon parfois à son domaine de manière poétique) comme ce pourra être le cas dans ses dernières années, ce qui est normal puisque le prince des poètes vit alors les belles années de la Renaissance sous Henri II, tout dévoué qu'il est à sa Cassandre comme Pétrarque pouvait l'être à sa Laure. Toutefois, on peut tout de même remarquer par exemple ces deux sonnets écrits à l'occasion de la naissance du fils aîné d'Antoine de Bourbon, duc de Vendôme et suzerain des Ronsard. Ce fils, l'aîné du futur Henri IV, ne vivra malheureusement que deux ans.


Léonard Limosin, Antoine de Bourbon,
roi de Navarre (1518-1562),
père de Henri IV, miniature (émaillerie)


199

Que Gâtine ait tout le chef jaunissant
De maint citron & mainte belle orenge,
Que toute odeur de toute terre étrange
Aille par tout nos plaines remplissant.
Le Loir soit lait, son rampart verdissant,
En un tapis d'esmeraudes se change,
Et le sablon, qui dans Braie se range,
D'arenes d'or soit par tout blondissant.
Pleuve le ciel des parfums & des roses,
Soient des grans vens les aleines encloses,
La mer soit calme, & l'aer plein de bon heur :
Voici le jour, que l'enfant de mon maître,
Naissant au monde, au monde a fait renaitre,
La foi premiere & le premier honneur.

200

Jeune Herculin, qui dès le ventre saint
Fus destiné pour le commun service :
Et qui naissant rompis la teste au vice
De ton beau nom dedans les astres peint :
Quand l'age d'homme aura ton coeur atteint,
S'il reste encor quelque trac de malice,
Le monde adonc ploié sous ta police
Le pourra voir totalement estaint.
Encependant croîs, enfant, & prospere,
Et sage, apren les haus faits de ton pere,
Et ses vertus, & les honneurs des Rois.
Puis autre Hector, tu courras à la guerre,
Autre Jason, tu t'en iras conquerre,
Non la toison, mais les chams Navarrois.

Pierre de Ronsard, Les Amours (1552)

jeudi 15 novembre 2007 | By: Mickaelus

Les éditions Pays & Terroirs

Des éditions très intéressantes pour qui souhaite connaître les traditions de l'Ouest et notamment celles qui ont trait aux Guerres de Vendée (site internet) :

"Les Editions Pays & Terroirs ont été fondées en 1988 pour promouvoir le patrimoine et l'histoire locale, préserver les arts et les traditions populaires des Pays d'Ouest, étudier les évolutions contemporaines dans cette région de marches entre Armorique et Aquitaine.

Libraire-éditeur à Cholet, spécialisé en histoire régionale, Pays et Terroirs compte plus de 200 titres à son catalogue.

Depuis quelques années, cette activité d'édition s'étend à des sujets nationaux et à la publication de manuscrits d'auteurs."

"Catalogue gratuit de vente par correspondance disponible sur simple demande :

PAYS & TERROIRS,
65, place de Rougé,
B. P. 131
49301 CHOLET CEDEX
tél. 02.41.62.68.94
courriel : pays.et.terroirs@wanadoo.fr"


Extrait du catalogue ayant rapport aux Guerres de Vendée :

Une petite histoire des Guerres de Vendée :
Delahaye (Nicolas), A la découverte de la Guerre de Vendée, 1793-1832 (2003)

Les références historiques :
Beauchamps (Alphonse de), Histoire de la Guerre de la Vendée et des Chouans, depuis son origine jusqu'à la pacification de 1801 (3 volumes, 2003)
Crétineau-Joly (Jacques), Histoire de la Vendée militaire (5 volumes, 1993)
Deniau (Abbé Félix), Histoire de la Guerre de la Vendée (6 volumes, 2002)
Doré-Graslin (Philibert), Journal de la Guerre des Géants 1793-1832 (1993)
Muret (Théodore), Histoire des Guerres de l'Ouest 1792-1815 Vendée-Chouannerie (5 volumes, 2002)
Savary (Jean-Julien-Michel), Guerre des Vendéens et des Chouans contre la République française (6 volumes, 1993)

La Terreur et les colonnes infernales :
Delahaye (N.), Gabory (P.-M.), Les 12 Colonnes de Turreau (1995)
Gruget (abbé S.), Mémoires et Journal de l'abbé Gruget (2003)
Lallié (Alfred), Carrier (1994) ; Les noyades de Nantes (2003) ; Les prisons de Nantes (2003)
Lequinio (J.-M.), Guerre de la Vendée et des Chouans (1995)
Marambaud (Pierre), Les Lucs, la Vendée, La Terreur et la Mémoire (1993)
Quatrebarbes (Th.), Une paroisse vendéenne sous la Terreur (2003)

Le témoignage des contemporains :
Béjarry (Amédée de), Souvenirs vendéens (2003)
Bonchamps (Mme de), Mémoires de Mme la Marquise de Bonchamps sur la Vendée (2003)
Bordereau (Renée), Mémoires de Renée Bordereau (2003)
Boutillier de Saint-André, Mémoires d'un père à ses enfants, une famille vendéenne pendant la Grande Guerre (1994)
Bouëre (Mme de La), La Guerre de la Vendée 1793-1796 (1994)
Poirier de Beauvais (B.), Mémoires inédits (1994)
Lucas de La Championnière, La Guerre de Vendée au pays de Charette (1994)
Rochejaquelein (Mme de La), Mémoires de Mme de La Rochejaquelein (1993)
Sapinaud (Mme de), Mémoires sur la Vendée (1995)

Portraits de Vendéens :
Bittard des Portes (René), Charette et la Guerre de Vendée (1996)
Blachez (René), Bonchamps et l'insurrection vendéenne (2003)
Chabot (F. de), Henri de La Rochejaquelein et la Guerre de Vendée (1998)
Crétineau-Joly (Jacques), Les 7 Généraux vendéens (1993)
Stofflet (Edmond), Stofflet et la Vendée (1994)

mardi 13 novembre 2007 | By: Mickaelus

La mort de Roland à Roncevaux

Achille Etna Monchallon, Paysage. Mort de Roland en 778


168

Roland sent bien que sa mort est proche :
sa cervelle sort par ses oreilles.
Il prie d'abord pour ses pairs, que Dieu les appelle à lui,
et pour lui-même ensuite à l'ange Gabriel.
Pour éviter tout reproche, il prit l'olifant,
et Durendal son épée dans l'autre main.
Plus loin encore qu'une portée d'arbalète,
il se dirige vers l'Espagne, dans un guéret.
En haut d'un tertre, sous deux beaux arbres,
il y avait quatre blocs taillés dans le marbre.
Sur l'herbe verte, il est tombé à la renverse ;
il s'est pâmé, car sa mort est proche.

169

Hauts sont les monts et très hauts les arbres.
Il y avait quatre blocs de marbre brillants.
Sur l'herbe verte, le comte Roland se pâme.
Un Sarrasin ne cesse de l'observer ;
couché par terre entre les autres, il faisait le mort,
avait couvert de sang son corps et son visage ;
il se redresse et arrive en courant.
Il était beau et fort et très courageux,
dans son orgueil, il fait une folie qui lui sera fatale :
il porte la main sur Roland et sur ses armes.
Alors il dit : "Le neveu de Charles est vaincu !
J'emporterai cette épée en Arabie."
Comme il la tirait, le comte reprit quelque peu ses sens.

170

Quand Roland sent qu'on lui enlève son épée,
il ouvre les yeux, et lui a dit :
"Toi, sauf erreur, tu n'es pas des nôtres !"
De l'olifant, qu'il ne voulait pas lâcher un instant,
il l'a frappé sur le heaume aux gemmes serties dans l'or ;
il brise l'acier, le crâne et les os,
et de la tête lui a fait sortir les deux yeux,
puis à ses pieds il l'a reversé mort.
Alors il dit : "Vil païen, comment as-tu osé
porter la main sur moi, à tort ou à raison ?
Nul n'entendra parler de toi qui ne te prenne pour un fou.
Mon olifant en est fendu par le bout,
et le cristal et l'or en sont tombés."

171

Quand Roland sent qu'il a perdu la vue,
il se redresse, rassemble ses forces tant qu'il peut ;
tout son visage a perdu sa couleur.
Droit devant lui il a vu une pierre :
plein de chagrin et de dépit, il y frappe dix coups ;
l'acier grince fort, mais ne se brise ni ne s'ébrèche.
"Eh !" dit le comte, "sainte Marie, aide-moi !
Eh ! Durendal, quel dommage pour vous si bonne !
Puisque je meurs, je ne me charge plus de vous.
Que de victoires j'ai remportées sur les champs de bataille,
que de grandes terres j'ai conquises avec vous,
qui maintenant sont à Charles, à la barbe chenue !
Qu'il ne soit pas couard, celui qui vous possédera !
C'est un vaillant qui vous a longtemps tenue.
En France la sainte, jamais il n'y en aura de tel."

172

Roland frappa sur le bloc de sardoine :
l'acier grince fort, mais ne se rompt ni ne s'ébrèche.
Quand Roland voit qu'il ne peut la briser,
tout bas, pour lui, il commence à faire sa plainte :
"Eh ! Durendal, comme tu es claire et brillante !
Comme tu flamboies et resplendis au soleil !
Charles se trouvait aux vallons de Maurienne
quand, par son ange, Dieu lui manda du ciel
qu'il te donnât à un comte qui soit capitaine ;
alors le grand, le noble roi, me la ceignit.
Je lui conquis l'Anjou, la Bretagne avec elle,
et lui conquis le Poitou et le Maine,
je lui conquis Normandie la franche,
et lui conquis la Provence et l'Aquitaine,
la Lombardie et toute la Romagne ;
je lui conquis la Bavière et toute la Flandre,
la Bulgarie et toute la Pologne,
Constantinople, dont il reçut l'hommage ;
en Saxe aussi il commande à son gré ;
je lui conquis l'Ecosse et l'Irlande,
et l'Angleterre, qu'il possédait en domaine personnel ;
et avec elle je lui ai conquis tant de pays et de terres
qui maintenant sont à Charles à la barbe blanche.
De cette épée je m'afflige et je m'attriste :
j'aime mieux mourir que la savoir aux mains des païens ;
Dieu, notre père ! épargne cette honte à la France !"

173

Roland frappa sur une pierre dure,
en fait tomber plus que je ne sais vous dire.
L'épée grince fort, mais ne se casse ni ne se brise,
haut vers le ciel elle a rebondi.
Quand le comte voit qu'il ne la brisera pas,
avec tendresse il fait sa plainte tout bas, pour lui :
"Eh ! Durendal, comme tu es belle, et si sainte !
Dans ton pommeau à or, il y a bien des reliques :
de saint Basile du sang, une dent de saint Pierre,
et des cheveux de monseigneur saint Denis,
et du vêtement de sainte Marie ;
il n'est pas juste que des païens te possèdent ;
par des chrétiens tu dois être servie.
Qu'il ne soit pas couard, celui qui te possédera !
J'aurai par toi conquis de grandes terres
qui maintenant sont à Charles à la barbe fleurie ;
l'empereur en est célébré et puissant."

174

Quand Roland sent que la mort s'empare de lui,
que de la tête elle lui descend au coeur,
il est allé en courant sous un pin ;
sur l'herbe verte il s'est couché face contre terre,
sous lui il met son épée et l'olifant.
Il se tourna, la tête face à l'ennemi païen ;
il l'a fait parce qu'il veut à tout prix
que le roi Charles et tous les siens disent
du noble comte qu'il est mort en conquérant.
Il bat sa coulpe à petits coups répétés,
pour ses péchés il présenta à Dieu son gant.

175

Roland sent bien que son temps est fini.
Face à l'Espagne, il est sur un sommet à pic,
il s'est frappé la poitrine d'une main :
"Mea culpa, mon Dieu, devant ta puissance rédemptrice,
pour mes péchés, les grands et les petits,
que j'ai commis depuis l'heure où je naquis
jusqu'à ce jour où me voici frappé à mort !"
Il a tendu vers Dieu son gant droit :
du ciel les anges descendent jusqu'à lui.

176

Le comte Roland était étendu sous un pin ;
face à l'Espagne il a tourné son visage.
De bien des choses il se prit à se souvenir :
de tant de terres qu'il avait conquises, le vaillant,
de France la douce, des hommes de son lignage,
de Charlemagne, son seigneur, qui l'avait élevé ;
il ne peut faire qu'il ne pleure ni ne soupire.
Il ne veut pas, pourtant, s'oublier lui-même,
il bat sa coulpe, demande pardon à Dieu :
"Père véritable, qui restes toujours fidèle,
qui de la mort ressuscitas saint Lazare,
et qui des lions sauvas Daniel,
préserve mon âme de tous les périls
que, dans ma vie, m'ont valus mes péchés !"
Il présenta à Dieu son gant droit,
et de sa main saint Gabriel l'a reçu.
Il a laissé pencher sa tête sur son bras,
et, les mains jointes, il est allé à sa fin.
Dieu envoya son ange Chérubin,
et saint Michel du Péril de la Mer,
et, avec eux, y vint saint Gabriel ;
au Paradis ils emportent l'âme du comte."

La Chanson de Roland, traduction de Ian Short (résumé)
[collection Lettres gothiques]


Gaston Bussière, La mort de Roland

Grandes Chroniques de France